mardi 7 décembre 2010

Flottaison

Mardi huit décembre deux mille dix. Minuit trente-huit du soir. Oui, je sais. Ca fait longtemps que je n'avais rien dit. Rien à voir avec le vécu, juste un peu moins de disponibilité, un peu plus de bonheur au quotidien, un peu moins le réflexe de palucher le clavier pour étaler ma confiture. Je vis des journées qui se ressemblent, qui sont longues et laborieuses dans un environnement qui me plait, je passe des nuits courtes, généralement pas seul, à lire, dormir un peu, plus car affinité, en décalé quand nos insomnies se croisent sans se téléscoper, elle plus du soir, moi davantage du matin, je vis des instants interstitiels qui se valent d'un jour sur l'autre, mais je m'épanouis, un peu comme les fleurs qu'on voit parfois pousser sur le bitume, pas vraiment des chardons, plutôt des trucs un peu colorés, un peu pâlots, sans forme ni structure, mais ça fleurit un temps. Cette phrase est trop longue.

Aujourd'hui, j'ai vendu du rêve. Des chevaliers Jedi dans des tubes en carton, des querelles médiévales en deux dimensions, des fragments de récit flanqués entre deux couvertures. Du jeu à l'état pur, du concentré onirique pour les longues nuits d'hiver. J'ai parlé à des gens, écouté leurs bruissements dans mon arrière-salle, bu du jus de fruits, mangé un sandwich dont je ne retiendrai que les cornichons, lu quelques pages, entre deux clients, du livre que je suis en train de ne pas dévorer par manque de temps ("House of Chains", de Steven Erikson, quatrième tome du Malazan Book of the Fallen, comme la Compagnie Noire, en mieux, et en plus long). J'ai ouvert des colis, inventorié des marchandises, converti du papier en électrons moqueurs tapis au détour de la Toile. J'ai rempli mon office.

Mes parents sont à Lyon. Ils sont venus pour les Lumières. Si j'ai le temps, je les accompagnerai, demain soir, dans les rues, sauf s'il y a trop de gens. Je n'aime toujours pas les foules. Ce soir, j'ai dîné en famille, dans une cantine vietnamienne du quartier, trop vite et trop abondamment. J'ai bu un café, du concentré de sucre et de taurine, du jus noir qui fait des bulles. Je n'ai pas sommeil.

Hier, j'étais de repos. J'ai lu, matiné gras. Déplacé deux ou trois mille bouquins qui traînaient sur des étagères, histoire de pousser lesdites bibliothèques pour faire de la place contre un des murs, histoire d'y caler la dernière acquise. Mon amie l'a montée pendant que je faisais ma gym avec les livres. J'ai passé un peu moins de trois heures à manipuler les ouvrages, dans la poussière, la plupart des temps alternant entre flexions et pas chassés. Ca fait du sport. Le soir, un jeu de rôle dans l'espace, un retour au bercail un peu trop tard. Une nuit courte.

Il ne fait plus froid. La semaine dernière, vingt centimètres de neige. J'ai joué aux cartes en Westeros. Il a plu. La neige a fondu. J'ai lu le troisième tome du Malazan Book of the Fallen. La semaine dernière, j'étais à Paris. J'y ai acheté des livres. Je me suis interdit de librairie jusqu'en deux mille onze. Je dois payer mes impôts locaux. Reprise des séances de badminton la semaine prochaine. J'ai refait du vélo. Il repleut.

Ce soir. Je ne vais pas tarder à décrocher, quitter mon lieu de travail. J'en ai gardé un peu pour demain. Il est minuit cinquante-et-une. Je vais dormir entre quatre et six heures. Il me reste cinq cents pages pour finir mon livre. Je le lis. Je ne l'écris pas. Ni le temps, ni trop l'envie. Toujours à la recherche d'une histoire. Les gens heureux, tout ça. En route. La nuit m'attend, avec un peu de chance, il ne pleuvra plus, et je pourrai lire quarante minutes, le temps que mes pas me ramènent à mon domicile.