mardi 7 septembre 2010

Virtuellement insatiable

Mardi sept septembre deux mille dix. Une heure dix du matin suivant. Encore une journée à grosso modo quinze heures de boulot. Nous sommes sur la base d'une semaine de cent cinq heures en sept jours. Heureusement, je tente de me ménager des plages de repos, en accord avec la coordination interne à l'équipe et mes impératifs biologiques (sommeil, faim, fatigue). Hier, j'ai pu me reposer, et cette semaine, je ne travaillerai que jusqu'à vendredi après-midi. Le week-end sera sur Paris.

Ce dimanche, je me suis lu le nouveau roman de Michel Houellebecq, qui sortira demain en librairie. C'était sans doute un de ses meilleurs. Je suis assez fan de l'écriture de Houellebecq, convaincu par son cynisme, modérément affecté par certaines de ses thématiques. Ce roman-ci renoue avec les racines des deux premiers romans, qui étaient les meilleurs, loin de la provocation consensuelle de "Plateforme" (le tourisme sexuel en Thaïlande) et "La Possibilité d'une Ile" (l'univers des sectes). Il est ici question d'art contemporain. Bon.

Beaucoup de name-dropping, à la Brett Easton Ellis, Houellebecq intervient comme un des personnages (à la Brett Easton Ellis), il meurt même au milieu, et le protagoniste doit enquêter pour découvrir le meurtrier. Des clins d'œil aux copains (Begbeider), des piques à diverses personnalités, que mon désintérêt flagrant pour l'actualité et le monde des célébrités m'empêche parfois de percevoir. Une anticipation plus fine, plus policée qu'à la fin des "Particules Elémentaires", qui virait au grand-guignolesque post-humain (un peu comme "Babylon Babies", du moins talentueux Maurice G. Dantec).

Hier, j'ai regardé la première saison d'une série britannique, "The IT Crowd", et un film, "Juno", en alternance avec la lecture de "Makers", l'avant-dernier roman de Cory Doctorow, dont j'avais lu "Down and Out in the Magic Kingdom" l'automne dernier en Chine, "Little Brother" l'hiver d'avant en Chine, et dont j'ai entamé le dernier roman en date, dont le nom m'échappe, mais que je reprendrai à l'occasion. Ce qui démarque cette lecture des précédentes, c'est qu'il s'agit du premier roman de l'auteur que je lis autrement que sur ordinateur, en version électronique officiellement libre et gratuite, mise en ligne par l'écrivain lui-même. J'ai cette fois-ci affaire à un ouvrage de colle et de papier, et l'expérience en est subtilement différente. J'ai davantage l'impression d'avoir en face de moi un individu et l'expression de sa personne artistique, qui subitement m'évoque Douglas Coupland.

Programme de la soirée: achever cette note, fermer mon commerce, rentrer sous la pluie (il pleut sans discontinuer depuis ce matin), passer quelques heures allongé sur le matelas, à lire ou à dormir si la chaleur me le permet (car la pluie m'empêchera d'ouvrir les fenêtres), ou dans l'étreinte confortable de ma bonne amie. Demain matin, me lever tôt, revenir bosser, en attendant que vienne l'opportunité de dormir suffisamment.

jeudi 2 septembre 2010

N'est pas d'Or, ce qui à Jamais Mord

Jeudi deux septembre deux mille dix, vingt-et-une heures cinquante-cinq. Tirez sur la nappe, hop, magie, les assiettes, les verres, les plats, voire les convives, tout vole en l'air, et parfois la vie, c'est pareil. Ou le tapis roulant s'emballe, les choses s'accélèrent, on ne trouve plus le temps de rien, ni de se poser, ni de repartir, ni d'avancer, ni de reculer pour mieux sauter. Et puis des fois, on prend quand même le temps de dire. Ou on ne le prend pas.

Ces derniers mois, le besoin de dire était moins pressant, la vie plus présente de l'autre côté du réel, celui qui n'est pas cathodique, l'autre versant du vécu, celui qui se contente d'engranger du passif au compteur des jours morts. Qui sont des jours vécus, au lieu de jours à vivre, ils alourdissent la charge pleine. La vie est belle, mais les nuits sont courtes, et les jours sont pleins. Les pauses sont rares, et la nécessité de confier à un bout d'écran, à un morceau de clavier et quelques lecteurs épars, les dérives du quotidien, est d'autant moins pressante que le reste du vécu bouleverse un peu le mobilier, bouscule les meubles et fait passer par dessus bord les circonstances superfétatoires. Parce que c'est un mot qu'il fait bon placer.

