mercredi 20 mai 2009

Le Travail, c'est la Santé (qui fout le camp)

Mercredi vingt mai deux mille neuf. Vingt-et-une heures dix post meridiem. De nouveau seul à la boutique. Mon frère s'est fait capturer, le temps d'un demi week-end, par la compagne de ses nuits (et de ses jours, mais ça sonnait mieux). Ils sont quelque part à la campagne. Demain, je tiendrai de nouveau seul la barre, guidant ma barque entre les écueils. Jésus vole, et je bosse; tout va bien.

Le tournoi magique du mercredi soir bat son plein. Dans l'ensemble, l'événementiel du magasin ne me laisse guère le temps de m'adonner, quant à moi, aux plaisirs coupables que j'aime à partager. De temps à autre, je me libère deux à quatre heures pour une partie de jeu de plateau, mais je n'ai pas encore pu disputer la moindre partie de Monsterpocalypse (un jeu de figurines assez tactique opposant monstres hideux venus de l'espace, dinosaures radioactifs surgis des profondeurs marines, robots géants défenseurs de la veuve et de l'orphelin, et fraternités de l'ombre bien résolues à tirer leur épingle du jeu dans cette lutte sans merci que se livrent les titans de chair et d'acier, au cœur des fragiles mégalopoles dont ils se disputent le contrôle). Demain, peut-être.

Depuis hier, je tente de lire Les hommes qui n'aimaient pas les femmes, de Stieg Larsson, premier volet d'une trilogie polar à tendance politico-économique. L'auteur est mort peu après avoir remis son triple manuscrit à l'éditeur chargé de la publication. Depuis, succès de librairie international. J'ai enfin réussi à mettre la main dessus, ma tante me l'a prêté. Un film doit sortir sous peu. Pour le moment, je n'ai lu qu'une centaine de pages, j'attends que les choses sérieuses commencent.

Hier soir, je suis allé au cinéma voir In the Electric Mist, le dernier Tavernier, avec Tommy Lee Jones et John Goodman, adapté du roman In the Electric Mist with the Confederate Dead, de James Lee Burke. Lente enquête policière dans les bayous d'une Louisiane post-Katrina. Excellente impression d'ensemble, le tout avec de superbes accents cajuns. Il faudra que je me lise le roman, ainsi que les autres bouquins de la série.

Que dire de plus? Nouvelles de Chine, le chien du Sultan est mort, l'immeuble en face du mien a brûlé, mais personne n'est mort, sinon le chien du Sultan, lequel n'est d'ailleurs pas mort dans l'incendie, mais d'avoir mangé une plante vénéneuse, ou toxique, non identifiée. Le chien, qui était par ailleurs une chienne, dixit le développement anatomique de l'animal, ne reverra donc plus celui qui l'a, parfois, accompagné au cours de sa promenade quotidienne dans l'enceinte du lycée. Ashes to ashes...

La Chine commence à me manquer, alimentairement parlant. Les gens aussi, tiens. Ici, en France, et de surcroît dans une petite ville de province (Lyon, pour les intimes), il est très difficile de s'alimenter à toute heure du jour ou de la nuit, et la diversité des boui-bouis m'a beaucoup déçu. Enfin, le manque de diversité. Kébabs, pizzas. Hop. Et c'est tout. Il y a bien un poulet-shack pas loin de chez moi, et un burger-joint plus près encore, mais pas de bagel-house ni de traiteur asiatique, aussi mauvais soient-ils en France. Bon. Je me rattraperai lors de mon prochain passage au pays du milieu.

Dans quarante-cinq jours environ, je quitterai le plancher des vaches pour m'envoler, via Helsinki, vers Tôkyô, charmante petite bourgade où je n'ai plus mis les pieds depuis août quatre-vingt-quinze. Piotr s'y doit unir à sa compagne, en secondes noces, et j'en serai, ainsi que ceux de notre cercle d'amis ayant pu faire le déplacement. Je m'étais dit que ce voyage serait, par anticipation, prétexte à décrasser mon japonais, qui prend la rouille, de n'être plus parlé depuis quelque temps (et encore, fort mal); mais, non. Je n'ai pas encore ouvert le moindre manuel de langue japonaise, ne prenant que le temps de lire quelques pages, d'un œil désinvolte, extraites de l'un des quelques ouvrages en idiome nippon présents sur mes rayonnages. Je m'y remettrai sans doute dans l'avion, ou par imprégnation. Je n'ai plus que de très vagues notions de grammaire japonaise, et je crains que les mots chinois ne surgissent plus spontanément, sur ma langue, que leurs pendants sino-japonais. Mais, qu'importe. L'important, c'est de partir.

