samedi 24 octobre 2009

Pourquoi les Gens Méchants ont-ils toujours de Grandes Dents?

Samedi vingt-quatre octobre deux mille neuf. Vingt heures quarante. Je suis en vacances. Officiellement. Dans la pratique, je vais encore rester un peu ce soir à bosser, pour avancer les rangements dans ma librairie, et demain, j'y repasserai sans doute, toujours dans le but d'aider à préparer le terrain pour mes remplaçants. Car je m'en vais. Lundi. Je pars en voyage, quinze jours, en Chine.

Avant-hier, j'ai eu trente-deux ans. Aujourd'hui, je les ai toujours. Mais je m'achemine vers les trente-trois. Un tiers de ma vie, donc. Soyons optimiste. Un tiers de siècle. Mettons un quart de ma vie.

Hier soir, dîner au restaurant libanais en bas de la rue, pour fêter mon anniversaire, et le futur de ma belle-sœur (la semaine prochaine). Mon grand-père en aura quatre-vingt-six mardi. Le temps passe. Le restau était bon.

Je viens d'achever ma treizième journée de travail de la semaine. Je suis passablement usé. Treize jours de travail d'affilée. Ca ne m'était plus arrivé depuis au moins deux semaines. Lundi, je prends l'avion à Saint-Exupéry. Escale à Londres, puis quinze heures jusqu'à Pékin. J'ai hâte d'y être (dans l'avion; à Pékin, aussi). Dans tous les cas, ça me fera des vacances, avant d'attaquer la longue côte menant vers noël, période généralement faste pour les commerces comme le nôtre.

Programme de la soirée: finir mon sandwich au saumon. Ranger un peu la boutique. Si j'ai le temps ou l'envie, jouer à quelque chose, dans la limite des stocks disponibles. Rentrer relativement tôt, dormir si mes voisins m'en laissent le loisir. Je suis en train de lire "Moon Called", de Patricia Briggs. Je le finirai sans doute dans la nuit.

Programme de demain: dormir tard le matin. Faire une lessive, que je sèche-lingerai dans la foulée. Lire. Déjeuner à la cafétéria près de la gare. Me renseigner sur les horaires de la navette pour l'aéroport. Passer à la boutique. Jouer. Ranger un peu. Confier mes clefs au gardien des clefs. Résoudre ses énigmes. Plonger au bas de la tour, nager, remonter les clefs. Le soir, rentrer tôt.

Programme de lundi: me lever trop tôt. Faire ma valise en catastrophe, au dernier moment, en priant pour que mon linge soit sec. Vérifier l'horaire de mon avion. Marcher jusqu'à la gare, prendre la navette, arriver à l'aéroport, monter dans l'avion, faire des choses mystiques avec l'espace et le temps, arriver à Pékin le lendemain. On verra pour la suite.

mardi 20 octobre 2009

Schématisation des Identités Remarquables

Mardi vingt octobre deux mille neuf. Vingt-et-une heures. Pile. Dans deux jours, j'aurai trente-deux ans. Dans six jours, je m'envolerai pour Pékin. Les deux propositions n'ont pas nécessairement de rapport, mais j'en serai. Des deux. Les trente-deux ans, et les quinze jours en Chine pour fêter la fin de l'automne. Ou le début de l'hiver, c'est selon.

Encore une grosse journée au magasin. J'ai laissé dormir mon frère. J'ai trouvé qu'il faisait trop chaud. Ce soir, j'ai un peu mal au crâne, et sans doute un peu de fièvre qui descend. Je voulais acheter des romans de Robert B. Parker, au lieu de quoi, je me retrouve avec plusieurs volumes des aventures d'un privé nommé Parker. Depuis ce matin, je suis sur "Votre mort nous appartient", d'Antoine Lencou. De la SF assez convenue, société future, un brin totalitaire, où l'humain est entièrement pris en charge par les machines. Pour faire son bonheur malgré lui. Le protagoniste veut se suicider, mais pour cela, il doit triompher d'un labyrinthe administratif kafkaïen. Dans l'intervalle, il s'occupe.

Le dernier roman de Nick Hornby était très, très bon. Aucune fausse note. Je n'en traiterai pas davantage ici, mais je le recommande chaudement. Encore que j'aie préféré "High Fidelity". "Slam" m'a moins convaincu, il est du niveau d'"About a Boy". Hmm. J'en oublie un. "A Long Way Down". Standard.

