lundi 21 décembre 2009

La Symphonie du Siphon Nu

Lundi vingt-et-un décembre deux mille neuf. Vingt-et-une heures vingt-huit. La nuit la plus longue de l'année bat son plein depuis quelques heures. Ou la seconde. L'hiver a officiellement commencé aujourd'hui, quand bien même la température, après une agréable semaine à moins deux, moins cinq, avec chutes de neige et plaques de verglas, a décidé de remonter la pente et de flirter avec la ligne des dix degrés Celsius au-dessus de zéro. C'est dommage; je préférais le froid.

Le froid, quand bien même il fendait pierre, n'avait pas encore atteint des profondeurs telles que je dusse enclencher mon chauffage électrique. Je reste pour le moment tributaire des natures douillettes de mes voisins, qui se sont chauffés tant et plus, me permettant d'omettre toute modification dans la température interne de mon intérieur. Une bonne isolation, et des voisins de tous les côtés, qui chauffent l'immeuble pour moi.

Du sommeil en retard. Des lectures. "Kushiel's Dart", de Jacqueline Carey."The Couch", de Robert Bloch (le monsieur des violons qui grincent sous la douche dans le "Psycho" adapté par Hitchcock). "Ride the Nightmare", un vieux Matheson. "The State of the Art", de Iain M. Banks, un recueil de nouvelles qui parlent notamment de la Culture. Inédit en version française? Il me semble. "The Stone of Tears", second volet des aventures de Richard Cypher, dans le cycle The Sword of Truth", de Terry Goodkind. Et j'en oublie.

Programme de la soirée: tenir le tournoi magique du lundi soir. Manger un truc chaud. Lire du Bloch, puis entamer l'anthologie "Retour sur l'horizon", dirigée par Serge Lehmann. Avec un seul ou deux n? Plus d'autres bricoles qui bricolisent le fond de mes abris-bus.

jeudi 3 décembre 2009

Un Tramway Nommé Darwin

Jeudi trois décembre deux mille neuf. Onze heures quarante-huit du matin. De nouveau seul à la boutique. Mon frère profite de ma présence pour matiner gras, et il a bien raison; je n'hésite pas à en faire autant lorsque le besoin s'en fait ressentir. Déjà un fournisseur de passé, avec de la quasi-nouveauté et du réassort plateau long overdue. Le nouveau jeu de plateau Tomb Raider Underworld, avec sa figurine exclusive Lara Croft. Le tout livré par le livreur avec lequel nous n'aimons pas travailler, quand il fait mal son boulot, ce qui n'était pas le cas cette fois-ci, heureusement.

Depuis le début de la semaine, je repousse ma lessive. Je devrais trouver le temps d'y consacrer une heure ou deux, descendre dans la rue, mon vieux sac à dos à l'épaule, celui qui me servait à camper dans les années quatre-vingts, à l'époque où, tout minot, je m'adonnais au scoutisme dans les forêts d'Auvergne, empli de chaussettes sales et de chemises froissées, sans parler de mon pantalon sur lequel les traces de vomis de mardi dernier devraient persister par-delà le mur du savon, regarder tourner le téléviseur monorail de la vacuité, tout en emplissant mes orbites lasses du fil sans cesse interrompu du roman en cours.

Bref, j'ai la flemme de sortir faire ma lessive, et c'est dommage, puisqu'indispensable, et largement urgent. J'ai encore des solutions de repli pour continuer de mettre des vêtements propres. Mais elles s'amenuisent à mesure que le temps passe. Je ferai ça dimanche, au train où vont les choses. Et je dois encore m'alimenter en courses de petit-déjeuner. On verra ça demain, si je suis motivé pour sortir avant de ressortir. Car la sortie est économisable à merci.

En cours de lecture depuis lundi, "The Glass Hammer", de K.W. Jeter, l'autre inventeur du steampunk, voire du cyberpunk si son premier roman avait été publié douze ans plus tôt, quand il l'écrivit. Mais on ne refait pas l'histoire de l'édition, tout juste peut-on jeter la pierre et replacer les choses dans leurs contextes. Je pense que Gibson demeure un plus fin syliste, mais Jeter a l'avantage de la diversité dans les thématiques. Et la solution de repli d'écrire des romans sous licence commerciale (les suites de Blade Runner, c'était lui). Second roman seulement de l'auteur que je lis, celui-ci est un peu difficile d'accès; travailler quinze heures par jour n'arrange rien.

Il fait trop chaud. Les Lyonnais pensent le contraire, mais ils ont tort. Le mercure affiche sept degrés celsius, et il pleut, mais j'aimerais voir la fraîcheur devenir totale, le givre gagner les vitres, mourir les sans-abri et tomber la neige. Blanchir les rues. Me faire me recroqueviller sous mon sac de couchage, dans mon studio sans chauffage, avec chauffage que je me refuse à brancher tant que le froid ne se sera pas fait envahissant. Il y a deux ans sur Orléans, j'avais vaguement frais, mais il a fallu qu'une amie m'appelle et me signale qu'il faisait moins dix, pour que je me dise que brancher le radiateur électrique pouvait s'avérer utile.

L'an dernier en Chine, il faisait froid, enfin frais, mais je n'avais pas le choix, les logements n'étant pas équipés de radiateurs, hormis la climatisation, que même au plus fort de la fournaise estivale, je n'ai pas daigné enclencher. Il me plaît de prétendre être insensible aux frimas. Comme la grippe et la crise financière, je ne suis pas vraiment concerné, puisque je n'ai pas la télévision. Le vecteur de diffusion du désespoir socialement généré ne passe pas par moi, je demeure invulnérable et solitaire, juché sur mon promontoire, face au vent du large, les embruns venant fouetter le front que mes mèches rebelles et romantiques dénudent par intermittence.

L'an prochain à la même date, j'aurai une fois encore changé de continent, je gravirai à pied quelque contrefort de la Cordillère, quelque part entre le Machu Picchu en cours d'effondrement et la Tierra del Fuego, de débâcle en dérive, car il faut bien, parfois, porter ses pas où le vent souffle en rafale. Je n'ai pas encore renoncé à ma globitrottance.

Dehors, il pleut. Mon commerce sent le renfermé, mais je rechigne à ouvrir la porte, tant les bruits de la rue m'insupportent. Bien m'en a pris, un connard, un de plus, ayant décidé de convertir le trottoir devant ma boutique en parking de quartier. Je hais décidément les automobiles et leurs sectataires, ces humanoïdes dépourvus d'intérêt qui compromettent leur statut d'êtres de pulpe pour s'abrutir au volant de cercueils roulants. Seul le métal les sauve, dont sont faits leur corbillards.

Les journées sont trop courtes, l'air trop tiédasse, les gens trop humains. Je dois être un peu misanthrope sur les bords. Je ne suis plus passé par la presse de la gare quotidiennement traversée, quand je me rends au travail à pied. Ces jours-ci, je privilégie la bicyclette. Nouveauté pour Noël, nous fermerons trois jours, les badauds se faisant rares, le jour férié tombant cette année un vendredi, gageons que la plupart des clients putatifs partiront trois jours d'affilée.

Heads up, haut les cœurs. Repartons de plus belle vers un avenir radieux. Comme la bière du même nom. Dans mon colimateur, divers romans policiers des années soixante-dix, une ou deux productions françaises récentes en matière de fantasy, plus quelques livres qui seront nécessairement meilleurs, mais que je n'ai pas le réflexe d'entamer, puisqu'ils sont dissimulés, sur mes étagères, par la densité de peuplement. Il faut que je pense à me racheter des bibliothèques, quelque part en deux mille dix, si je parviens à conserver mes sous. Ce qui n'est pas gagné. Ah là là, non. Que nenni.

Programme de la journée: tenir mon commerce, en attendant que le frérot daigne quitter sa trance extatique. Me procurer des sandwiches, ou des nouilles lyophilisées, pour améliorer mon ordinaire. A moins de me fendre des quelques euros nécessaires à l'acquisition d'un bobun. Projet à l'étude. Râler contre les gens, la météo, les pigeons. Et ne me faites pas démarrer sur la cigarette, je suis plein d'une haine tenace envers les sicaires de la grande chamelle. Lire un peu, si les clients ne se bousculent pas au portillon. Me tenir informé des nouveautés en matière d'imaginaire. Sentir le renfermé. Saluer, rendre la monnaie, ne pas avoir vu tomber la nuit. Orner le ciel nocturne lyonnais d'une lune écarlate, barrée d'un troll prognathe aux avant-bras velus.

lundi 30 novembre 2009

En Passant par la Porte Etroite

Lundi trente novembre deux mille neuf. Vingt-trois heures quarante-quatre. Fin de ma journée de travail. Le tournoi magique a battu son plein, les joueurs viennent de quitter la salle de jeu. Je l'ai su quand je n'ai plus entendu leurs éclats de voix et le bruits des cartes qu'on plaque sur le bois des tables. Je suis donc seul dans la place, comme je le serai dans dix heures, quand je reviendrai.

Ce week-end, j'étais sur Paris, où j'ai vu des gens, mangé des gaufres cantal-miel, joué à Qin et peu dormi. J'ai lu dans le train à l'aller le dernier Paul Auster, "Invisible", qui se termine en eau de boudin, et au retour, j'ai terminé "The Scarecrow", de Michael Connelly, qui fait suite au "Poet", douze ans plus tard. Un Connelly standard. Depuis ce midi, je suis sur "The Glass Hammer", de K. W. Jeter, un des inventeurs du cyberpunk, genre auquel ce roman se rattache précisément (en plus, il date de quatre-vingt quatre, soit un an avant "Neuromancer").

Programme de la soirée: marcher une demi-heure dans le froid. Mon sac est lourd, j'ai acheté une dizaine de livres durant mon séjour parisien. On ne se refait pas. J'ai croisé le Docteur Zubayidi, que je n'avais pas revu depuis Tôkyô en juillet dernier. Depuis sa nomination au poste de maître de conférence dans l'université de province où il exerçait déjà depuis deux ans, on le sent rassénéré. Ramethep était là, je buvais pour la première fois son café, puisque je n'en bois que depuis cet été.

Il a plu. Je me suis pris plusieurs averses sur la tête, tandis que je sillonnais la capitale sur un vélo libre. Je ne me suis pas enrhumé, car je n'ai pas la télévision. J'ai fait un brunch chez Tonga, mais sans la Souris qui rongeait son frein dans une lointaine bibliothèque de banlieue. Les tramways n'ont pas coopéré. J'ai joué au boggle avec ma tante, mais la partie de scrabble contre ma mère n'a pu être menée à son terme.

Programme de la soirée: une fois rentré, lire le Jeter jusqu'à ce que le sommeil me gagne. Si je le termine avant, trouver un autre roman, je n'en manque pas, après tout. En décembre, économiser mes sous pour m'acheter en janvier des étagères en kit pour y mettre mes livres. Car je manque surtout de place. Penser à passer l'aspirateur, dès que j'en aurai un.

samedi 14 novembre 2009

Pérégrination vers l'Ouest

Samedi quatorze novembre deux mille neuf. Vingt heures trente. Mes vacances en Chine se sont bien passées. Vingt-quatre heures de voyage, avec escale à Londres. Quatre jours sur Pékin, vingt-quatre heures de train, six jours à Jingdezhen, dans le Jiangxi, capitale chinoise de la porcelaine, chez le Sultan. Vingt-quatre heures de train pour le voyage retour, quatre jours à Pékin, vingt-quatre heures de métro, avion, attente, navette et marche à pied pour le retour.

Bilan des courses, je suis lessivé. Je viens d'enchaîner deux journées de travail pleines et entières, chargées qui plus est. La fatigue se fait pressante, un début d'angine me plâtre la gorge, un interstice dans ma fenêtre a servi de prétexte, toute la nuit passée, à ce que le vent s'y engouffre, m'empêchant de dormir plus de quelques heures. Et je suis en plein jet-lag, sept heures de décalage vers l'ouest. Je me suis réveillé à cinq heures du matin.

Commencé durant la nuit, "The Gathering Storm", douzième et antépénultième volume de The Wheel of Time, l'interminable cycle de feu Robert Jordan, achevé à titre posthume par Brandon Sanderson. J'ai lu les cent premières pages de l'ouvrage, qui se présente comme tout à fait similaire aux précédents. L'avion m'a permis de me lancer dans la lecture de "A Fire Upon the Deep", de Vernor Vinge, roman ayant fait date dans l'histoire de la science-fiction de ces vingt dernières années.

Programme de la soirée: rentrer dormir. S'il ne pleut pas, lire Robert Jordan sur le chemin du retour. J'espère que le match de balle au pied programmé ne m'empêchera pas de dormir, non plus que d'éventuels voisins fêtards. Ils me dérangeront, de toute façon, moins que le vent. Chez moi, manger un sandwich, m'affaler dans un coin, dormir dix heures si le sommeil est au rendez-vous, m'user les yeux sur Jordan autrement. Demain matin, faire un peu de ménage, je reçois des amis de passage sur Lyon. En soirée, si l'énergie est au rendez-vous, jouer dans l'arrière-salle de mon commerce, où je retournerai, tôt, trop tôt mais après cinq heures de lecture matinale, pour enchaîner une semaine supplémentaire.

samedi 24 octobre 2009

Pourquoi les Gens Méchants ont-ils toujours de Grandes Dents?