Programme de la soirée: rester aux commandes du vaisseau une ou deux heures encore, avant de mettre les voiles. Demain, je ne commence le boulot qu'à quatorze heures. Lire le soir, dormir le matin, avoir trop chaud. Car, aurais-je oublié de le préciser?, il fait bel et bien trop chaud, dans ce monde imparfait régi par les saisons. Je dégouline. Pour la première fois de ma vie, je suis venu travailler en pantalon court. En short de sport, de fait, celui-là même que j'endosse sur mes jambes musclées pour aller brûler de l'asphalte sous mes foulées de futur marathonien. Il faudra que je profite de la canicule, et des matins qui chantent, pour me remettre à la course à pied. J'ai bon espoir de débusquer une piste, sur le campus étudiants situé à l'extrême nord de la ville de banlieue où j'ai ma demeure.

lundi 18 mai 2009

Point de Salut pour les Velus

Lundi dix-huit mai deux mille neuf. Seize heures trente-et-une. Seul sur le pont, je mène ma boutique, au cœur de la tempête, en attendant que le capitaine se lève. Un client vient d'entrer, à la recherche d'une anthologie consacrée aux loups-garous; j'ai bien peur que nos amis lycanthropes ne soient fortement défavorisés, au regard d'autres monstres folkloriques, dans la littérature fantastique contemporaine. Pléthore de vampires, moult dragon, mainte sorcière, mais de garou, point. C'est dommage, en un sens.

Je suis en train de lire The Unyielding Clamor of the Night, de Neil Bissoondath, un roman de deux mille cinq (ou deux mille six, je ne suis pas certain de la date), ayant pour héros un instituteur unijambiste, orphelin de surcroît, venu s'échouer dans un village perdu dans la jungle, au cœur d'une zone de combats, à l'extrême sud d'une nation insulaire de l'Océan Indien faisant fortement penser à Sri Lanka. Plutôt bien écrit, plein de post-colonialisme à l'indienne, une structure truffée de symboles et de touffeur coupable.

Egalement en cours de lecture, The Electric Kool-Aid Acid Test, reportage-vérité de Tom Wolfe sur la culture hippie, publié à l'époque, vers soixante-huit ou peu après, après que l'auteur eut vécu un moment dans la communauté. C'est un peu dense, donc je me le garde pour le boire à petites lampées. Egalement en chantier, Le Passe rêve, recueil de courtes nouvelles de Markus Leicht, inégal mais parfois surprenant.

A part ça, j'ai profité de mon dimanche de congé pour regarder le début de la récente série de Battle Star Galactica, dont le dernier épisode est passé sur les écrans américains il y a quelques semaines. Ca me console du très, très, très décevant, pour ne pas dire criminel, Star Trek XI, qui bafoue les lois les plus élémentaires de la fiction, piétinant la continuité, annulant quatre décennies et quelque de séries, méprisant les fans et jetant de la poudre aux yeux des néophytes. Seul point positif, le casting est assez réussi. Tout le reste est à jeter. J'ignorerai ce film jusqu'à ce que les auteurs reviennent sur leur bévue en rétablissant le cours normal de l'univers.

Programme de la journée: d'ici quelques minutes, accueillir le capitaine sur la passerelle, lui redonner le gouvernail et retourner à mes moutons électriques. S'il insiste, tenir la boutique ce soir durant le tournoi magique qui s'y doit tenir. Rentrer nuitamment, par exemple sous la pluie, n'ayant mangé, depuis le matin, que quelques mauvais sandwiches pleins de mayonnaise, et n'ayant bu qu'un ou deux sodas, quatre ou cinq tasses de thé et, si cela s'avère nécessaire, une cannette de taureau rouge pour m'empêcher de dormir avant l'aube.

samedi 16 mai 2009

A la Poursuite des Voleurs d'Essuie-Tout

Samedi seize mai deux mille neuf. Vingt heures quatorze. Depuis une semaine, les rouleaux d'essuie-tout mis à disposition des clients de notre magasin disparaissent mystérieusement. Je mène l'enquête.

lundi 11 mai 2009

Vésiculaire Périgourdine

Lundi onze mai deux mille neuf. Vingt-et-une heures cinquante-deux. L'été s'installe, maudit soit-il. J'exècre la chaleur, mais c'est justement le moment qu'elle a choisi, comme chaque année au demeurant, pour revenir me nuire. Le mercure frôle les vingt degrés. J'agonise. Vivement l'hiver.

Je suis en train de boucler la journée comptable de la boutique. Le tournoi magique du lundi soir s'est terminé exceptionnellement tôt. J'écoute Neil Young à la radio. Il paraît qu'il mourra bientôt, mais c'est déjà ce que Bowie disait de lui il y a douze ans. Je demeure aussi sceptique qu'une fosse.