Programme de la soirée: rentrer chez moi, je pense, plutôt que de jouer aux vampires des Carpathes. J'ai mal au crâne, le froid me fera du bien. Ca serait dommage, de tomber malade à quatre jours des vacances. Je mangerais bien des rollmops, tiens. Sauf que j'ai déjà copieusement... dîné.

dimanche 18 octobre 2009

La Flottaison des Balises Blanches

Dimanche dix-huit octobre deux mille neuf. Dix-neuf heures quarante-quatre. Je viens de fermer ma boutique. Un dernier client, in extremis avant la sortie, a fait remonter mon chiffre de ventes. Je n'ai pas déjeuné, sinon de cacahuètes éhontément pillées dans le stock. Comme pour les livres, il faut bien que je me serve sur la bête, si je veux survivre. Je ne sais pas si je dînerai. Peut-être un second petit-déjeuner, vers minuit, pour équilibrer la journée.

Hier, je lisais un roman, policier, Série Noire, de Richard B. Parker, le dauphin de Chandler. "A Savage Place", dans la version française, "La Belle et les Ténèbres"; une obscure histoire d'enquête, par un privé, dans le Los Angeles de la fin des années septante. Mais j'ai peut-être déjà évoqué la chose.

"Juliet, Naked" est le dernier roman en date de Nick Hornby. J'aime beaucoup les romans de Nick Hornby, de fait, j'en raffole. Il n'en a, hélas, écrit que cinq ou six. Le premier d'entre eux, découvert via le film adapté d'icelui, "High Fidelity", restait, de mon avis, le meilleur. Celui-ci pourrait lui damer le pion. Ou, tout du moins, lui servir de pendant. Il présente, de fait, des similarités avec le précédent. La musique, et les relations de couple, surtout aux périodes charnières de la vie des individus le composant, demeurent les deux principales thématiques.

J'écoute Billie Holiday, qui se révèle une presque parfaite francophone. Qui l'eût cru? La journée se termine bien. Je m'apprête à jouer à un jeu de courses de robots. Dans huit jours, je m'envolerai pour Pékin. Comme dans un livre de Boris Vian.

La Symphonie des Coings en Gelée

Dimanche dix-huit octobre. Dix-neuf heures vingt-deux. Non, vingt-trois. Dans sept minutes, je fermerai mon commerce pour la journée. C'était, une fois de plus, moi qui m'y collais pour tenir la boutique cejourd'hui. Sur les sept dernières semaines, j'ai tenu la boutique cinq fois. Ou les neuf dernières semaines. Bref, une semaine sur deux. Je commence à tirer la langue.

La journée a été pénible. Peu de ventes, beaucoup de gamins importuns, dont certains nous ont apparemment dérobé deux boîtes en métal, exclusives, de cartes à jouer et à collectionner. Je n'ai, au final, pas eu le temps de lire mon livre. Je suis sur le dernier roman de Nick Hornby, "Juliet, Naked", commencé hier. Que dire de ce bouquin? Que des bonnes choses, mais j'ai la flemme. On verra demain.

jeudi 15 octobre 2009

Plus qu'Humain, mais moins qu'Humain, trop Humain

Jeudi quinze octobre deux mille neuf. Dix heures vingt du matin. Je suis, depuis une petite heure, sur mon lieu de travail, anticipant d'une bonne heure et demie l'heure d'ouverture dudit commerce. Je sais, je ne devrais pas, et si j'étais payé à l'heure, ça m'inquiéterait, heureusement, je fais ce que je veux de mon temps; l'avantage d'être travailleur indépendant. Je peux, si je veux, travailler quatre-vingts ou nonante heures la semaine, en étant payé moins que le salaire minimal, si je veux. Penser à remplir mon formulaire de demande d'aide au logement (qui traîne depuis mars).

Dans dix jours, je serai presque en Chine. D'après mes sources bien informées, il y fait encore bon, mes sources bien informées se promènent en t-shirt. J'irai squatter leur canapé. Ici, il fait froid, enfin, frais, pas vraiment froid. Le thermomètre près de la gare, ce matin, affichait quatre degrés centigrades, et mes mains confirment, elles rougissaient, gonflaient et s'engourdissaient, crispées sur le guidon du vélo, en attendant que je daigne les enfourner dans quelque cavité tiédasse, ou que je consente à parvenir à ma destination.