Samedi vingt-quatre octobre deux mille neuf. Vingt heures quarante. Je suis en vacances. Officiellement. Dans la pratique, je vais encore rester un peu ce soir à bosser, pour avancer les rangements dans ma librairie, et demain, j'y repasserai sans doute, toujours dans le but d'aider à préparer le terrain pour mes remplaçants. Car je m'en vais. Lundi. Je pars en voyage, quinze jours, en Chine.

Avant-hier, j'ai eu trente-deux ans. Aujourd'hui, je les ai toujours. Mais je m'achemine vers les trente-trois. Un tiers de ma vie, donc. Soyons optimiste. Un tiers de siècle. Mettons un quart de ma vie.

Hier soir, dîner au restaurant libanais en bas de la rue, pour fêter mon anniversaire, et le futur de ma belle-sœur (la semaine prochaine). Mon grand-père en aura quatre-vingt-six mardi. Le temps passe. Le restau était bon.

Je viens d'achever ma treizième journée de travail de la semaine. Je suis passablement usé. Treize jours de travail d'affilée. Ca ne m'était plus arrivé depuis au moins deux semaines. Lundi, je prends l'avion à Saint-Exupéry. Escale à Londres, puis quinze heures jusqu'à Pékin. J'ai hâte d'y être (dans l'avion; à Pékin, aussi). Dans tous les cas, ça me fera des vacances, avant d'attaquer la longue côte menant vers noël, période généralement faste pour les commerces comme le nôtre.

Programme de la soirée: finir mon sandwich au saumon. Ranger un peu la boutique. Si j'ai le temps ou l'envie, jouer à quelque chose, dans la limite des stocks disponibles. Rentrer relativement tôt, dormir si mes voisins m'en laissent le loisir. Je suis en train de lire "Moon Called", de Patricia Briggs. Je le finirai sans doute dans la nuit.

Programme de demain: dormir tard le matin. Faire une lessive, que je sèche-lingerai dans la foulée. Lire. Déjeuner à la cafétéria près de la gare. Me renseigner sur les horaires de la navette pour l'aéroport. Passer à la boutique. Jouer. Ranger un peu. Confier mes clefs au gardien des clefs. Résoudre ses énigmes. Plonger au bas de la tour, nager, remonter les clefs. Le soir, rentrer tôt.

Programme de lundi: me lever trop tôt. Faire ma valise en catastrophe, au dernier moment, en priant pour que mon linge soit sec. Vérifier l'horaire de mon avion. Marcher jusqu'à la gare, prendre la navette, arriver à l'aéroport, monter dans l'avion, faire des choses mystiques avec l'espace et le temps, arriver à Pékin le lendemain. On verra pour la suite.

mardi 20 octobre 2009

Schématisation des Identités Remarquables

Mardi vingt octobre deux mille neuf. Vingt-et-une heures. Pile. Dans deux jours, j'aurai trente-deux ans. Dans six jours, je m'envolerai pour Pékin. Les deux propositions n'ont pas nécessairement de rapport, mais j'en serai. Des deux. Les trente-deux ans, et les quinze jours en Chine pour fêter la fin de l'automne. Ou le début de l'hiver, c'est selon.

Encore une grosse journée au magasin. J'ai laissé dormir mon frère. J'ai trouvé qu'il faisait trop chaud. Ce soir, j'ai un peu mal au crâne, et sans doute un peu de fièvre qui descend. Je voulais acheter des romans de Robert B. Parker, au lieu de quoi, je me retrouve avec plusieurs volumes des aventures d'un privé nommé Parker. Depuis ce matin, je suis sur "Votre mort nous appartient", d'Antoine Lencou. De la SF assez convenue, société future, un brin totalitaire, où l'humain est entièrement pris en charge par les machines. Pour faire son bonheur malgré lui. Le protagoniste veut se suicider, mais pour cela, il doit triompher d'un labyrinthe administratif kafkaïen. Dans l'intervalle, il s'occupe.

Le dernier roman de Nick Hornby était très, très bon. Aucune fausse note. Je n'en traiterai pas davantage ici, mais je le recommande chaudement. Encore que j'aie préféré "High Fidelity". "Slam" m'a moins convaincu, il est du niveau d'"About a Boy". Hmm. J'en oublie un. "A Long Way Down". Standard.

Programme de la soirée: rentrer chez moi, je pense, plutôt que de jouer aux vampires des Carpathes. J'ai mal au crâne, le froid me fera du bien. Ca serait dommage, de tomber malade à quatre jours des vacances. Je mangerais bien des rollmops, tiens. Sauf que j'ai déjà copieusement... dîné.

dimanche 18 octobre 2009

La Flottaison des Balises Blanches

Dimanche dix-huit octobre deux mille neuf. Dix-neuf heures quarante-quatre. Je viens de fermer ma boutique. Un dernier client, in extremis avant la sortie, a fait remonter mon chiffre de ventes. Je n'ai pas déjeuné, sinon de cacahuètes éhontément pillées dans le stock. Comme pour les livres, il faut bien que je me serve sur la bête, si je veux survivre. Je ne sais pas si je dînerai. Peut-être un second petit-déjeuner, vers minuit, pour équilibrer la journée.

Hier, je lisais un roman, policier, Série Noire, de Richard B. Parker, le dauphin de Chandler. "A Savage Place", dans la version française, "La Belle et les Ténèbres"; une obscure histoire d'enquête, par un privé, dans le Los Angeles de la fin des années septante. Mais j'ai peut-être déjà évoqué la chose.

"Juliet, Naked" est le dernier roman en date de Nick Hornby. J'aime beaucoup les romans de Nick Hornby, de fait, j'en raffole. Il n'en a, hélas, écrit que cinq ou six. Le premier d'entre eux, découvert via le film adapté d'icelui, "High Fidelity", restait, de mon avis, le meilleur. Celui-ci pourrait lui damer le pion. Ou, tout du moins, lui servir de pendant. Il présente, de fait, des similarités avec le précédent. La musique, et les relations de couple, surtout aux périodes charnières de la vie des individus le composant, demeurent les deux principales thématiques.

J'écoute Billie Holiday, qui se révèle une presque parfaite francophone. Qui l'eût cru? La journée se termine bien. Je m'apprête à jouer à un jeu de courses de robots. Dans huit jours, je m'envolerai pour Pékin. Comme dans un livre de Boris Vian.

La Symphonie des Coings en Gelée

Dimanche dix-huit octobre. Dix-neuf heures vingt-deux. Non, vingt-trois. Dans sept minutes, je fermerai mon commerce pour la journée. C'était, une fois de plus, moi qui m'y collais pour tenir la boutique cejourd'hui. Sur les sept dernières semaines, j'ai tenu la boutique cinq fois. Ou les neuf dernières semaines. Bref, une semaine sur deux. Je commence à tirer la langue.

La journée a été pénible. Peu de ventes, beaucoup de gamins importuns, dont certains nous ont apparemment dérobé deux boîtes en métal, exclusives, de cartes à jouer et à collectionner. Je n'ai, au final, pas eu le temps de lire mon livre. Je suis sur le dernier roman de Nick Hornby, "Juliet, Naked", commencé hier. Que dire de ce bouquin? Que des bonnes choses, mais j'ai la flemme. On verra demain.

jeudi 15 octobre 2009

Plus qu'Humain, mais moins qu'Humain, trop Humain

Jeudi quinze octobre deux mille neuf. Dix heures vingt du matin. Je suis, depuis une petite heure, sur mon lieu de travail, anticipant d'une bonne heure et demie l'heure d'ouverture dudit commerce. Je sais, je ne devrais pas, et si j'étais payé à l'heure, ça m'inquiéterait, heureusement, je fais ce que je veux de mon temps; l'avantage d'être travailleur indépendant. Je peux, si je veux, travailler quatre-vingts ou nonante heures la semaine, en étant payé moins que le salaire minimal, si je veux. Penser à remplir mon formulaire de demande d'aide au logement (qui traîne depuis mars).

Dans dix jours, je serai presque en Chine. D'après mes sources bien informées, il y fait encore bon, mes sources bien informées se promènent en t-shirt. J'irai squatter leur canapé. Ici, il fait froid, enfin, frais, pas vraiment froid. Le thermomètre près de la gare, ce matin, affichait quatre degrés centigrades, et mes mains confirment, elles rougissaient, gonflaient et s'engourdissaient, crispées sur le guidon du vélo, en attendant que je daigne les enfourner dans quelque cavité tiédasse, ou que je consente à parvenir à ma destination.

Compromis de saison, j'ai sorti l'écharpe du placard. Elle ne devrait plus guère me quitter d'ici au mois d'avril. Sauf s'il fait vraiment trop chaud en Chine, surtout en Chine du sud, où je prévois de m'échapper quelques jours, le temps d'un coucou au Sultan et à sa famille (le chien est mort, mais la cellule humaine prospère, youpla boum). Je n'ai pas encore sorti le pull, il ne fait même pas zéro. Mais, peut-être, demain les gants.

Je pianote inutilement sur ce clavier, en dépit du boulot qu'il me faudrait abattre, tel un tronc de séquoïa dans le grand nord canadien. Je dois notamment, d'ici onze heures, ouverture du magasin, avoir fait disparaître plusieurs mètres-cubes de livres empilés sur la table de déchargement, car les successeurs desdits livres attendent leur heure, quelque part entre le rideau métallique manifestant physiquement la fermeture du magasin, et les aléas des tournées de livraison des professionnels du déballage. Je les attends de pied ferme.

Programme de la journée: traîner sur le trône, en émerger régénéré, reprendre mes fonctions, activer mes servo-moteurs pour entonner une ode à l'escamotage de marchandises encombrantes. Ouvrir des cartons, suer sang et eaux, faire des pauses-café toutes les demi-heures, plonger sous terre, y aménager des canaux pour les rejetons infernaux du Styx et du Phlegeton, me gargariser des exploits avortés des cosmonautes défunts, bref. Tenir le gouvernail en attendant que le capitaine descende sur le pont.

Quelques lectures en vrac: "La Chambre des morts", un thriller de Franck Thilliez moyennement convaincant. Depuis cette nuit, "La Belle et les ténèbres", de Robert B. Parker, une série noire traduite par le polymorphe Michel Deutsch, avec des bouts de private eye dedans. Hollywood. Des belles pépés. Des dialogues au scalpel, des chapeaux mous et il est temps que je file. On m'attend dans une ruelle obscure, un katana à la main.

mardi 13 octobre 2009

La Lente et Délectable Agonie du Vitrier Maudit

Mardi treize octobre deux mille neuf. Quatorze heures zéro une. Business as usual. La journée bat son plein. Des arrivages, des livraisons, des clients de passage, des habitués en escale, la terraformation de la réserve se poursuit. La température semble avoir légèrement baissé. Par compromis, j'ai sortir le pantalon (et la chemise, mais je l'ai ôtée dès neuf heures quarante du matin, car il fait chaud). J'ai effectivement un peu trop chaud. Je verrai demain s'il est préférable que je remette le short, ou non. Il paraît que l'hiver arrive.

Un rhume a vaguement tenté de conquérir mes bronches. Je lui ai opposé un tel mépris qu'il est reparti, la queue entre les jambes, taquiner le cancer des poumons de ma voisine du dessous, tabagiste. Je la hais. Les feuilles rougeoient, rougissent et tombent. Dans treize jours, je serai dans l'avion pour Pékin. J'ai trouvé un canapé où dormir les premiers jours. Pour la suite, on verra, je pars à l'aventure. Je croiserai sûrement Vertige, le Sultan si je peux. S'il peut. Si les cieux bénissent notre rassemblement et sont propices à nos retrouvailles.

Depuis les petites heures de ce matin, je me lis "Car je suis légion", un roman babylonien de Xavier Mauméjean. C'est, pour le moment, très bien. Je n'avais, jusqu'ici, lu du monsieur qu'une nouvelle publiée dans l'anthologie ultra select des Moutons Electriques pour leurs cinq ans. Ce premier roman est une bonne surprise. J'avais un peu peur que ça tourne au roman historique, avec des trucs mystiques mal écrits, mais en fait c'est beaucoup moins bâclé que Thomas Day. "La Cité des Crânes" commençait très bien, la fin m'a plutôt déçu. Mais quatre-vingts pour cent du bouquin sont bons.

Depuis ce midi, je lis "The Brentford Triangle", de Robert Rankin, second roman de la Brentford Trilogy, qui en compte huit ou neuf, aux dernières nouvelles. Ca commence bien. Je suis aussi occupé à travailler d'arrache-pied, évidemment. Ne pas croire que je ne passe mes journées qu'à lire. De fait, je lis assez peu. Enfin, pas autant que je voudrais. Mais je me rattrape comme je peux.

Programme de la journée: continuer de tenir la boutique. Supporter les confidences des clients et habitués. Le soir, jouer à Dominion, ou éventuellement à un autre jeu. Ou rentrer chez moi, j'ai des lectures en retard.

vendredi 9 octobre 2009

Le Nœnœil de le Miaou

Vendredi neuf octobre deux mille neuf. Dix heures trente-deux du matin. Je suis au boulot depuis quelque chose comme quarante minutes. Une heure? Dans ces eaux-là. J'ai ouvert mon commerce plus d'une heure avant l'heure, pour réceptionner une cargaison de nourriture et de boissons, le livreur ne pouvant passer qu'avant dix heures et demie, car il doit filer sur Grenoble dans la foulée. Deux fois par mois, je puis me permettre de venir ouvrir plus tôt. Trop tôt?

