lundi 21 décembre 2009

La Symphonie du Siphon Nu

Lundi vingt-et-un décembre deux mille neuf. Vingt-et-une heures vingt-huit. La nuit la plus longue de l'année bat son plein depuis quelques heures. Ou la seconde. L'hiver a officiellement commencé aujourd'hui, quand bien même la température, après une agréable semaine à moins deux, moins cinq, avec chutes de neige et plaques de verglas, a décidé de remonter la pente et de flirter avec la ligne des dix degrés Celsius au-dessus de zéro. C'est dommage; je préférais le froid.

Le froid, quand bien même il fendait pierre, n'avait pas encore atteint des profondeurs telles que je dusse enclencher mon chauffage électrique. Je reste pour le moment tributaire des natures douillettes de mes voisins, qui se sont chauffés tant et plus, me permettant d'omettre toute modification dans la température interne de mon intérieur. Une bonne isolation, et des voisins de tous les côtés, qui chauffent l'immeuble pour moi.

Du sommeil en retard. Des lectures. "Kushiel's Dart", de Jacqueline Carey."The Couch", de Robert Bloch (le monsieur des violons qui grincent sous la douche dans le "Psycho" adapté par Hitchcock). "Ride the Nightmare", un vieux Matheson. "The State of the Art", de Iain M. Banks, un recueil de nouvelles qui parlent notamment de la Culture. Inédit en version française? Il me semble. "The Stone of Tears", second volet des aventures de Richard Cypher, dans le cycle The Sword of Truth", de Terry Goodkind. Et j'en oublie.

Programme de la soirée: tenir le tournoi magique du lundi soir. Manger un truc chaud. Lire du Bloch, puis entamer l'anthologie "Retour sur l'horizon", dirigée par Serge Lehmann. Avec un seul ou deux n? Plus d'autres bricoles qui bricolisent le fond de mes abris-bus.

jeudi 3 décembre 2009

Un Tramway Nommé Darwin

Jeudi trois décembre deux mille neuf. Onze heures quarante-huit du matin. De nouveau seul à la boutique. Mon frère profite de ma présence pour matiner gras, et il a bien raison; je n'hésite pas à en faire autant lorsque le besoin s'en fait ressentir. Déjà un fournisseur de passé, avec de la quasi-nouveauté et du réassort plateau long overdue. Le nouveau jeu de plateau Tomb Raider Underworld, avec sa figurine exclusive Lara Croft. Le tout livré par le livreur avec lequel nous n'aimons pas travailler, quand il fait mal son boulot, ce qui n'était pas le cas cette fois-ci, heureusement.

Depuis le début de la semaine, je repousse ma lessive. Je devrais trouver le temps d'y consacrer une heure ou deux, descendre dans la rue, mon vieux sac à dos à l'épaule, celui qui me servait à camper dans les années quatre-vingts, à l'époque où, tout minot, je m'adonnais au scoutisme dans les forêts d'Auvergne, empli de chaussettes sales et de chemises froissées, sans parler de mon pantalon sur lequel les traces de vomis de mardi dernier devraient persister par-delà le mur du savon, regarder tourner le téléviseur monorail de la vacuité, tout en emplissant mes orbites lasses du fil sans cesse interrompu du roman en cours.

Bref, j'ai la flemme de sortir faire ma lessive, et c'est dommage, puisqu'indispensable, et largement urgent. J'ai encore des solutions de repli pour continuer de mettre des vêtements propres. Mais elles s'amenuisent à mesure que le temps passe. Je ferai ça dimanche, au train où vont les choses. Et je dois encore m'alimenter en courses de petit-déjeuner. On verra ça demain, si je suis motivé pour sortir avant de ressortir. Car la sortie est économisable à merci.

En cours de lecture depuis lundi, "The Glass Hammer", de K.W. Jeter, l'autre inventeur du steampunk, voire du cyberpunk si son premier roman avait été publié douze ans plus tôt, quand il l'écrivit. Mais on ne refait pas l'histoire de l'édition, tout juste peut-on jeter la pierre et replacer les choses dans leurs contextes. Je pense que Gibson demeure un plus fin syliste, mais Jeter a l'avantage de la diversité dans les thématiques. Et la solution de repli d'écrire des romans sous licence commerciale (les suites de Blade Runner, c'était lui). Second roman seulement de l'auteur que je lis, celui-ci est un peu difficile d'accès; travailler quinze heures par jour n'arrange rien.