Compromis de saison, j'ai sorti l'écharpe du placard. Elle ne devrait plus guère me quitter d'ici au mois d'avril. Sauf s'il fait vraiment trop chaud en Chine, surtout en Chine du sud, où je prévois de m'échapper quelques jours, le temps d'un coucou au Sultan et à sa famille (le chien est mort, mais la cellule humaine prospère, youpla boum). Je n'ai pas encore sorti le pull, il ne fait même pas zéro. Mais, peut-être, demain les gants.

Je pianote inutilement sur ce clavier, en dépit du boulot qu'il me faudrait abattre, tel un tronc de séquoïa dans le grand nord canadien. Je dois notamment, d'ici onze heures, ouverture du magasin, avoir fait disparaître plusieurs mètres-cubes de livres empilés sur la table de déchargement, car les successeurs desdits livres attendent leur heure, quelque part entre le rideau métallique manifestant physiquement la fermeture du magasin, et les aléas des tournées de livraison des professionnels du déballage. Je les attends de pied ferme.

Programme de la journée: traîner sur le trône, en émerger régénéré, reprendre mes fonctions, activer mes servo-moteurs pour entonner une ode à l'escamotage de marchandises encombrantes. Ouvrir des cartons, suer sang et eaux, faire des pauses-café toutes les demi-heures, plonger sous terre, y aménager des canaux pour les rejetons infernaux du Styx et du Phlegeton, me gargariser des exploits avortés des cosmonautes défunts, bref. Tenir le gouvernail en attendant que le capitaine descende sur le pont.

Quelques lectures en vrac: "La Chambre des morts", un thriller de Franck Thilliez moyennement convaincant. Depuis cette nuit, "La Belle et les ténèbres", de Robert B. Parker, une série noire traduite par le polymorphe Michel Deutsch, avec des bouts de private eye dedans. Hollywood. Des belles pépés. Des dialogues au scalpel, des chapeaux mous et il est temps que je file. On m'attend dans une ruelle obscure, un katana à la main.

mardi 13 octobre 2009

La Lente et Délectable Agonie du Vitrier Maudit

Mardi treize octobre deux mille neuf. Quatorze heures zéro une. Business as usual. La journée bat son plein. Des arrivages, des livraisons, des clients de passage, des habitués en escale, la terraformation de la réserve se poursuit. La température semble avoir légèrement baissé. Par compromis, j'ai sortir le pantalon (et la chemise, mais je l'ai ôtée dès neuf heures quarante du matin, car il fait chaud). J'ai effectivement un peu trop chaud. Je verrai demain s'il est préférable que je remette le short, ou non. Il paraît que l'hiver arrive.

Un rhume a vaguement tenté de conquérir mes bronches. Je lui ai opposé un tel mépris qu'il est reparti, la queue entre les jambes, taquiner le cancer des poumons de ma voisine du dessous, tabagiste. Je la hais. Les feuilles rougeoient, rougissent et tombent. Dans treize jours, je serai dans l'avion pour Pékin. J'ai trouvé un canapé où dormir les premiers jours. Pour la suite, on verra, je pars à l'aventure. Je croiserai sûrement Vertige, le Sultan si je peux. S'il peut. Si les cieux bénissent notre rassemblement et sont propices à nos retrouvailles.

Depuis les petites heures de ce matin, je me lis "Car je suis légion", un roman babylonien de Xavier Mauméjean. C'est, pour le moment, très bien. Je n'avais, jusqu'ici, lu du monsieur qu'une nouvelle publiée dans l'anthologie ultra select des Moutons Electriques pour leurs cinq ans. Ce premier roman est une bonne surprise. J'avais un peu peur que ça tourne au roman historique, avec des trucs mystiques mal écrits, mais en fait c'est beaucoup moins bâclé que Thomas Day. "La Cité des Crânes" commençait très bien, la fin m'a plutôt déçu. Mais quatre-vingts pour cent du bouquin sont bons.

Depuis ce midi, je lis "The Brentford Triangle", de Robert Rankin, second roman de la Brentford Trilogy, qui en compte huit ou neuf, aux dernières nouvelles. Ca commence bien. Je suis aussi occupé à travailler d'arrache-pied, évidemment. Ne pas croire que je ne passe mes journées qu'à lire. De fait, je lis assez peu. Enfin, pas autant que je voudrais. Mais je me rattrape comme je peux.