Hier soir, j'ai quitté mon lieu de travail relativement tôt, vers vingt-trois heures dix, si je me souviens bien. Le temps que je dorme, il devait être une heure sept du matin (oui, je sais, c'est précis, c'est parce que quand je sens venir le sommeil, je me mets en position, je regarde l'heure, et je m'endors dans la minute). Debout vers sept heures cinquante du matin, une bonne demi-heure avant le réveil. Douche froide, petit-déjeuner standard (une tasse de thé, un pain au chocolat, un bol de muesli baignant dans le lait froid, un demi pamplemousse et un yaourt), un peu de lecture sur le trône ("Use of Weapons", de Iain M. Banks, commencé juste avant de sombrer hier soir). Je suis le roi du monde.

Aujourd'hui, il pleut. Comme hier. Avec un peu de chance, je n'aurai pas de champignons entre les orteils. Hier, mes chaussures, baskets chinoises déglinguées, avaient pris l'eau, et mes chaussettes n'étaient guère moins mouillées. J'ai changé le tout ce matin, optant pour mes tennis (chaussures de sport basses, contrairement aux baskets, qui me tiennent un peu la cheville), que je ne mets d'ordinaire que pour aller courir (activité à laquelle je ne me suis guère livré ces derniers mois, faute de temps, faute de piste d'entraînement à proximité de mon domicile, et puis, il faisait trop chaud, je n'aime pas la chaleur, il fait encore trop chaud, mais au moins il pleut). Quarante minutes de marche sous la pluie, passer récupérer mes clefs professionnelles, oubliées hier soir sur la caisse, à la pharmacie où officie ma belle-sœur, et le tour est joué.

Aujourd'hui, je ne suis presque pas en forme. J'ai tout de même digéré les dix plateaux de cannettes et les trente litres de thé glacé livrés ce matin par notre homme, et j'ai fait disparaître, dans la foulée, les cartons monsterpocalyptiques reçus hier. Je suis devenu un expert dans le recourbement de l'espace. Je me concentre très fort tous les matins pour être en mesure de faire la même chose avec le temps. Ca prendra sans doute un moment.

Programme de la journée: tenir seul la boutique quelques heures, en attendant que mon frère émerge, puis œuvrer de concert pour la bonne marche de l'économie. Lourde responsabilité. Le midi, manger un sandwich, le soir, dîner en famille dans un restaurant italien. J'espère qu'ils ne nous ennuieront pas parce que je suis en short, t-shirt et baskets: vue la température extérieure, je ne vais pas non plus me promener en smoking, surtout pour ouvrir des cartons. Etre fatigué. S'il me reste du temps, lire un peu.

jeudi 8 octobre 2009

La Dissolution des Tortues

Jeudi huit octobre deux mille neuf. Onze heures cinquante du matin. Il pleut. Ce matin, me rendant à pied sur mon lieu de travail, j'ai aperçu des tortues en gelée alimentaire, sucrée, gros amas de glucose chimiquement assemblés, occupées à se dissoudre sur le trottoir. Il y en avait plusieurs, différemment colorées, inégalement dissoutes, de ces teintes vives, artificielles comme une chanson de Richard Gotainer, que l'on trouve dans les paquets pas chers vendus par les boulangeries de mon enfance (et de la vôtre, aussi). Quand une tortue se dissout, elle ne mousse pas, mais se fond peu à peu à l'asphalte qui socle ses pas. Les tortues se montrent pour mourir.

Ce matin, donc, il pleut, et je me sens l'âme lyrique. J'écoute le Velvet Underground. Depuis une heure que j'ai ouvert ma boutique, personne n'en a franchi le seuil. Les clients sont timides. Ou alors, il pleut. Les livreurs sont sans doute ralentis par l'élément liquide. D'autant plus qu'il pleut averse, eh oui. Comme vache qui pisse des hallebardes, c'est vous dire. Mes chaussures en font floc. Ce sont des baskets chinoises, achetées là-bas en janvier dernier. Elles m'ont bien servi, elles ont fait leur temps, et attendent pour expirer que j'ai acquis leur successeurs, que je compte choisir lors de mon prochain voyage en Chine. C'est-à-dire, dans un peu moins de trois semaines.

Ce soir, mes parents seront sur Lyon. Ils m'apportent la dernière fournée d'affaires m'appartenant, laissées chez eux entre deux voyages à l'autre bout de la planète (la Chine, le Japon, voire, plus loin encore, Orléans, ou encore Lyon). Je n'ai pas encore eu le temps de balayer le sol, mais j'ai fait quelques rangements qui rendent les lieux plus présentables. Un peu. Ils vont tout de même gueuler.

Programme de la journée: ouvrir les douze cartons que trois livreurs viennent de m'apporter pendant que je m'occupais des quatre clients qui sont passés dans les dix minutes écoulées. La journée commence sur les chapeaux de roues. Et les parapluies de Cherbourg. Lire un peu entre les gouttes. "La Cité des Crânes" de Thomas Day, sans doute le meilleur de ses romans lus à ce jour.

dimanche 4 octobre 2009

Et Regardait Cahin-Caha

Dimanche quatre octobre deux mille neuf. Treize heures cinquante. J'entame ma quatre-vingt-septième heure de travail de la semaine, et je ne suis pas frais. Certaines journées ont duré plus de seize heures, avec une nouvelle sortie magique, un achat de portable pour remplacer celui qu'on nous a volé la semaine passée. Et beaucoup, beaucoup de gens. Qui sont sympa, qui achètent des marchandises et font de ma vie au quotidien un beau feuilleton, je ne m'ennuie pas, c'est le jour et la nuit rapport à mon ancien taff, mais il m'arrive de vouloir être seul, chez moi, à lire mes bouquins qui s'entassent plus vite que de raison, voire dormir, car j'en manque.

Hop. Première ellipse de ce message. Quatorze heures quarante-quatre. Le tournoi magique du jour est lancé. Le tournoi de figurines miniatures du monde de l'art de la guerre n'aura pas lieu, les joueurs de plateau s'en donnent à cœur joie. Déjà plusieurs passages. Le travail de la boutique n'est pas facilité par l'imprimante, qui a décidé, depuis avant-hier, de ne plus reconnaître l'ordinateur, ou l'inverse, bref impossible d'imprimer mes journées. Je garde ça dans un coin de l'ordinateur pour le moment. Dans l'intervalle, je vaux l'entrée.

La fatigue en devient psychotrope. Cette semaine, je n'ai eu le temps de rien faire. Sacrifier aux nécessités hygiéniques (douches régulières, brossage de dents deux fois par jour, nettoyage de mains dix fois par jour, non par névrose, mais parce qu'alterner maniement de cartons sales et manipulation de livres susceptibles de ne pas être achetables s'ils se voient maculer d'empreintes digitales, rend indispensable la fréquente aspersion des extrémités caudales de mes bras pesants, en fait je ne paranoïse pas sur la grippe, épidémie mortelle qui a déjà, je n'en doute pas, rasé des villes, désertifié des nations entières et répandu sur l'occident, tant réel que fantasmé, le spectre de la peste noire d'antan, en emporte le vent). Je n'ai pas la télé.

Le reste du temps, j'ai marché, une heure vingt par jour en moyenne, pour faire l'aller et le retour de mon domicile à la boutique, et vice-versa. Certains soirs, des bonnes volontés m'ont déposé au seuil de mon logis, grâce aux voitures qu'ils conduisaient, avec moi dedans. Un matin, Mirgwael m'est venu prendre en bas dudit logis, pour aller acquérir un nouvel ordinateur escamotable par la volonté du tout-puissant. J'ai donc marché, selon mes caculs, entre cinq et six heures, depuis lundi. Comme il fait chaud, trop chaud, je suis toujours en short et t-shirt, à toute heure du jour et de la nuit, j'ai lu. Un recueil de nouvelles de Michael Chabon, un recueil de nouvelles de Corrine Guitteaud ("La Vague") et un roman de Philippe Tessier dans l'univers du jeu Polaris.

Depuis vingt-quatre heures, je suis sur le tout nouveau roman de Terry Pratchett, "Unseen Academicals", qui se trouve être le trente-septième du Discworld, on y traite de balle-au-pied, les protagonistes sont surtout le personnel de l'université de magie d'Ankh-Morpork, et la principale référence extérieure semble être à Shakespeare (Romeo and Juliet, to boot). Histoire d'amour. La prose de Pratchett reste intacte, en bonne forme, de fait. La maladie ne semble pas l'avoir, pour le moment, trop diminué dans sa fabrication d'univers fictifs. Hourra. Je l'aurais déjà fini si je ne travaillais pas, le fait est que je bosse seize heures par jour, donc il m'en reste la moitié.

Le commerce fructifie. L'espace est restreint. D'ici un à deux ans, nous aurons sans doute quitté nos locaux actuels pour rechercher plus grand. Mais nous n'y sommes pas. Cela fait déjà sept mois que je travaille ici. Ca me plaît bien. Je vais continuer. Je dois faire ma lessive depuis le début de la semaine, et je n'ai toujours pas trouvé l'heure de rab qui me permettrait d'aller squatter la laverie, revenir chez moi, étendre le linge et repartir. Je comptais le faire ce matin, mais j'ai dormi un peu, lu un peu, fait des courses, pris une douche avec shampooing, et déjà le temps avait filé. J'en suis à porter, en guise de sous-vêtements, le maillot de bain qu'un ami a laissé chez moi il y a trois mois. Il est temps que je prenne une matinée pour aller laver mon linge de corps. Mardi, selon toute vraisemblance.

Hier après-midi, un client s'est fait voler son vélo garé devant la boutique. Le panneau de signalisation auquel il avait attaché sa monture peut être sorti du sol, ce qui rend inutile toute forme d'antivol. Je n'ai pas fait de vélo depuis deux semaines, non par envie, mais comme ça j'ai économisé six euros. Et gagné du temps de lecture, puisque je lis en marchant.

Programme de la journée: tenir le fort encore cinq heures, avant de lever le camp. A moins que je ne pète la forme ce soir, je ne resterai pas jouer, mais irai m'étendre dès que mon devoir aura été accompli. Lire. Je finirai l'ouvrage dans la nuit, il n'est pas bien épais. Dormir? Ca ne serait pas de trop. Si je tombe du lit, je ferai sans doute ma lessive demain matin, sinon j'attendrai mardi. Dernier délai. Je la ferai demain, en fait. La laverie ouvre à sept heures, il faudra bien que je prenne le temps. En ne dormant que cinq heures, comme toutes les nuits depuis deux semaines, ça devrait se pouvoir faire. Eviv Bulgroz.

mercredi 30 septembre 2009

L'œil était dans la Tombe

Mercredi trente septembre deux mille neuf. Midi quarante-cinq. Aujourd'hui, cinquième et dernier mercredi du mois, pas de tournoi de cartes pour jeunes à la boutique. Je m'en réjouis. La première livraison de la journée vient d'arriver. Deux gros colis lourds, avec sans doute dedans, des dés, des livres, du métal, du plastique et des heures de travail en perspective. Je m'en réjouis d'avance.

Ici, au magasin, la place commence à manquer. Après un week-end occupé à Paris, où j'ai vu des gens, mangé des choses et côtoyé des êtres anonymes, joué à Qin et dormi chez mes parents, sur le plancher de Ramethep et un peu dans le train, je suis de retour. Mon frère a tenu seul, vaillamment et au milieu des joueurs de Magic, la boutique. Du coup, il est fatigué, conséquemment, il dort, et fatalement, je me retrouve seul, pour faire face aux familles du mercredi chômé (pas d'école), aux passants, aux livreurs et aux habitués. Hop.

Le second livreur de la matinée vient de passer, avec des nouveautés en matière de librairie, dont une partie pour après-demain. Les nouveautés Actu-SF de juillet ne nous ont toujours pas été livrées; ça fait plaisir de travailler avec des professionnels (je ne parle pas d'Actu-SF, qui fait du bon boulot, mais de leur distributeur, qui hmm). Je ne vais donc pas tarder à réveiller le frère. Il me rejoindra, je m'enfoncerai sous terre, un de mes tentacules me rapportera un sandwich, ou un fruit, ou un paquet de chips. Je mangerai demain.

Je suis en train de lire "Slaughterhouse-Five", premier roman de Kurt Vonnegut (ou un des premiers), un roman sur la guerre, formidable, comme tout ce qu'a écrit le monsieur. Feu le monsieur. Hier, je me suis enfilé un recueil de nouvelles de Michael Chabon, "A Model World". C'était bien. Ce week-end, pendant mon passage à Paris, j'ai acheté plein de livres, dont "The Coming", un très bon roman de Joe Haldeman, qui ne fait d'ailleurs que des bons bouquins. Et j'ai commencé un Michael Connelly. Et d'autres choses. Je ne sais plus trop. J'en reparlerai quand j'aurai du temps.

lundi 21 septembre 2009

La Civilisation de l'Erreur

Lundi vingt-et-un septembre deux mille neuf. Quinze heures quarante-sept. L'automne débute officiellement aujourd'hui, mais la chaleur persiste, tout du moins sur Lyon. Je conserve pour le moment ma tenue d'été, short et T-shirt, tant au boulot que dans mes déambulations en route vers, et de retour du. Le réchauffement climatique se fait sentir. J'ai parfois froid la nuit, nu sous un simple drap, mais je refuse de m'enrhumer. Presque deux ans sans voir de médecin, hormis pour la médecine du travail en Chine, et je m'en porte très bien.