Ce matin, debout six heures, j'ai doublé un couple d'Allemands septuagénaires que mes parents hébergeaient pour le week-end, et me suis engouffré sous la douche avant même qu'ils ne mouftent. J'ai saisi des deux poings les lourds sacs de livres achetés la veille, ainsi que leur contenu. J'ai pris le train en gare de Lyon, avant de regagner la capitale des Gaules, juste à temps pour ouvrir mon commerce. Gloire à la société nationale des chemins de fer français.

J'avais passé le week-end sur Paris, quatre-vingts heures environ entre deux trains, durant lesquelles j'ai raté l'occasion de passer chez Ramethep, barbecuté de pizzas chez E.T. et son épouse, joué seize heures à Qin, jeu de rôle dont l'action se situe dans la Chine des Royaumes Combattants (troisième siècle avant Jean-Claude), une heure au scrabble avec ma mère, deux heures au tarot avec mon frère, ma belle-sœur et ma tante, mais pas au boggle, mangé des steaks d'autruche, acheté une vingtaine de livres, déjeuné d'un pho en compagnie d'une amie rencontrée jadis entre Vesoul et l'Ouzbekistan, dîné de vin et de fromage chez Edriwing, avec tout un aréopage d'amis.

J'ai pu dormir un peu. Je n'ai pas vu mon grand-père. J'ai caressé mon chat, qui va sur ses quinze ans, et souhaité un bon anniversaire à ma nièce, qui vient d'en avoir six. J'ai commencé Shaman's Crossing, premier roman de la quatrième trilogie de Robin Hobb, qui devrait, justement, sortir son prochain ouvrage cet été (ça s'appellera Dragon Keeper, me semble-t-il, et ça se passera peut-être dans le même univers que les trois premières trilogies, mais sans doute beaucoup plus tôt, ou alors à la suite de la troisième trilogie).

Programme de la soirée: mettre les bouts, rentrer chez moi, aérer, manger du cassoulet froid, lire Robin Hobb. Demain matin, dormir tard, faire ma lessive, quelques sandwiches. Venir bosser en début d'après-midi, ou le matin si je me réveille tôt, frais et dispos.

dimanche 3 mai 2009

Parcheminage des Rotatives

Dimanche trois mai deux mille neuf. Dix-huit heures six du matin. Je viens de franchir les quatre-vingts heures de travail depuis le début de la semaine, ou peu s'en faut. J'ai travaillé tous les jours, premier mai inclus. Mon frère a profité du long week-end pour se faire kidnapper par sa moitié, traîner à la campagne loin de son commerce bien-aimé. Je m'en suis chargé, avec les variations de rythme propres à ce genre d'activité, un week-end de trois jours durant lequel beaucoup de citadins ont profité du pont pour fuir à la campagne, ou ignorent tout simplement que nous sommes ouverts.

De temps à autre, un client égaré passe dans la boutique, achète une cannette de thé glacé, voire un roman, un paquet de cartes magiques, sinon un jeu de rôles. Un couple italien préfère que nous communiquions en anglais, ce qui me dérouille un peu la langue. Le reste du temps, je veille, seul sur le pont, attendant qu'un chaland pousse la porte de mon échoppe. Hier, samedi, nous avions du monde, submergeant par vagues mon cerveau saturé par l'absence de repos ces derniers jours. Je surnage comme je peux.

Depuis hier, et jusqu'à demain matin sans doute, Joe Gold est mon hôte, en visite depuis sa Suisse natale, avant de partir une semaine à New York. Je lui fais découvrir Lyon, ville qu'il arpente pour la première fois, et n'étaient mes horaires de travail étirables à merci, je l'accompagnerais dans ses randonnées urbaines. Le matelas d'appoint pour amis de passage a bien servi. Avis aux amateurs.

J'en suis au cinquième thé depuis ce matin, et j'enchaîne les mugs de stupéfiants gazeux, dont j'ai fait la découverte il y a quelques semaines, que nous vendons à la boutique, et dont je tends à abuser. Je tente aussi vaguement de m'absorber dans la lecture de John M. Ford, que je n'ai malheureusement pas encore pu achever, malgré mon désir d'en finir. The Princes of the Air.

Nous sommes dans un avenir imprécis, la Reine de l'humanité domine les quinze mondes connus, colonisés. Orden Obeck est un orphelin, qui s'est endetté pour faire des études, seul moyen d'échapper à sa condition. Avec deux amis, issus du même creuset mais ayant refusé tout compromis, il entreprend de se tailler une place au soleil, qui par la voie diplomatique, qui par le mercenariat. D'aventures en déconvenues, les trois jeunes gens prennent la pleine mesure de leur place dans l'univers.