Il fait trop chaud. Les Lyonnais pensent le contraire, mais ils ont tort. Le mercure affiche sept degrés celsius, et il pleut, mais j'aimerais voir la fraîcheur devenir totale, le givre gagner les vitres, mourir les sans-abri et tomber la neige. Blanchir les rues. Me faire me recroqueviller sous mon sac de couchage, dans mon studio sans chauffage, avec chauffage que je me refuse à brancher tant que le froid ne se sera pas fait envahissant. Il y a deux ans sur Orléans, j'avais vaguement frais, mais il a fallu qu'une amie m'appelle et me signale qu'il faisait moins dix, pour que je me dise que brancher le radiateur électrique pouvait s'avérer utile.

L'an dernier en Chine, il faisait froid, enfin frais, mais je n'avais pas le choix, les logements n'étant pas équipés de radiateurs, hormis la climatisation, que même au plus fort de la fournaise estivale, je n'ai pas daigné enclencher. Il me plaît de prétendre être insensible aux frimas. Comme la grippe et la crise financière, je ne suis pas vraiment concerné, puisque je n'ai pas la télévision. Le vecteur de diffusion du désespoir socialement généré ne passe pas par moi, je demeure invulnérable et solitaire, juché sur mon promontoire, face au vent du large, les embruns venant fouetter le front que mes mèches rebelles et romantiques dénudent par intermittence.

L'an prochain à la même date, j'aurai une fois encore changé de continent, je gravirai à pied quelque contrefort de la Cordillère, quelque part entre le Machu Picchu en cours d'effondrement et la Tierra del Fuego, de débâcle en dérive, car il faut bien, parfois, porter ses pas où le vent souffle en rafale. Je n'ai pas encore renoncé à ma globitrottance.

Dehors, il pleut. Mon commerce sent le renfermé, mais je rechigne à ouvrir la porte, tant les bruits de la rue m'insupportent. Bien m'en a pris, un connard, un de plus, ayant décidé de convertir le trottoir devant ma boutique en parking de quartier. Je hais décidément les automobiles et leurs sectataires, ces humanoïdes dépourvus d'intérêt qui compromettent leur statut d'êtres de pulpe pour s'abrutir au volant de cercueils roulants. Seul le métal les sauve, dont sont faits leur corbillards.

Les journées sont trop courtes, l'air trop tiédasse, les gens trop humains. Je dois être un peu misanthrope sur les bords. Je ne suis plus passé par la presse de la gare quotidiennement traversée, quand je me rends au travail à pied. Ces jours-ci, je privilégie la bicyclette. Nouveauté pour Noël, nous fermerons trois jours, les badauds se faisant rares, le jour férié tombant cette année un vendredi, gageons que la plupart des clients putatifs partiront trois jours d'affilée.

Heads up, haut les cœurs. Repartons de plus belle vers un avenir radieux. Comme la bière du même nom. Dans mon colimateur, divers romans policiers des années soixante-dix, une ou deux productions françaises récentes en matière de fantasy, plus quelques livres qui seront nécessairement meilleurs, mais que je n'ai pas le réflexe d'entamer, puisqu'ils sont dissimulés, sur mes étagères, par la densité de peuplement. Il faut que je pense à me racheter des bibliothèques, quelque part en deux mille dix, si je parviens à conserver mes sous. Ce qui n'est pas gagné. Ah là là, non. Que nenni.

Programme de la journée: tenir mon commerce, en attendant que le frérot daigne quitter sa trance extatique. Me procurer des sandwiches, ou des nouilles lyophilisées, pour améliorer mon ordinaire. A moins de me fendre des quelques euros nécessaires à l'acquisition d'un bobun. Projet à l'étude. Râler contre les gens, la météo, les pigeons. Et ne me faites pas démarrer sur la cigarette, je suis plein d'une haine tenace envers les sicaires de la grande chamelle. Lire un peu, si les clients ne se bousculent pas au portillon. Me tenir informé des nouveautés en matière d'imaginaire. Sentir le renfermé. Saluer, rendre la monnaie, ne pas avoir vu tomber la nuit. Orner le ciel nocturne lyonnais d'une lune écarlate, barrée d'un troll prognathe aux avant-bras velus.