Dix-neuf heures quarante-six. Petite ellipse due à l'affluence de clients. Depuis hier, je lis "L'Etoile flamboyante", de Nicolas Bouchard, un roman avec de bonnes choses et d'atroces coquilles à toutes les pages. Hier soir, je me suis lu le dernier numéro de la revue Bifrost, le cinquante-cinq, consacré à feu Roger Zelazny. Egalement en chantier, un roman de Patricia Briggs avec des loups-garous, le dernier Thomas Pynchon, "Inherent Vice", et un roman de Patricia McKillip, "Ombria in Shadow", dont le protagoniste, élégamment prénommé Ducon dans la VO, s'est vu rebaptiser Duncan dans la version française (on se demande pourquoi).

Samedi, je me suis lu "Generation A", dernier roman en date de Douglas Coupland. Du bon, du très bon. Hmm. Et je suis en train de finir "Tout est illusion", une étude sur Jim Steranko, l'illustrateur psychédélique avec des morceaux de super-héros dedans. J'ai commencé une collection de manuels de jeux de rôle, pour le moment un peu d'Earthdawn, du Mutants & Masterminds, et du Qin. Je compulse tout cela à l'occasion. Je manque de temps pour lire, alors je dors moins.

Programme de la soirée: tenir la boutique pendant le tournoi magique du jour. Lire un peu dans la foulée, si j'y parviens. Ce soir, peut-être, commencer un autre livre sur le chemin du retour. J'ai entamé avant-hier "The Sorrows of an American", de Siri Hustvedt, alias madame Paul Auster. Un roman sur la mémoire et le passage du temps, les relations entre les gens et tout ce genre de choses.

Hier, il a plu. Je me suis remis à boire du thé. Je bois aussi du café, tous les matins, depuis mon passage au Japon en juillet dernier. Dans cinq semaines, je repars en Chine. Ce week-end, je serai sur Paris. Vendredi soir, mes voisins du troisième ont pendu leur crémaillère, ils sont jeunes, stupides et bruyants. J'ai tenu le magasin hier, la journée fut bonne, pas un instant de libre. Je manque de temps pour lire, mais je me rattrape en dormant peu. J'ai sommeil. Les yeux me brûlent. Je me suis remis à boire du thé.

dimanche 13 septembre 2009

Victimisation des Platanes

Dimanche treize septembre deux mille neuf. Midi vingt-six. Je suis passé subrepticement au boulot, bien que ça soit mon jour de congé, pour finir de gérer le stock avant que le magasin ne soit tenu, comme un dimanche par mois, par un de mes associés (et non par moi). J'ai, de fait, enchaîné treize jours de boulot consécutifs, rarement à moins de quinze heures par jour, et je suis, pour dire le moins, sur les rotules. Mon frère rentre ce soir d'une semaine passée en Ecosse, des vacances bien méritées, qui m'ont laissé seul maître à bord. A écoper comme j'ai pu, le navire n'a pas trop pris l'eau, mais il est temps que le capitaine redresse un tant soit peu le cap, nous ne dérivons pas encore, mais je maîtrise mal les eaux dans lesquelles nous naviguons. A chacun son expertise.

La double semaine n'a été qu'un long séjour dans mon magasin, avec des clients, nombreux, les affaires marchent bien, des arrivages, abondants, des commandes à passer, des tournois à gérer, bref, je n'ai pas beaucoup dormi, et j'ai à peine eu le temps de lire deux ou trois livres. Je ne sais, à vrai dire, même plus lesquels. Ils sont empilés quelque part chez moi, et se reposent dans ma tête en attendant d'être sollicités. Depuis ce matin, je suis sur "Slam", de Nick Hornby, et "A Most Wanted Man", de John Le Carré. Histoire de ne pas lire que de la science-fiction ou de la fantasy.

Ca me revient. Je me suis lu, hier ou avant-hier, le dernier roman de Philip Roth, Indignation. Une histoire de jeune homme en colère, à l'université, dans les années cinquante, le spectre de la guerre de Corée menaçant sa paix d'esprit. Je n'ai pas eu le temps de jouer, comme je me l'étais promis, mais nos habitués s'en sont donné à cœur joie. J'ai dû passer du temps à ranger la salle de jeu, vider les poubelles, remettre de l'ordre dans le désordre, et remplir le frigo de boissons pour les passants. J'aime mon métier.

Que dire de plus? Les précieuses heures de sommeil que j'ai sacrifiées vendredi matin pour aller faire ma lessive trihebdomadaire se sont soldées par un constat de panne, in vivo, des machines de la laverie. Au lieu de rester quarante minutes dans la machine, à tourner tant et plus au rythme de la centrifugeuse, mon linge n'a mis que douze minutes avant de s'immobiliser, tout mouillé, propre mais tout mouillé, dans le téléviseur. J'ai opté pour un séchage maison, accompagné d'une flaque monumentale, derrière moi puis chez moi, avant de filer vers le boulot. Où je suis encore. Un dimanche midi.

De fait, je ne vais pas m'attarder davantage, je dois encore finir de mettre à jour le stock, après les arrivages de la semaine, et les ventes de ces derniers jours. Et partir. Dormir. Lire. Me promener. Appeler des gens et passer chez eux à l'improviste. Trouver quelque chose à manger ce soir. Pour le moment, je n'ai rien chez moi, le temps m'a manqué, cette semaine, pour aller faire les courses alimentaires que mon propre réfrigérateur réclame à grands cris depuis plusieurs jours. Heureusement je dispose, sur mon lieu de travail, d'une machine à café de haut vol. J'aime mon métier.

jeudi 3 septembre 2009

Les Rhododendrons de la Mort

Jeudi trois septembre deux mille neuf. Minuit huit. Un peu plus de quinze heures depuis que je suis au boulot. Ce soir, à l'occasion d'une sortie magique, je fais des heures sup. Le tournoi magique du soir est terminé, les joueurs sont rentrés chez eux. L'opération mercantile est un flop. D'un autre côté, je viens à peine d'en finir avec les nouveautés de la journée, le recensement des produits sortis des colis, l'étiquetage des marchandises, le lent escamotage des livres encombrant la table des arrivées. Reste à les ranger. Je ferai ça demain.

Ce matin, j'étais présent sur les lieux vers huit heures cinquante. Un peu de comptabilité, et je me suis lancé dans la longue attente de la nouveauté, qu'un livreur capricieux n'acceptait de nous apporter qu'avant dix heures. J'ai pu lire un peu, tout en coordonnant l'orbite des principales orbes évoluant dans le Système Solaire (pff, trop facile). Depuis la nuit dernière, je me promène dans les pages légères de "Dead Until Dark", premier roman vampirique de Charlaine Harris. Une série est en cours d'adaptation, "True Blood", que j'ai aperçue chez mon frère il y a quelques mois. Une version française des romans vient de nous arriver, et le phénomène semble déferler dans les veines de mes contemporains, mais bon. Je ne refuse pas de lire un livre sous prétexte que c'est un best-seller, je n'ai plus quinze ans.

Hier, j'ai lu "Les Survivants de l'Humanité", un roman de science-fiction old-school dû à Jean-Marc Lofficier et sa femme Randy. L'essentiel date du début des années soixante-dix. Inspiration pulps, Jack Kirby, très fluide avec une structure linéaire sans surprise, mais le tout reste efficace. Je me suis converti à la collection Rivière Blanche, dont j'acquérrai progressivement tout le catalogue.

Il fait toujours trop chaud. J'ai sommeil. Je devrai marcher quarante minutes pour regagner mon domicile, car à cette heure tardive, pas moyen de garer de vélov' près de chez moi. J'ai les pieds mouillés, il a plu avant-hier, et je crains que mes chaussures ne soient pas étanches, finalement. Ou mal aérées. Je crains qu'à force d'y enserrer mes pieds en milieu humide, ils ne s'en couvrent de champignons. Il faudra que je songe à changer mes chaussettes, ça fera bientôt deux mois que je les ai aux pieds.

Avant-hier, je me suis lu "Zoe's Tale", dernier roman en date de John Scalzi, quatrième dans la série, redondant dans les événements racontés, mais exposant le point-de-vue d'une petite fille partie prenante du tout. Du space-opera en carton qui se laisse dévorer sans sourciller. Ce week-end, je me suis farci "Rien ne nous survivra - Le pire est avenir", dernier roman de Maïa Mazaurette. Du post-apo (comme les Lofficier), en fait pas vraiment, mais ça y ressemble. La révolte des jeunes a mis Paris à feu et à sang, les adultes ont fui la capitale française, dont le nord reste aux mains de l'armée tandis que les jeunes, retranchés dans le sud, mènent une croisade contre les vieux. Qu'ils tuent. Les héros sont deux snipers, un garçon et un point d'interrogation. Pas convaincu. Il y a un compte-à-rebours, des dialogues convenus, des personnages interchangeables. Une fin médiocre.

Programme de la soirée: très bientôt, quitter la boutique pour m'aller perdre dans les rues de Lyon. Il fait meilleur. Une fois de retour chez moi, jeter mes chaussettes. Lire un peu. Dormir. Tenter d'ouvrir les fenêtres, si le vent nocturne m'en laisse le loisir. Dans mon colimateur, Iain M. Banks, Jean Beauverger, la dernière nouvelle du "Janua Vera" de Jean-Philippe Jaworski. Demain matin, faire la grasse matinée, rejoindre la boutique quand je pourrai. Le soir, mon frère repartira en vacances, pour dix jours, en Ecosse. Dans sept semaines, je m'envolerai pour la Chine.

mercredi 2 septembre 2009

Gorgonzola by Night

Mercredi deux septembre deux mille neuf. Quatorze heures quarante. L'été met un temps fou à mourir. Il a plu toute la nuit, mais en plein jour, l'eau s'évapore en quelques dizaines de minutes. Sauf dans mes chaussures, qui restent imbibées du jus d'hier soir. Avec mes pieds dedans, ça finira bien par sécher. Floc. Floc.

Mon frère est rentré de vacances, il y a quelque temps déjà. Il a râlé, avant de reprendre en main les choses que je n'avais pas été capable d'assurer pendant son absence. Je ne sais pas me servir d'Excell. J'avais plein de rangements à faire qui ne se sont pas faits tout seuls. J'avais un boulot monstre que quinze heures de travail quotidien n'ont pas suffi à abattre. Mais maintenant, tout va bien, le chef est dans la place, il râle moins, et je peux de nouveau me consacrer à construire des piles de cartons branlantes qui s'effondrent au moindre courant d'air.

La chaleur est moindre, depuis quelques jours, mais pas encore assez. Je maugrée en invoquant l'hiver. Dans trois semaines, je me plaindrai du froid. Le week-end dernier, j'ai passé un samedi en Picardie, pour le mariage d'une cousine, une demi-journée de part et d'autre en Ile-de-France, et mille kilomètres de route sous la houlette de ma belle-soeur. J'ai peu dormi.

Ellipse. Hop. Dix-sept heures cinquante-sept. Les nécessités du travail rendent difficile la rédaction de cette entrée. Je m'y recollerai un jour prochain.

dimanche 9 août 2009

Freewheel Burning

Dimanche neuf août deux mille neuf. Quinze heures quarante-trois. Dimanche est sans doute le jour de la semaine où je préfère travailler. Déjà, je commence à quatorze heures au lieu de onze heures du matin, ce qui me fait arriver vers midi plutôt que neuf ou dix heures, surtout en cette période de remaniement du tissu espace-temps. Ensuite, les clients sont rares, donc j'ai le temps de faire ces petites choses qui, les autres jours, s'entassent et se rappellent à mon attention, le soir, lorsque, au terme de quinze heures consécutives de travail, je rentre me coucher, par lâcheté, plutôt que de m'y atteler. J'aime le dimanche.

Cette première semaine sans mon frère s'achève de manière plutôt positive. Les ventes sont bonnes, les fournisseurs en vacances n'ont pas posé de problèmes, j'ai réussi à passer quelques commandes, et Mirgwael est venu me suppléer aux bons moments, quand je commençais à m'effondrer et que mon épiderme desséché menaçait de se fendiller, répandant sur le parquet sale de la boutique mes entrailles malmenées par la privation et le déséquilibre de mon régime alimentaire. J'avais besoin de repos, Mirgwael m'a remplacé certains soirs, épaulé certains matins, il a su faire de la comptabilité et lessiver le carrelage quand l'énergie m'en manquait. J'aime le travail en équipe.

Puisque nous en sommes à parler des choses que j'aime, mentionnons la lecture, ou la littérature ou les livres, pour peu qu'il y ait une différence entre les trois. Certains livres ont des images, d'autres sont snobés par une partie du public, qui rechigne à leur accorder le nom de littérature, mais les vrais amis des livres s'en tapent, qu'il s'agisse de revues, de volumes en poche ou de grand format, ils engrangent et avoinent à tout va. En ce moment, j'engrange plus que je n'avoine, mais un jour viendra... J'ai compromis la solidité financière de mon foyer en confiant mes économies au libraire SF d'occasion que je connais sur Lyon. Je suis reparti avec deux grands sacs pleins de livres. Il fait même du comic book, en anglais, avec du super-hero dedans. Comment résister?