Depuis bientôt trois mois que j'ai quitté la Chine, je n'ai guère rendu compte de mes lectures, et c'est dommage, car elles ont été nombreuses, et j'aurais beaucoup à en dire. Je le ferai sans doute un de ces jours. Hop, sous le tapis. Ménage rapide, succès garanti, lendemains qui chantent, s'abstenir.

Walter Jon Williams a publié un nouveau roman, il s'agit de This is not a Game, dans la lignée de la nouvelle trilogie de William Gibson, des romans cyberpunk dans l'esprit, sinon dans la forme: futur immédiat, avancées technologiques actuelles, société nullement différente de ce que nous connaissons, le monde réel comme toile de fond. Veille médiatique, enjeux internationaux. Ici, la bourse et les jeux vidéo. Chez Gibson, la publicité et les tendances en marketing urbain.

Egalement présent sur les rayons de toutes les bonnes librairies, Avaleur de Mondes, traduction française de Implied Spaces, le précédent roman du même Walter Jon Williams. J'ai peut-être omis de le préciser, mais WJW est un auteur que j'apprécie énormément. Ces deux romans sont très bien. J'ai aussi mis la main, après des années de recherche plus ou moins active, au juste prix, sur The Rift, également de Walter Jon Williams; je le lirai bientôt.

Je n'ai toujours pas d'accès internet chez moi, et je n'en aurai pas, pour économiser des bouts de chandelle et préserver un environnement dépourvu de toute exposition médiatique: ni télévision, ni radio, ni journaux. Aucune ouverture sur le monde extérieur, sinon par la musique et les livres. Je redécouvre par anticipation Nicolas Bouvier, et Jack Kerouac, le moment me semble bien choisi pour m'y replonger.

En juillet, j'irai passer quinze jours au Japon, après quatorze ans d'absence, pour le mariage de Piotr, avec d'autres amis, mais pas le Sultan, qui ne pourra pas faire le déplacement depuis la Chine. Un peu Tôkyô, un peu la campagne, quelques jours de trekking dans un parc naturel de Hokkaïdô, au programme. Et une reprise de contact avec l'idiome local, effroyablement rouillé, depuis des années que je n'y recours plus.

Les moustiques ont refait leur apparition dans mon environnement, et après en avoir pris trois au dépourvu, les tuant avant qu'ils ne me ponctionnent, le quatrième a prélevé son écot de sang, me laissant en échange un cocktail d'anti-cicatrisants et de démangeaisons.

Hier, je me suis coupé en faisant tomber des boîtes de cartes magiques, empilées selon une logique précaire dont je suis seul responsable. Je me suis entaillé le poignet. Je ne souffre pas, car je suis un homme, et j'ai longuement regardé Rocky quand j'étais petit. Je n'ai pas désinfecté la plaie, et je m'attends à ce que ma main pourrisse et se détache du reste de mon corps. Nécro-animée, elle ira se réfugier sous l'une ou l'autre de mes bibliothèques croulant sous le poids des livres là entassés.

Catherine Dufour, Le Goût de l'Immortalité, un roman que j'ai lu récemment. Des moustiques, des zombies, de l'amertume et un avenir sombre. Quelques maladresses, des partis-pris qui m'ont fait tiquer, des quiproquos qui me hérissent le poil, mais malgré tout, une intrigue bien menée, des thématiques agréables à démêler, un auteur tête-à-claques dans sa postface, mais si on supprimait le protagoniste principal, le roman serait bon. A suivre.

Thomas Day. Un auteur français là encore. Plusieurs courts romans lus ces derniers temps. La Voie du Sabre et L'Homme qui voulait tuer l'empereur, un diptyque situé dans un Japon alternatif, avec des dragons. Miyamoto Musashi, une encre rendant immortel au prix d'une déshumanisation (à la God-Emperor of Dune), une histoire de vengeance. Du pulp rondement mené. Du même auteur, This is not America, recueil de trois nouvelles uchroniques, et L'automate de Nuremberg, à mi-chemin de Frankenstein et autre chose (voilà qui est précis). Pour le moment, j'aime bien ce que fait cet auteur.

The Name of the Wind, de Patrick Rothfuss. Premier roman prometteur, de fantasy à rallonge, par un auteur que nous avons failli avoir en dédicace à la boutique, mais qui finalement n'y passera pas. Deux récits emboîtés l'un dans l'autre, autobiographie d'un dégonfleur de mythe.

Et beaucoup d'autres lectures, mais pour le moment, je n'entrerai pas dans les détails. J'ai dressé une liste quelque part. Ce soir, j'entamerai autre chose, je ne sais pas encore quoi. Les choix sont nombreux. Je dois m'efforcer de réduire mes achats en livres, mais je crains forts de n'y parvenir qu'au prix de mon humanité.