Que dire sur ces derniers mois? Je ne sais plus, au juste, où j'en étais avant que le magicien de salon, un peu bourré, ne prenne la nappe à deux mains pour tout envoyer valdinguer. Il y eut un printemps, il y eut un été, troisième saison. Le vingt-trois mai, un déjeuner sur l'herbe m'a comblé. Un voyage en Allemagne pour un mariage de cousine, un crochet par Paris pour voir famille-amis (à Miami), un petit bout de route collectif à Poitiers pour un championnat de France d'un jeu de cartes évolutif (et tondu), où j'ai fini vingt-quatrième sans être le serviteur de personne, un gros morceau d'été au milieu.

Avais-je mentionné le mariage de mon frère? Il s'est marié en avril. Une chose en amenant une autre, le premier de mes neveux est né en août, il y a un mois jour pour jour. Je suis donc triplement avunculaire, et je m'en porte bien. Les deux nièces, en amont, ont sept ans et deux ans, respectivement, sachant lire et marcher, parler, que sais-je encore. Le neveu se porte bien, la terreur des biberons parcourt le monde. Il est parmi nous (le chaton).

Une petite virée en Bretagne, toujours chez Piotr et sa nombreuse descendance, avec un bout d'île d'Houat au bout de la route. C'est un îlot sablonneux au milieu du golfe du Morbihan, avec des gens dessus, du bonheur et des nuits trop courtes. Quatre jours sous la tente, dont deux sur l'île, un dans un lit et le troisième dans la voiture, douze heures aller, douze heures retour, un grand merci à la conductrice, qui se reconnaîtra. Et que j'apprends à connaître, avec beaucoup de contentement.

Mon commerce a déménagé, l'avais-je mentionné? Il s'est translaté de quelques mètres, dans un local deux fois plus grand, avec plus de place, plus de visibilité, des rayons beaux comme au premier jour, des vitrines grandes et éclairées, des clients nombreux et satisfaits, des ventes satisfaisantes et des journées de plus en plus pleines. En ce moment, je bosse en moyenne quinze heures par jour (parfois plus, et rarement moins), les semaines font entre six et treize jours, et la saison touche à sa fin, vivement l'hiver, qu'on souffle un peu. J'aime bien l'été, mais je le préfère ayant été qu'étant l'été. Le problème du sud, c'est qu'il y fait chaud.

Ai-je tout mentionné? Pour l'essentiel, et sans m'étendre, j'ai dû couvrir l'essentiel de mon quotidien. Les lectures ont été nombreuses, je ne saurais en rendre compte, intégralement, en un laps si court. Je n'ai pas tout noté. Lu ce dimanche, le tout dernier roman de Sir Terry Pratchett, "I Shall Wear Midnight", trente-huitième du Discworld, avec des vrais morceaux de Wee Free Men dedans. Pourvu que ça dure. En chantier, "Canticle", qui fait suite à "Lamentation", de Ken Scholes, de la bonne fantasy; "Smiley's People", un Le Carré d'il y a trente ans; "Le Maître des Illusionnistes", qui est allemand et amusant. Et d'autres trucs, qui me tiennent occupé entre le retour nocturne et le sommeil immédiat.

Programme de la soirée: bosser encore une heure ou deux, j'ai du stock à gérer, des commandes à passer, du temps à tuer sur la toile et un retour à pied à opérer (heureusement que je ne suis pas chirurgien). Quand je serai rentré, nuitamment, en mon studio de banlieue, je procéderai aux ablutions, je mangerai une ou deux saucisses et je me brosserai les dents. Je lirai une ou deux pages dans le contre-jour poussiéreux de mon pied-à-terre au quatrième étage, sous le regard blafard des pigeons lunaires, et quand la nuit sera totale, je dormirai un peu, recroquevillé sur ma paillasse en mal de lessive, à attendre le lever du jour et le début d'une nouvelle ronde des chansons.