Les moustiques ont apparemment fini par découvrir le chemin de mon quatrième étage sans ascenseur. Ils viennent pousser la chansonnette dans mes oreilles aux petit matin, boire quelques pintes de mon sang primé, et décorer mes murs blancs par les taches écarlates qui viennent s'y imprimer quand sonne leur dernière heure, à grand renfort de pantoufle. Il faudra que je pense à nettoyer les murs. Quant à savoir comment ils ont fait pour s'introduire dans mon domicile, je pencherais pour les fenêtres grand ouvertes une partie de la nuit, mais j'attendrai les résultats finaux de l'enquête officielle avant de me prononcer.

Mes fenêtres restent ouvertes, on s'en sera douté, du fait des grands chaleurs qui sévissent présentement en notre belle ville de Lyon. Le mercure doit osciller, au plus fort du cagnard journalier, entre trente et trente-cinq degrés, avec des pointes proches de quarante. A mon avis. Je n'ai pas de thermomètre, et je suis équipé, au boulot, d'un ventilateur spécialisé en rhumes, donc je ne suis pas le mieux placé pour connaître la réalité empirique du temps qu'il fait, mais comme je bosse derrière un comptoir, les gens qui viennent m'acheter à boire se sentent obligés de me faire des confidences. Et puis, avouons-le, comme je passe l'essentiel de mes journées courbé en deux sous le poids des livres ou des packs de bouteilles, ou des plateaux de cannettes, ou des cartons livrés pour moi en rémission des péchés, je la connais, en fait, la chaleur, et ce, quelle que soit la saison. Alors, bon. Le mercure peut bien monter, descendre, je suerai toute l'année. Bénies soient mes douches froides quotidiennes.

Programme de la journée: tout en guettant le chaland, traîner sur l'entretoile tout en rangeant ma boutique. Dans un peu plus de trois heures, à la fermeture, je poursuivrai mes efforts afin de débarquer, demain matin, dans un environnement favorablement débarassé de tout ce qui l'encombre. En soirée, je regarderai un disque digital polyvalent, avant de me plonger dans les aventures illustrées, quoiqu'en noir et blanc dans la réédition bon marché acquise ce jeudi, de Luke Cage, héros à louer, alias Power Man pour les extimes. La réponse du comic-book anti-balles aux tropes de la blackploitation mise au goût du jour par le cinéma populaire des early seventies (car la BD en question est d'époque).

Dormir, avant l'aube, pour revenir au magasin. Mon frère rentre vendredi. J'aurai, d'ici là, achevé mes rangements et accumulé un retard conséquent dans la gestion quotidienne du commerce; à moins que, d'ici là, je ne prenne le coup de main et ne parvienne à tout gérer de front, en un temps record, sans erreur et sans stress. Mais j'en doute. Grâce à Mirgwael, ma semaine de travail est descendue de quatre-vingt-dix à quatre-vingts heures, et encore, je n'ai pas eu le temps de tout faire. Dans un an, peut-être, mon expérience de tous les aspects du métier sera suffisante pour me permettre de tout abattre simultanément, à la perfection et dans l'allégresse, mais en l'état, je poursuis mon apprentissage. Et mon sandwich à la rosette.

lundi 3 août 2009

Ma Maison est en Carton

Lundi trois août deux mille neuf. Midi quatorze du matin. Tout seul depuis ce matin à la boutique. Mon frère n'a pas pu partir en Ecosse comme initialement prévu, pour une obscure question de délai dans la délivrance de papiers d'identité, mais comme les billets de train étaient déjà réservés, il passera une grosse dizaine de jours en région parisienne, en Normandie, ou ailleurs. Que sais-je. Mais il ne sera pas à l'étranger, donc je pourrai le déranger toutes les cinq minutes en l'appelant sur son portable pour des détails insignifiants dans la gestion de son magasin.

La semaine dernière, j'ai hébergé Vertige, venu sur Lyon découvrir la ville et s'entretenir professionnellement avec des gens. Je pense qu'il a plutôt apprécié le coin, j'ai pour ma part quelque peu manqué de disponibilité pour me rendre présent, mais j'ai offert mon toit, mon frigo et mon rare temps libre à l'ami de passage. C'était la seconde fois qu'un hôte de passage vient me rendre visite, et j'ai toujours un matelas d'appoint pour ces circonstances. Qu'on se le tienne pour dit.

Mardi dernier, comme prévu, mes parents ont débarqué à bord d'un camion de déménagement. Aidés par ma belle-sœur et deux clients, nous avons fait gravir les quatre étages doubles aux quatre-vingts cartons, aux quelques meubles et à nos corps fatigués. Bilan des courses, un début de tendinite qui ne s'est pas arrangé après quatre jours intenses à la boutique, à rester debout le plus clair du temps, à déambuler dans les rayons où nous avons ajouté des étagères, qu'il m'a fallu regarnir en déplaçant, plusieurs fois d'affilée, l'ensemble des livres que nous vendons (et ils sont nombreux). Il me reste à finir de reclasser le tout début de l'alphabet, et la toute fin. Et à trouver un mètre cinquante de rayons pour y mettre les ouvrages déplacés par mon frère pour faire de la place dans un autre rayon (où j'ai pour le moment stocké, en vrac, ce qui dépassait). Doooonc, j'ai encore pas mal de pain sur la planche.

Hier dimanche, je me reposais, mais comme la veille, j'avais fini de travailler vers quatre heures du matin (soit dix-huit heures consécutives de labeur, avec un samedi au milieu, soit la journée la plus active de la semaine, et un rejet gastrique vers dix-huit heures, mon sandwich pas frais de l'avant-veille qui n'est finalement pas passé, surtout à m'accroupir sans cesse dans les rayons pour en extraire des kilos de papier pour recommencer l'opération immédiatement après, très mauvais pour les genoux, mais mes abdos se portent bien, merci pour eux), j'ai peu dormi, et le repos pris n'a pas suffi à compenser la fatigue accumulée.

Dans l'après-midi, je suis allé boire une bière au bar-restaurant qui nous prête sa salle pour faire des tournois de cartes le dimanche, j'y ai récupéré l'ordinateur portable de la boutique, quelques boîtes de cartes non utilisées pour le tournoi, avant de filer vers le magasin, où j'ai pu récupérer les clefs qu'un associé avait utilisées pour tenir le fort pendant mon jour de congé. En soirée, deux parties de jeux de plateau de durée moyenne avec des habitués. Retour vers minuit, le sommeil n'est venu que vers quatre heures du matin, après visionnage des quatre premiers épisodes de la seconde saison de Battlestar Galactica, la récente série. Je passerai sans doute une ou deux heures ce soir à regarder la suite.

Ce lundi matin, la fatigue est au rendez-vous, même si les clients se font rares. L'effet mois d'août, j'imagine. Aucune vente pour le moment (il est midi trente-cinq), malgré deux ou trois brefs passages de clients putatifs. Les éboueurs m'ont gentiment engueulé parce que les poubelles de l'immeuble (que je n'ai pas pu remplir de la récolte de déchets du week-end, because les professionnels de l'ordure ne sont pas passés à l'heure habituelle, ce qui me permet d'ordinaire, en venant une demi-heure plus tôt au boulot, de sortir les poubelles avant d'ouvrir) contenaient des copeaux de neige blanche, fort volatiles, que j'y avais entassés, n'ayant guère le choix, vu qu'un de nos principaux fournisseurs aime en emplir ses cartons. Un autre de nos fournisseurs est déjà passé ce matin, trois cartons que j'ai aussitôt ouverts, inventoriés, découpés et ajoutés au stock. Je suis débordé.

Je pense que les dix jours à venir seront difficiles. Mes associés se sont manifestés pour me dire que je pourrais faire appel à eux en cas de besoin, pour m'épauler ou me remplacer ponctuellement, les jours où eux-mêmes sont libres. L'offre n'est pas tombée dans l'oreille d'un sourd, et quand la fatigue me terrassera, ou que clients, livraisons et commandes me subermergeront, je verrai bien s'ils sont disponibles. Toujours est-il qu'à l'heure actuelle, je me sais mal préparé à tout gérer tout seul. Les commandes (même si plusieurs de nos fournisseurs seront partis, justement cette semaine, pour d'obscures raisons de départ en vacances), la comptabilité et la gestion du stock en général, je ne m'en suis jamais occupé, et je ne suis pas sûr de pouvoir le faire (mais il faudra bien). Et plusieurs gammes de produits, que mon frère connaît sur le bout des doigts, me sont encore massivement hermétiques.

Du coup, entre les journées de quinze heures de travail et la fatigue nerveuse, musculaire et tendinique, je n'ai guère avancé les rangements chez moi. La plupart des cartons ont été ouverts, mais une petite moitié s'est vu empiler dans un coin, en attendant que le courage me prenne de monter l'étagère en pièces détachées que mes parents m'ont laissée. Je n'ai pas de marteau, donc je compte emprunter celui de la boutique, maintenant que nous avons terminé d'y monter les nouvelles étagères, mais il faudra que je m'occupe de l'assemblage et du remplissage le matin avant neuf heures, à une heure où je suis généralement occupé, sinon à dormir, du moins à gérer le quotidien de mon domicile.

Choses à faire demain matin très tôt, avant de venir au magasin vider les poubelles, ranger les livres et retrouver les produits égarés dans les profondeurs de la réserve (dont l'espace intérieur est de loin supérieur au volume extérieur, mais ne cesse de faire défaut): prendre une douche intégrale, longue et shampooinée, avec de l'eau chaude que j'aurai pris le temps de fabriquer en branchant mon ballon, deux heures avant la prise de douche; passer une heure entre la laverie, où je regarderai tourner mon linge, animé d'une volonté propre, baigner dans une dédoction purificatrice, à l'abri d'un hublot circulaire aux vertus hypnotiques, surtout tôt le matin, et mon studio, où je déploierai le séchoir en métal idoine, propice au desséchement du linge une fois propre, mais humide; traîner mes guêtres dans les allées du supermarché de proximité, y recomposer mes réserves alimentaires, fort déplétées par l'enchaînement des petits-déj', l'accueil prolongé de Vertige et le temps qui m'a fait, précisément, défaut, pour entretenir mon stock. Et c'est tout, je crois, pour demain matin.

La semaine a donc été pauvre en lectures. J'ai achevé Janua Vera, recueil passionnant, auquel je devrai ajouter la nouvelle contenue uniquement dans la version de poche, et Gagner la Guerre, du même Jean-Philippe Jaworski, que j'ai chez moi, parmi d'autres ouvrages, fort nombreux au demeurant, attendant d'être lus. J'ai profité de mon jour de repos pour lire le premier volume de Chroniques des Nouveaux Mondes, de Jean-Marc Ligny, et j'ai repris ma lecture d'Outlander, de Diana Gabaldon, dont j'espère pouvoir venir à bout prochainement (encore trois cents pages de romance cross-temporelle sur les hautes terres d'Ecosse).

Programme de la journée: tenir le coup, à grands renforts de café et de sandwiches que je n'ai pas eu le temps de préparer ce matin, et que je ne pourrai donc pas manger. Faire venir les clients, par la puissance de mes ondes télépathiques, et assurer par mon dynamisme, mon professionnalisme et mes verbiages, l'avenir financier de mon commerce. En soirée, tenir un tournoi magique pendant que je tenterai d'achever les rangements, dont je ne m'occupe pas pour le moment, parce qu'étant seul, je ne puis me réfugier dans les espaces liminaires du monde matériel, car ainsi procéder serait me dissimuler à la vue de mes contemporains, lesquels n'oseraient franchir le seuil du magasin ou, pire encore, le pourraient franchir à mon insu, déambuler librement dans les allées du lieu, acquérir sans me le dire les produits disposés sur les rayonnages, partir sans payer ou, pire encore, se sentir mal accueillis, mal servis, mal conseillés, alors même que je dispose de toutes les réponses aux questions qu'ils n'oseront pas me poser.

Programme des heures à venir: en attendant un bref passage de mon frère, entre deux trains, le temps de récupérer les clefs du domicile parental et me prodiguer quelques conseils salutaires, gérer le stock, les livraisons, les clients, lire quelques pages du roman entamé, me renseigner sur les nouveautés, présentes et à venir, du monde de l'édition, et caetera. Mes genoux me tirent, ma cheville me lance, mon estomac gargouille et la solitude me plonge dans des affres d'angoisse cosmique. A moins que ça ne soit la faim. Réponse après ingestion d'un morceau de pain rassis, tartiné de beurre rance, si je trouve une âme charitable pour m'aller quérir la bête. Le mois d'août en solitaire, ça n'est pas facile tous les jours.

lundi 27 juillet 2009

Janua Vera

Lundi vingt-sept juillet deux mille neuf. Treize heures huit. La fatigue commence à se faire sentir. Je persiste à me réveiller tôt, vers six heures vingt ce matin, et à bouquiner une ou deux heures avant de lancer le moteur de ma journée. Ce matin, j'ai commencé à lire Janua Vera, recueil de nouvelles dû à Jean-Philippe Jaworski. Cet ouvrage s'est apparemment bien vendu. Toutes les nouvelles se situent dans un même univers, et l'une d'entre elles sert d'incipit au roman Gagner la guerre, du même auteur, sorti il y a quelques mois.

