jeudi 30 avril 2009

Vivisection dans les Alpages

Jeudi trente avril deux mille neuf. Vingt-deux heures cinquante-huit du matin (heure chinoise sans conséquence sur le propos présent). Oui, je sais. Aucune mise à jour depuis un bon mois, je ne suis certes pas un exposant intime exemplaire. Il faut dire, pour ma défense et la gouverne de l'éventuel lecteur égaré en ces lieux, que je ne dispose toujours pas (et c'est parti pour durer; pourquoi? je l'exposerai plus bas, si j'y pense) d'une connexion internet à domicile, et que celle que je m'arroge le droit de squatter au boulot (en ce moment, par exemple) me sert surtout à bosser. Et que je bosse, mine de rien, somme toute, une quotité décente.

Hier, par exemple, j'ai passé seize heures consécutives sur mon lieu de travail, depuis neuf heures et demi du matin (j'étais venu plus tôt que d'habitude afin d'ouvrir une heure avant l'horaire habituel, en raison d'un livreur ne pouvant faire le déplacement plus tard), jusque vers une heure et demi du matin, heure à laquelle je suis reparti, à pied, sous la pluie, me farcir les quatre kilomètres me séparant de mon domicile. En chemin, j'ai croisé un grand noir musclé, coiffé d'un béret militaire, passablement éméché, plutôt bougon voire agressif, qui a tenu à me serrer la main, aurait pu me casser le pouce, qu'il a longuement conservé dans sa pogne, avant de finir par le relâcher. J'en suis sorti indemne, de cette rencontre, et pas plus traumatisé que ça. Je tiens à mes pouces.

Mon pouce droit, je me le suis coupé, hier matin, en faisant la vaisselle, dans mon évier, du couteau qui m'avait servi à étaler le camembert sur la tranche de saumon dont j'avais décidé d'orner mon second sandwich prévisionnel pour le midi étirable du même jour (en gros, je prends mon petit déjeuner vers neuf heures trente, je mangerai mon premier sandwich vers midi ou quatorze heures, selon l'affluence, le second vers dix-sept ou dix-huit heures, toujours selon l'affluence, et le troisième s'il y a lieu, en soirée, pour peu que je sois amené à rester au-delà de vingt heures, heure de fermeture, sur mon lieu de travail, par exemple si mon frère doit passer sa soirée en couple, bonne poire, célibataire et fatigué, je lui laisse le champ libre et je me farcis des journées pas possibles, ou alors, je garde le troisième sandwich, celui avec du jambon, pour le midi suivant, comme ça ça m'évite d'avoir à sortir le matin avant de prendre mon petit-déjeuner acheter du pain, d'ailleurs tiens, celui-ci je vais le garder pour demain soir, comme ça je n'aurai pas à chercher une boulangerie ouverte un premier mai). Cette coupure, heureusement peu profonde, m'ennuie tout de même un peu.

Les horaires de travail, au final, ne me dérangent pas plus que ça, au contraire, je suis même plutôt content d'avoir quelque chose à faire pour m'occuper. Ca me structure le réel, et me permet de mieux profiter du reste de mon temps, mon temps libre. Et puis, autant l'avouer, je fais un métier qui me plaît, me met en contact avec des personnes que j'apprécie souvent et dont je partage la passion, je fais des semaines de soixante ou quatre-vingts heures, mais j'en ressors moins fatigué qu'à l'époque, déjà lointaine et pourtant si proche encore (selon l'angle du vecteur d'épaississement subjectif), où j'enseignais huit heures par jour, en mon lycée d'Orléans, mais où je ne vivais pas forcément bien le reste de ma vie. Je dors bien, je mange mal mais de bon cœur, je lis autant que mon travail m'en laisse le temps, et n'étaient certains détails que j'oublie aussi vite, je nagerais au quotidien dans un bonheur total.

Depuis hier, je tente de lire The Princes of the Air, un roman de John M. Ford, le fabuleux auteur de The Dragon Waiting, Growing Up Weightless, Web of Angels, entre autres. Je viens aussi de me remettre au suédois, pour des raisons mal expliquées. Entre temps, ils est minuit une, j'ai encore vingt bonnes minutes de boulot, et quarante minutes de marche pour rejoindre ma demeure, aussi me permettrai-je de reprendre plus tard le fil de mes jours. Suite au prochain épisode.