Les Moutons Electriques ont publié les deux livres, et je les possède tous deux chez cet éditeur. Janua Vera a fait l'objet d'une publication en poche chez Folio SF, après adjonction d'une nouvelle supplémentaire; il faudra donc que je me procure cette édition. Pour le moment, j'ai lu la première nouvelle, et je suis en train de lire la seconde (il y en a cinq autres, et l'adjectif "second", qui sonne mieux que "deuxième", ne s'emploie pas exclusivement pour désigner le deuxième d'une série de deux, mais peut aussi se voir utiliser pour marquer le second degré d'une énumération plus longue, j'ai vérifié dans le dictionnaire, ça marche, ouf, parce que "second", je préfère, "deuxième", ça sonne un peu sec). Un conquérant blond, vaguement réminiscent d'Alexandre le Grand, a le sommeil troublé; un assassin professionnel, dans une ville d'eau évoquant Venise, se voit confier un contrat difficile. Et j'en suis là pour le moment.

Le retour au boulot s'est bien passé. J'ai été content de retrouver un univers désormais familier, la clientèle est majoritairement constituée d'habitués au commerce agréable, et pour le moment, je n'ai pas eu à trop souffrir du rythme trop intense de nos activités. Si je continue à ne dormir que quatre à six heures par nuit, je cours au devant d'une certaine irrascibilité, mais je devrais pouvoir me contrôler (et dormir tard certains matins, je négocierai ça dans le courant de la semaine avec mon frère). Soixante-dix heures de boulot par semaine, peu ou prou, très peu de temps pour moi, et des montagnes de livres dans mon studio, qui n'attendent que mes rares disponibilités pour se faire réduire.

Programme de la journée: tenir la boutique seul pendant une période indéterminée, assister au montage des étagères que mon frère est en train d'acheter avec l'aide de sa copine, ne pas m'endormir au gouvernail, boire un ou deux seaux de café (je me suis mis à boire du café, noir sans sucre, en grande quantité, quand j'étais au Japon il y a quinze jours, avant je n'en buvais pas, je n'aimais pas ça, je ne jurais que par le thé), manger mon sandwich maison saumon-brie, lire un peu si personne ne me voit faire. Après le retour de mon frère, poursuivre ma quête pour une réserve rangée, en exhumant les jeux enfouis, les figurines promotionnelles dues en lot pour un tournoi tenu en mon absence et que sais-je encore. Je dispose d'un plan secret, machiavélique, pour mieux organiser l'espace, mais pour ça, j'ai besoin de temps; le temps, l'espace, on en revient toujours aux éléments fondamentaux constitutifs de la réalité (qu'il faut sauvegarder, mais j'y reviendrai ultérieurement).

dimanche 26 juillet 2009

Overnight Sensation

Dimanche vingt-six juillet deux mille neuf. Dix-sept heures cinquante. Je me suis plus ou moins remis de mon jet-lag. J'en conserve une propension à me réveiller matin, dont je profite tant qu'il est temps; la saison estivale se laisse brosser dans le sens du poil, il fait jour tôt, et les heures à un chiffre sont propices à la lecture. Paisible, à l'occasion, tumultueux par ailleurs, mon quartier en été, pour ce que j'en vois, est intéressant à côtoyer.

Le matin, les envols de pigeons sous mes fenêtres occasionnent chez moi un léger agacement. Durant mon voyage au Japon, les intempéries, ou le mouvement de va et vient de mes volets malmenés par le vent, ont jeté à bas plus de la moitié des piques anti-pigeons ayant orné mes fenêtres. Un coup d'œil jeté à la dérobée sur les balconières de mes voisins m'a révélé l'universalité du phénomène; toujours est-il que, mon état des lieux mentionnant lesdites piques, j'en serai redevable à ma régie au moment d'en sortir, fût-ce le vent qui s'en soit rendu coupable.

Hier matin, vers sept heures, tandis que je lisais, allongé à même le sol sur mon matelas de fortune, un groupe d'hommes avinés, sans doute assemblés dans une cour voisine, ont trouvé amusant de faire sonner une corne de brume, à pleine puissance, pour le plaisir de la populace assoupie (qui, à de très rares exceptions, ne travaille pas, contrairement à moi, le samedi matin). Autre élément d'animation sous mes fenêtres, le ballet des chats du quartier, et la bêtise d'une de mes voisines qui, en plus de nourrir la vermine venue du ciel, à grand renfort de croûtons et de graînes, endosse la cuirasse de la croisée pour vider des bassines sur les félins tonitruants, lesquels se voient simultanément encourager, par mes soins, à choper les pigeons qui troublent ma quiétude.

Tel est le paysage estival dans les environs immédiats de mon domicile. Il fait trop chaud, mais comme mes fenêtres sont orientées plein sud, je n'en souffre qu'à partir de quatorze heures; le matin, je laisse grand ouverts mes carreaux, m'emplissant les poumons de l'air malsain des villes (l'air lyonnais est pollué, je l'ai testé, alors que même l'atmosphère de Tôkyô était, par comparaison, respirable, et les véhicules y roulant particulièrement silencieux). Les automobilistes lyonnais, ville typique du Midi de la France, sont des chauffards de la pire espèce: leur activité favorite est de remonter les rues en marche arrière, pas vus pas pris, et j'ose à peine imaginer leurs débordements en cas de victoire décisive de leur équipe ballipédestre locale.

Je me remets doucement au sport. J'ai de grandes ambitions pour la rentrée, mais j'attends mon heure pour me lancer dans la course aux inscriptions. J'ai repris la course à pieds la semaine dernière, piétinant de mes foulées penaudes deux circumambulations du Grand Canal mis à la disposition des joggers du Parc de Sceaux, dans les Hauts-de-Seine (mes parents crêchent à deux bornes dudit parc), couvrant une distance totale, et continue, égale à six virgule quatre kilomètres, à en croire mon petit frère, lequel a longtemps, et abondamment, fréquenté le même parcours, du temps de ma jeunesse (il habitait alors à huit cents mètres du lieu dit). Je commence à récupérer de l'excès. Je me réserve pour le déménagement de ce mardi, j'aurai cinquante cartons de livres, et quelques meubles, à monter jusqu'au quatrième étage où j'expie.

Je suis toujours à la recherche d'une piste d'athlétisme, ouverte au public, proche de chez moi, susceptible d'accueillir mes déprédations tôt le matin, dans les mois à venir. J'aimerais aussi reprendre le badminton, sur des bases régulières, dans un cadre associatif, à proximité de mon domicile, toujours. Et me mettre au triathlon, ce pourquoi il me faudra au préalable repérer une piscine ne brillant ni par son éloignement, ni par la tardivité de son ouverture matutinale. Parce que j'aime à penser que je conserverai longtemps ce rythme (je sais, je suis naïf).

Programme de la journée: rester une heure environ à la boutique, que je tiens cet après-midi, jugulant tant bien que mal le flot continu du public avide de débourser ses sous dans mon établissement (quatre clients pour le moment, un par heure); en compagnie de Vertige, qui me rend visite pour le début de semaine, trouver un restaurant vietnamien ouvert, y déguster un pho ou, à défaut, dénicher un vendeur de kébab et consommer ses produits alimentaires. En soirée, dormir tôt, poursuivre mes lectures ou causer avec Vertige.

Ce matin, j'ai achevé la lecture, commencée avant-hier, de Glissements: une anthologie de troubles topographiques, ouvrage publié, en nombre limité, pour fêter les cinq ans d'existence des Moutons Electriques, une maison d'édition lyonnaise dont je suis particulièrement fan (j'ai entrepris d'acheter toutes leurs productions, y compris rétroactivement, dans la mesure du possible). Un recueil inégal, hélas bourré de coquilles, mais où quelques perles surnagent (les noms des contributeurs m'échappent, mais la nouvelle mettant en scène une série de demeures gigognes s'enfonçant sous la surface d'un lac gelé de dimension infinie m'a séduit par son aspect résolument borgésien, j'y ai goûté mes premières productions de Xavier Mauméjean et de Serge Lehmann, tous deux pourtant auteurs confirmés du paysage de l'imaginaire francophone, et je disséquerai plus avant la chose à tête reposée).

Ce matin toujours, car je me lève tôt, j'ai entamé, et presque achevé vu les dimensions de l'ouvrage, The Carpet People, premier roman de Terry Pratchett, initialement publié en septante-un, mais "amélioré" dans la présente édition, laquelle date du début des années nonante, par l'intervention d'un certain Terry Pratchett, romancier confirmé, ayant décidé d'arrondir les angles que son alter-ego de dix-sept ans avait laissés parfois saillir plus que de raison. Le produit final est agréable à lire, laisse entrevoir certains aspects des romans à venir, notamment du Discworld, mais demeure, n'en déplaise à l'afficionado du maître qui sommeille en moi, une œuvre de jeunesse, immature et parfois maladroite (mais tout ne tombe pas à plat, et j'apprécie cette lecture à la mesure de son mérite).

Toujours en chantier, Outlander, dont l'héroïne vient d'échapper au bûcher; La Horde du Contrevent, dont les protagonistes s'accordent une soirée de détente bien méritée à bord d'un voilier de passage; Renegade's Magic, l'avant-dernier roman de Robin Hobb (dont je lorgne sur le tout récent Dragon Keeper, sis dans le même univers et à la suite des trois trilogies publiées n'importe comment en français, impliquant un apprenti assassin, une bande de marins et un prophète pâle), que je n'ai laissé de côté il y a trois semaines que parce que ses dimensions en rendaient difficile l'embarquement dans mon sac de voyage pour le Japon.

Mardi prochain, dans deux jours donc, les deux ou trois mille livres présents dans mon studio se verront rejoindre par leurs collègues restés au pays, grâce aux volontés déménageantes de mes parents, grâces leur soient rendues. En soirée, un repas programmé dans un restaurant peu onéreux des environs, une sorte de répétition générale avant le grand banquet commémorant le quatrième anniversaire de l'ouverture, un vingt-cinq juillet, de la boutique où j'exerce dorénavant mes nombreux talents. C'est sans doute un effet de l'heure, mon estomac gargouille et j'ai peu dormi. Je vais de ce pas vider une fois de plus ma petite bouteille d'eau, quand il fait chaud, faut s'hydrater (de Lerne), manger un paquet de cookies fondus par le soleil, lire quelques pages et ne pas relancer la musique, entre la variété avariée, le jazz entrecoupé de sermons sur la vie et le heavy-metal par trop technique et compassé que les web-radios de ma fréquentation m'ont mis dans les esgourdes depuis ce matin, j'ai besoin d'une pause. Hop. Plus que trois-quarts d'heure et je lève le camp.

mercredi 22 juillet 2009

La Randonnée du Bout du Monde

Jeudi vingt-trois juillet deux mille neuf. Six heures trente-deux du matin (heure japonaise, treize heures trente-deux du même matin). De retour sur le plancher des vaches à cornes depuis une petite trentaine d'heures, je ne suis pas encore pleinement recalé sur le faisceau horaire de Paris, mais à force d'épuisement et de matinées blanches, on devrait y parvenir. Le séjour japonais s'est bien passé.

Quatre jours à Tôkyô, trois jours à Yonezawa, petite ville du nord avec la Mer de Chine pour dernier terrain vague (en fait, non, mais je voulais voir quelle gueule aurait cette phrase sur le plasma, pardon à Brel), pour un mariage traditionnel réussi (la nourriture était bonne, et même le reste était bien). Brève escale à Nagano, trois jours dans les montagnes, randonnée sous la pluie, fuite nocturne dans ma tente, deux jours à Osaka, crochet par Kyôto, retour sur Tôkyô, capsule-hotel les deux dernières nuits, vingt-quatre heures d'avion, train plus escale, beaucoup de train, croisé Doctor Doom à Helsinki, et Zubaydi à Shibuya, écouté les BeeGees dans l'avion, Tragedy.

Je suis en train de lire Outlander, un roman romantique avec du sentiment dedans, de Diana Gabaldon. Une infirmière récemment réunie avec son mari, un jeune professeur d'université, au cours d'une seconde lune-de-miel en Ecosse, disparaît mystérieusement à travers un cercle de pierres pour se retrouver projetée dans le passé, où elle rencontre l'ancêtre de son mari (un Anglais très méchant, capitaine de l'armée d'invasion) et un jeune guerrier écossais, qu'elle épouse dans des circonstances euh arrangées pour les besoins de l'histoire. Ils s'aiment, se prennent dans toutes les positions au milieu de la fraîche et riante campagne des Highlands, se donnent des coups de ceinture et se compliquent la vie. Triangle amoureux, voyage dans le temps.

Dévoré pendant le train et les nuits blanches au Japon, Perdido Street Station, gros roman de China Miéville, aurait pu être écrit par Tim Powers au mieux de sa forme, ou Michael Chabon s'il plaçait ses histoires dans un univers inventé. Ca m'a aussi rappelé le Moorcock du Pyatt Quartet, ou le Stephenson du Baroque Cycle, ou encore le Difference Engine de Gibson et Sterling. Bref, un roman formidable qui flirte avec plein d'autres auteurs qui me font vibrer, tout en ayant suffisamment d'originalité en soi pour qu'on ne pense pas à le comparer au-delà d'une simple pêche aux idées. Le style est foisonnant, l'intrigue part dans tous les sens, les personnages son bien campés, l'univers original et addictif. Bref, que du bonheur.

Actuellement en chantier, La Horde du Contre-vent, un roman euh expérimental d'Alain Damasio, un véritable tour-de-force dans lequel j'ai du mal à rentrer. C'est une bande de types qui rampent dans un univers mal défini, ils cherchent à remonter le vent, qui souffle et détruit tout selon une partition nébuleuse, ça fait huit siècles qu'ils piétinent dans la poussière en prenant des grands airs. L'écriture est ampoulée, l'auteur a décidé de nous faire vivre en alternance l'intériorité des vingt-trois pékins, nous sommes dans la lourdeur et l'ennui. Mais, bon. Je vais m'accrocher, je n'ai lu qu'une centaine de pages, essentiellement pendant ma nuit blanche au camping inondé, donc l'impression du moment n'est peut-être due qu'aux circonstances. Pour le moment, j'ai l'impression de lire une version chiantissime des Annales de la Compagnie Noire, ou de La Compagnie des Glaces, le tout dans un bac à sable, avec des trips à la Mondes Engloutis. A reprendre à tête reposée.

Programme de la journée: prendre un petit déjeuner, faire des cartons (second round de mon déménagement, mardi prochain), prendre un train pour Lyon, où je ferai du rangement, passerai le balai et tenterai de me recaler dans l'espace et le temps. Demain, reprise du boulot, avec rattrapage du retard sur les dernières nouveautés, lancement d'une formation-éclair sur la gestion de la compta et des commandes, avant de m'occuper seul de la boutique ce week-end, en avant-goût du mois d'août, pendant lequel mon frère prendra, à son tour, des vacances bien méritées.

mercredi 8 juillet 2009

Attaque de la Tempura Géante

Mercredi huit juillet deux mille neuf. Minuit vingt-six (heure française, dix-sept heures vingt-six). Je suis au Japon depuis une quarantaine d'heures. Les invités du mariage de Piotr sont tous arrivés (nous sommes quatre, dont deux filles et un joueur de cornemuse, qui partage ma chambre d'hôtel). Pour le moment, j'ai mangé un katsudon, deux bols de ramen, une assiette de gyôza, bu une bouteille de saké, un café glacé, une Guinness, acheté deux livres de poche et dormi quatorze heures (la nuit dernière).

J'ai pris l'avion lundi matin, avec escale à Helsinki, où le Doctor Doom est venu me rendre visite pendant mon transit, autour d'une bière et d'un donut. Une dizaine d'heures plus tard, j'étais à Narita, où j'attendis Piotr et Grandbignou, en compagnie desquels je pris le train pour Tôkyô, où je demeure (un hôtel de grand standing près de Ginza, généreusement financé par le fomenteur du mariage). Peu de sommeil en vol. Beaucoup depuis, voire trop.

Tôkyô n'a guère changé depuis mon dernier passage (il y a quatorze ans moins un mois), mais moi, oui. Je suis vite lassé de l'effervescence, des débordements stylistiques sévissant à Shibuya comme du désordre des néons dans le ciel de Shinjuku. J'aspire à respirer l'air de la campagne. Foules ordonnées, politesse omniprésente, métropole propre et bien rangée, Tôkyô ne m'excite plus guère. Surtout après un an en Chine, où l'essor d'une nation tout entière génère une dynamique sociale, dans l'orgueil et la démesure. Le Japon est un vieux pays.

Programme de la soirée: m'aller coucher (vingt-deux degrés avec la climatisation, contre une trentaine dehors, avec un important pourcentage d'humidité, mais après Hong-Kong en août, je rigole mollement), lire un peu, tenter de dormir, ne pas y arriver, lire jusque vers cinq heures du matin, décalage horaire raté. Suis en train de lire Perdido Street Station, de Chine Miéville, un roman foisonnant, avec une grande ville aux allures victoriennes, de la magie, des peuples divers. Un excellent style, des ambiances dignes de Michael Chabon ou du Gloriana de Michael Moorcock. D'autres analogies m'ont percuté tout le jour, mais elles me laissent en paix une fois le clavier sous mes doigts. Demain, Ueno, Shinjuku, palais impérial et yakitori.

dimanche 5 juillet 2009

En Route pour la Joie

Lundi six juillet deux mille neuf. Cinq heures cinquante-trois du matin. Dans cinq heures, je m'envole pour le Japon. Je suis en retard, ma valise n'est pas prête.

lundi 29 juin 2009

La Vérité en Salade

Lundi vingt-neuf juin deux mille neuf. Vingt-et-une heures quarante-trois. Température au sol, trente-et-un degrés, voire davantage en vase clos. Température stratosphérique, moins soixante degrés. Nombre d'heures de travail restant avant les vacances: quarante-quatre environ. Humeur du moment: en fait, non.

Les préparatifs de départ pour mon voyage de la semaine prochaine attendront le dernier moment, vendredi matin je remplirai mon sac à dos de livres et de vêtements, pour me rendre à Paris, le soir, directement, en train, après avoir travaillé tout le jour au magasin. Les jours se téléscopent, les nuits se succèdent et les mois œuvrés s'enchaînent à la vitesse de l'éclair. Je manque de temps pour tout.

Vendredi dernier, j'ai participé à ma première partie de jeu de rôle locale, depuis que je suis sur Lyon (j'avais, ponctuellement, continué de jouer avec mon groupe sur Massy, lors de retours épisodiques au pays, le temps d'un week-end ou deux). Hollow Earth Expedition (ambiance Bob Morane contre Flash Gordon). Expérience trop courte pour être pleinement appréciée. Suite des opérations demain soir.

La semaine dernière, j'ai lu, d'Ugo Bellagamba et Thomas Day, L'Ecole des assassins, un roman cyberpunk entre Hong-Kong et le Japon, dans les années deux mille quarante. Un bon rendu. Depuis deux jours, je me dépêtre de "Trading in Danger", premier volet du cycle space-op' "Vatta's War", de l'Américaine Elizabeth Moon. Une histoire intéressante, mais des personnages trop monolithiques.

Programme de la soirée: attendre la fin du tournoi magique du lundi soir, rentrer chez moi en marchant (ou à vélo), lire une partie de la nuit. Dans mon colimateur, Le Mythe d'Er, de Javier Negrete, qui pourrait être la suite, quoiqu'écrite avant, d'Alexandre le Grand et les aigles de Rome.

lundi 22 juin 2009

L'Assassin Habitait Sarcelles

Lundi vingt-deux juin deux mille neuf. Vingt heures quarante-six. Nous voici parvenus sur l'autre versant. Les jours décroissent. La lumière se fera de plus en plus rare, jusqu'au vingt-et-un décembre. Et re-belote. Pour l'heure, je tiens la boutique, seul à bord, en nocturne, tandis que se tient le tournoi magique du jour. Un peu de boisson énergétique pour me maintenir à flot. Un livre sous le coude. Mal au cou. Fatigue.

Hier, fête de la musique, mon seul jour de congé avant le quatre juillet, je n'ai rien fait. Suis resté chez moi, mon nouveau chez moi depuis bientôt quatre mois, à lire. "Espaces Insécables", assez chouette recueil de nouvelles dues à Sylvie Lainé (rencontrée par ailleurs ce samedi, à l'occasion d'une séance de dédicace ayant déplacé Thomas Day et Catherine Dufour, turnout décevant au final, mais bonne ambiance générale, j'aime à le croire), dont la rédaction s'est étalée entre le milieu des années quatre-vingts et maintenant.

Le gros bloc de caviar de la semaine, en matière de lecture, aura été "Alexandre le Grand et les aigles de Rome", sorte d'uchronie: Alexandre n'est pas mort en trois cent vingt-trois avant notre ère, mais a survécu grâce à l'intervention providentielle d'un médecin venu de nulle part. Il réforme son régime alimentaire, rejoint la Macédoine, mâte les révoltes domestiques en Grèce, et tourne son regard vers l'occident. Sur sa route se dressera un certain Caius Julius César, anachronistiquement déplacé d'un ou deux siècles.

Le vrai héros est un médecin amnésique, Nestor (sans doute un voyageur temporel ou dimensionnel égaré, voire missionné), qui sauve Alexandre, devient un de ses familiers et passera quelques semaines à Rome avant que le différend entre les deux puissances ne se règle définitivement, sur le champ de bataille, au pied du Vésuve.

Très bonne impression dans l'ensemble. Javier Negrete s'affirme décidément comme une valeur sûre de la fantasy espagnole (c'est aussi le seul auteur espagnol de science-fiction que je connaisse un tant soit peu). J'avais déjà lu son Seigneurs de l'Olympe en avril, dont les héros n'étaient autres que les dieux grecs en personne. Il me faudra lire Le Mythe d'Er, ou le dernier voyage d'Alexandre le Grand (titre exact ou paraphrasé), dont la parution en France remonte à cinq ou six ans, mais dont les événements pourraient se situer après celui des Aigles de Rome, avec les mêmes personnages, pour ceux qui ont survécu.

Le livre du jour, c'est Tales of the City, d'Armistead Maupin, premier volume dans sa série de chroniques consacrées à San Francisco, dans les années soixante-dix pour le moment. Lecture agréable, une ironie mordante, une bonne peinture des communautés post-hippies, du microcosme gay et des aspirations d'une génération en perte de repères. Et tout ça. Ca se lit très vite, d'un œil distrait. Si je dure ce soir, je m'attaquerai sans doute à du Thierry Jonquet que j'ai sous le coude.

Programme de la soirée: attendre que le capitaine remette les pieds sur la passerelle, en lisant Maupin et en surfouillant sur la Toile. Si le feu sacré revient, finir la soirée devant la fin de la première saison de Battlestar Galactica. Demain matin, je fais la grasse matinée pendant que mon frère ouvrira le magasin (de l'avantage d'être deux au boulot). Dans deux semaines, je serai dans l'avion pour Tôkyô.

mardi 16 juin 2009

Contredanse avec les Loups

Mardi seize juin deux mille neuf. Vingt-deux heures trente-cinq du matin. Il fait trop chaud. Je viens de déclarer mes revenus sur l'année deux mille huit.

Programme de la soirée: jouer un peu à Ninja Rope avant de rentrer chez moi. Poursuivre ma lecture d'Alexandre le Grand et les Aigles de Rome. M'écrouler comme un sac de paille sur ma couche. Sombrer dans des songes sans fond.

lundi 8 juin 2009

Mon Tracteur est Riche

Lundi huit juin deux mille neuf. Vingt-et-une heures quarante-cinq du matin. En Chine, il pleut aussi. Ma journée de travail s'achève, après seulement onze heures de présence à la boutique. Aujourd'hui, ma principale tâche a été de trouver où stocker trois cent soixante litres de coca-cola livrés par notre fournisseur de boissons (un service que nous rendons à nos habitués en les empêchant de mourir de soif quand ils viennent jouer au magasin). Mon nerf sciatique n'est pas content. Si je me réveille demain matin sans lumbago, je serai chanceux.

Ma journée a consisté en un transfert, dans un sens puis dans l'autre, de piles de cartons, d'amoncellements de plateaux remplis de cannettes, de boîtes et de cartons. Pirouette, cacahuète. J'ai mangé un sandwich au thon. J'ai bu du thé à la pêche. Glacé. Et du thé chaud, pas bon mais chaud, avec de la théine dedans. Ma vie est passionnante, mais presque.

Hier, je me suis lu un roman de Thomas Day et Ugo Bellagamba, Le Double Corps du Roi, sis dans une Grèce antique alternative, avec de la magie, une technologie ancienne passant pour de la magie, une civilisation crétoise hybride végétale, un poète-escrimeur sodomite, une jeune femme au lourd destin, un contrebandier nommé Johan Solon (si ça vous rappelle quelque chose, c'est, à mon avis, voulu). De la baston, du sexe, des affrontements politiques. Du voyage, du pathos. Un exosquelette en quartz à mémoire résiduelle. Bonne expérience.

Depuis hier, il pleut. Ou depuis samedi. Vendredi? Il pleut. Samedi, j'étais à vélo, sur le chemin de mon domocile à sol facile à cirer, mais que je ne balaie pas par flemme (idem pour mon régime de boîtes de cassoulet non réchauffées mais je songe à modifier mon alimentation dans les semaines à venir, il faudrait que j'exhume ma casserolle du carton où elle attend, patiemment, que je m'achète un vaisselier pour l'y stocker), lorsque je me suis fait saucer par une franche averse. Mes chaussures en sont encore mouillées et donc, par conséquent, mes pieds (qui s'y trouvent, par une coïncidence cocasse, présentement stockés).

Hier soir, insomniant migraineusement, mi-raisin, j'ai entamé le tout nouveau roman du Canadien Robert J. Sawyer, WWW: Wake, premier volume d'une trilogie. Pour le moment (je suis rendu au milieu de l'ouvrage, qui ne devrait, logiquement, pas survivre à l'insomnie de ce soir), une adolescente aveugle, douée pour les maths, est entrée en contact visuel (via un implant expérimental visant à lui donner la vue) avec la conscience, toute récente, à laquelle s'est éveillé l'Internet, suite aux manipulations communicationnelles du président chinois. Un peintre chimpanzée et un paléontologue chinois dissident ne devraient pas tarder à s'unir contre Hu Jingtao et le zoo d'Atlanta. Pour le moment, la lecture est plutôt prenante, la structure bien tramée, les personnages attachants et la police d'écriture reposante pour les yeux.

Programme de la soirée: boucler la journée comptable de la boutique, fermer icelle, uriner dans l'urgence, marcher sous la pluie, ou y faire du vélo. Manger un kébab, si j'en trouve un d'ouvert. Lire trois ou quatre heures. Dormir peu, mais au matin, faire la grasse matinée, si mon lumbago ne s'en mêle pas, avant de rejoindre mon frère au magasin pour de nouvelles aventures.

mercredi 3 juin 2009

Le Parti Pris des Hyènes

Mercredi trois juin deux mille neuf. Vingt heures vingt-et-une du matin. A quelques jours près, cela fait trois mois que je suis venu m'établir en la riante ville de Lyon (ou sa banlieue-dortoir, Villeurbanne, inséparable, niveau tissu urbain, de la maison-mère qui la couvre). Je m'y plais plutôt. Je dois avouer que je m'y sens plus épanoui qu'ailleurs, où j'ai traîné mes guêtres, ces quarante-cinq mois écoulés.

Ces deux dernières années, depuis que mes études ont pris fin, je suis passé d'un statut d'étudiant préparateur de concours mou en série (zéro heure de travail rémunéré par semaine), à celui de professeur-stagiaire inadapté parachuté dans un bon lycée du centre-ville d'Orléans (huit heures de cours d'anglais hebdomadaires à donner, en plus de deux journées de formation sans intérêt), puis professeur d'anglais oral dans un gros lycée rural chinois (trente heures de labeur par semaine), avant de finir par m'échouer à Lyon, comme libraire/vendeur de produits culturels à caractère ludique (soixante à quatre-vingts heures d'occupation des lieux, à géométrie variable). Je suis gagnant au change.

L'expérience orléanaise ne m'a pas été inutile, outre l'enfer éducatif (mes élèves pâtissaient d'avoir écopé d'un prof peu motivé, gentil mais visiblement paumé), j'ai pu fréquenter mes pairs, et me lancer pour la première fois dans une autonomie domiciliaire plus ou moins bien vécue. Sans parler de l'indépendance financière, qui a surtout des bons côtés, malgré la nécessité de se rationner dans les pulsions d'achat (ce qui était déjà le cas du temps où j'étais étudiant, avec un budget fixe mensuel, et des petits jobs occasionnels venant améliorer l'ordinaire, mais rien d'à la fois constant et substantiel, et puis j'avais encore le porte-avion parental pour me repêcher en cas de semi-noyade).

Quand j'étais sur Orléans, je touchais, grosso modo, treize cents euros mensuels. Je vivais confortablement avec, je payais quelques chose comme trois cent quatre-vingt euros par mois, charges comprises (moins l'électricité), pour un trente mètres carrés de deux pièces. Après six mois sur Orléans, je suis resté deux semaines chez mes parents, avant de partir inopinément pour la République Populaire de Chine, ou des amis d'amis avaient des contacts qui cherchaient quelqu'un pour, et de fil en aiguille je me suis retrouvé au milieu de nulle part, après avoir démissionné de l'Education Nationale française, à persévérer dans l'enseignement, plus pour m'occuper que par vocation. Bon.

En Chine, je disposais d'un cinquante ou soixante mètres carrés, de fonction donc à l'œil, où je logeais, dans l'enceinte du lycée, au contact quotidien de mes élèves et collègues. Le métier n'était heureusement pas le même, et ma condition d'étranger visiblement différent me conférait une aura propre à rendre l'expérience d'enseignant résolument différente. Je touchais, peu ou prou selon les hoquettements du change, six cents euros par mois, et en vivant comme un prince peu dépensier, je mettais de côté quatre cents euros par mois.

Depuis que je suis sur Lyon, je gagne, en gros, mille cent euros par mois, et j'occupe un trente mètres carrés, que je paie quatre cent sept euros par mois, charges comprises (sans l'eau ni l'électricité). Je suis donc dans une situation grosso modo comparable à celle d'Orléans, niveau dépenses incompressibles et entrées d'argent. Ca me va bien. Je ne suis pas dépensier, même si l'argent me brûle les doigts.

Je ne suis pas fasciné par ces questions d'argent, de revenus et de loyer, mais il me semblait intéressant de dresser un bilan de mes trois premiers mois ici. Le travail me plaît, je bosse avec mon frère dans une librairie, et le plus dur est encore de ne pas craquer en achetant trop de marchandises. Il faut aussi manger. Je ne consomme pas assez de fruits, ni suffisamment de légumes, mais je tâcherai d'y remédier. La quantité d'aliments ingérés me maintient en vie, plutôt en forme.

Je me suis arrangé pour ne pas habiter juste à côté de mon lieu de travail. Quand j'étais en région parisienne, j'habitais en banlieue sud, et je devais, selon les années, rester une à trois heures par jour dans les transports en commun (réseau express régional, métropolitain, bus), ou me farcir grosso modo la même durée quotidienne à vélo. Une fois sur Orléans, j'avais élu domicile à trente minutes de mon lieu de travail, trente minutes à pied, et j'avais une distance comparable à parcourir pour rejoindre l'institut universitaire de formation des maîtres. En Chine, il me fallait entre trois et quatre minutes pour arriver en classe. Ici, j'ai quarante minutes de marche à effectuer le matin, autant le soir, ou quinze minutes de vélo aller, quinze minutes de vélo retour, pour couvrir la distance. Ca me fait une sorte de sas de décompression entre l'univers domestique et le milieu carcéral.

Ces derniers temps, je me suis fendu de quelques soirées de lecture pour venir à bout d'un roman récent, de fantasy urbaine, dû à Greg van Eekhout, intitulé Norse Code. Ragnarök en Californie. Les héros sont Hermod, un obscur fils d'Odin passé maître dans l'art du vagabondage, et Mist, une valkyrie renégate, bien déterminés à empêcher la destruction des neuf mondes. Mais quelqu'un, en Asgard et sur Terre, mettra tout en œuvre pour prévenir leur immixtion dans ses plans. Ecriture agréable, à mi-chemin entre la farce et l'épique sentencieux, mélange par ailleurs souvent raté (y compris dans le cas présent, sauf quand il est réussi). C'est un premier roman.

Je suis actuellement plongé dans Forest Mage, second tome de The Soldier Son Trilogy, de Robin Hobb (quatrième trilogie publiée sous le principal pseudonyme de l'auteur, indépendante des trois précédentes, qui se suivent et partagent un même univers). Dans la lignée de Shaman's Crossing, le premier roman du triptyque. J'y passe plusieurs heures par jour, et je subodore qu'il ne survivra pas à mes longues nuits de lecture.

Ce week-end, j'ai réglé son sort à Outrage et Rébellion, dernier roman en date de Catherine Dufour. Ce roman se situe dans le prolongement du Goût de l'Immortalité, que j'avais moins apprécié. Celui-ci se présente sous la forme d'un compte-rendu écrit de documentaire polyphonique, ayant pour thème un mouvement, ou plutôt une série de mouvements, musicaux et donc sociaux, parmi la jeunesse trafiquée d'une Chine troglodyte du vint-quatrième siècle. Pas grand chose à reprocher à ce roman, alors que le précédent m'avait beaucoup fait sourciller. J'analyserai plus en profondeur cet ouvrage si le temps s'en présente.

Programme de la soirée: continuer de tenir la boutique en nocturne, tout en coordonnant le tournoi magique de la soirée. Quand les joueurs en auront fini, regagner mon domicile, à pied ou à bicyclette. Manger quelque chose de froid, par exemple la boîte de saucisses aux lentilles qui m'attend au frigo. Lire jusque vers deux heures du matin, à moins que je ne persévère dans mon visionnage de Battlestar Galactica. Demain matin, dormir tard, rendre visite à un collègue bouquiniste pour y renouveler mon stock de polars. Le midi, manger des nouilles déshydratées achetées un euro trente-cinq chez mon épicier chinois. Ma vie n'en finit pas de trépider.

mercredi 20 mai 2009

Le Travail, c'est la Santé (qui fout le camp)

Mercredi vingt mai deux mille neuf. Vingt-et-une heures dix post meridiem. De nouveau seul à la boutique. Mon frère s'est fait capturer, le temps d'un demi week-end, par la compagne de ses nuits (et de ses jours, mais ça sonnait mieux). Ils sont quelque part à la campagne. Demain, je tiendrai de nouveau seul la barre, guidant ma barque entre les écueils. Jésus vole, et je bosse; tout va bien.

Le tournoi magique du mercredi soir bat son plein. Dans l'ensemble, l'événementiel du magasin ne me laisse guère le temps de m'adonner, quant à moi, aux plaisirs coupables que j'aime à partager. De temps à autre, je me libère deux à quatre heures pour une partie de jeu de plateau, mais je n'ai pas encore pu disputer la moindre partie de Monsterpocalypse (un jeu de figurines assez tactique opposant monstres hideux venus de l'espace, dinosaures radioactifs surgis des profondeurs marines, robots géants défenseurs de la veuve et de l'orphelin, et fraternités de l'ombre bien résolues à tirer leur épingle du jeu dans cette lutte sans merci que se livrent les titans de chair et d'acier, au cœur des fragiles mégalopoles dont ils se disputent le contrôle). Demain, peut-être.

Depuis hier, je tente de lire Les hommes qui n'aimaient pas les femmes, de Stieg Larsson, premier volet d'une trilogie polar à tendance politico-économique. L'auteur est mort peu après avoir remis son triple manuscrit à l'éditeur chargé de la publication. Depuis, succès de librairie international. J'ai enfin réussi à mettre la main dessus, ma tante me l'a prêté. Un film doit sortir sous peu. Pour le moment, je n'ai lu qu'une centaine de pages, j'attends que les choses sérieuses commencent.

Hier soir, je suis allé au cinéma voir In the Electric Mist, le dernier Tavernier, avec Tommy Lee Jones et John Goodman, adapté du roman In the Electric Mist with the Confederate Dead, de James Lee Burke. Lente enquête policière dans les bayous d'une Louisiane post-Katrina. Excellente impression d'ensemble, le tout avec de superbes accents cajuns. Il faudra que je me lise le roman, ainsi que les autres bouquins de la série.

Que dire de plus? Nouvelles de Chine, le chien du Sultan est mort, l'immeuble en face du mien a brûlé, mais personne n'est mort, sinon le chien du Sultan, lequel n'est d'ailleurs pas mort dans l'incendie, mais d'avoir mangé une plante vénéneuse, ou toxique, non identifiée. Le chien, qui était par ailleurs une chienne, dixit le développement anatomique de l'animal, ne reverra donc plus celui qui l'a, parfois, accompagné au cours de sa promenade quotidienne dans l'enceinte du lycée. Ashes to ashes...

La Chine commence à me manquer, alimentairement parlant. Les gens aussi, tiens. Ici, en France, et de surcroît dans une petite ville de province (Lyon, pour les intimes), il est très difficile de s'alimenter à toute heure du jour ou de la nuit, et la diversité des boui-bouis m'a beaucoup déçu. Enfin, le manque de diversité. Kébabs, pizzas. Hop. Et c'est tout. Il y a bien un poulet-shack pas loin de chez moi, et un burger-joint plus près encore, mais pas de bagel-house ni de traiteur asiatique, aussi mauvais soient-ils en France. Bon. Je me rattraperai lors de mon prochain passage au pays du milieu.

Dans quarante-cinq jours environ, je quitterai le plancher des vaches pour m'envoler, via Helsinki, vers Tôkyô, charmante petite bourgade où je n'ai plus mis les pieds depuis août quatre-vingt-quinze. Piotr s'y doit unir à sa compagne, en secondes noces, et j'en serai, ainsi que ceux de notre cercle d'amis ayant pu faire le déplacement. Je m'étais dit que ce voyage serait, par anticipation, prétexte à décrasser mon japonais, qui prend la rouille, de n'être plus parlé depuis quelque temps (et encore, fort mal); mais, non. Je n'ai pas encore ouvert le moindre manuel de langue japonaise, ne prenant que le temps de lire quelques pages, d'un œil désinvolte, extraites de l'un des quelques ouvrages en idiome nippon présents sur mes rayonnages. Je m'y remettrai sans doute dans l'avion, ou par imprégnation. Je n'ai plus que de très vagues notions de grammaire japonaise, et je crains que les mots chinois ne surgissent plus spontanément, sur ma langue, que leurs pendants sino-japonais. Mais, qu'importe. L'important, c'est de partir.

Programme de la soirée: rester aux commandes du vaisseau une ou deux heures encore, avant de mettre les voiles. Demain, je ne commence le boulot qu'à quatorze heures. Lire le soir, dormir le matin, avoir trop chaud. Car, aurais-je oublié de le préciser?, il fait bel et bien trop chaud, dans ce monde imparfait régi par les saisons. Je dégouline. Pour la première fois de ma vie, je suis venu travailler en pantalon court. En short de sport, de fait, celui-là même que j'endosse sur mes jambes musclées pour aller brûler de l'asphalte sous mes foulées de futur marathonien. Il faudra que je profite de la canicule, et des matins qui chantent, pour me remettre à la course à pied. J'ai bon espoir de débusquer une piste, sur le campus étudiants situé à l'extrême nord de la ville de banlieue où j'ai ma demeure.