Programme de la journée: continuer de tenir la boutique. Supporter les confidences des clients et habitués. Le soir, jouer à Dominion, ou éventuellement à un autre jeu. Ou rentrer chez moi, j'ai des lectures en retard.

vendredi 9 octobre 2009

Le Nœnœil de le Miaou

Vendredi neuf octobre deux mille neuf. Dix heures trente-deux du matin. Je suis au boulot depuis quelque chose comme quarante minutes. Une heure? Dans ces eaux-là. J'ai ouvert mon commerce plus d'une heure avant l'heure, pour réceptionner une cargaison de nourriture et de boissons, le livreur ne pouvant passer qu'avant dix heures et demie, car il doit filer sur Grenoble dans la foulée. Deux fois par mois, je puis me permettre de venir ouvrir plus tôt. Trop tôt?

Hier soir, j'ai quitté mon lieu de travail relativement tôt, vers vingt-trois heures dix, si je me souviens bien. Le temps que je dorme, il devait être une heure sept du matin (oui, je sais, c'est précis, c'est parce que quand je sens venir le sommeil, je me mets en position, je regarde l'heure, et je m'endors dans la minute). Debout vers sept heures cinquante du matin, une bonne demi-heure avant le réveil. Douche froide, petit-déjeuner standard (une tasse de thé, un pain au chocolat, un bol de muesli baignant dans le lait froid, un demi pamplemousse et un yaourt), un peu de lecture sur le trône ("Use of Weapons", de Iain M. Banks, commencé juste avant de sombrer hier soir). Je suis le roi du monde.

Aujourd'hui, il pleut. Comme hier. Avec un peu de chance, je n'aurai pas de champignons entre les orteils. Hier, mes chaussures, baskets chinoises déglinguées, avaient pris l'eau, et mes chaussettes n'étaient guère moins mouillées. J'ai changé le tout ce matin, optant pour mes tennis (chaussures de sport basses, contrairement aux baskets, qui me tiennent un peu la cheville), que je ne mets d'ordinaire que pour aller courir (activité à laquelle je ne me suis guère livré ces derniers mois, faute de temps, faute de piste d'entraînement à proximité de mon domicile, et puis, il faisait trop chaud, je n'aime pas la chaleur, il fait encore trop chaud, mais au moins il pleut). Quarante minutes de marche sous la pluie, passer récupérer mes clefs professionnelles, oubliées hier soir sur la caisse, à la pharmacie où officie ma belle-sœur, et le tour est joué.

Aujourd'hui, je ne suis presque pas en forme. J'ai tout de même digéré les dix plateaux de cannettes et les trente litres de thé glacé livrés ce matin par notre homme, et j'ai fait disparaître, dans la foulée, les cartons monsterpocalyptiques reçus hier. Je suis devenu un expert dans le recourbement de l'espace. Je me concentre très fort tous les matins pour être en mesure de faire la même chose avec le temps. Ca prendra sans doute un moment.

Programme de la journée: tenir seul la boutique quelques heures, en attendant que mon frère émerge, puis œuvrer de concert pour la bonne marche de l'économie. Lourde responsabilité. Le midi, manger un sandwich, le soir, dîner en famille dans un restaurant italien. J'espère qu'ils ne nous ennuieront pas parce que je suis en short, t-shirt et baskets: vue la température extérieure, je ne vais pas non plus me promener en smoking, surtout pour ouvrir des cartons. Etre fatigué. S'il me reste du temps, lire un peu.

jeudi 8 octobre 2009

La Dissolution des Tortues

Jeudi huit octobre deux mille neuf. Onze heures cinquante du matin. Il pleut. Ce matin, me rendant à pied sur mon lieu de travail, j'ai aperçu des tortues en gelée alimentaire, sucrée, gros amas de glucose chimiquement assemblés, occupées à se dissoudre sur le trottoir. Il y en avait plusieurs, différemment colorées, inégalement dissoutes, de ces teintes vives, artificielles comme une chanson de Richard Gotainer, que l'on trouve dans les paquets pas chers vendus par les boulangeries de mon enfance (et de la vôtre, aussi). Quand une tortue se dissout, elle ne mousse pas, mais se fond peu à peu à l'asphalte qui socle ses pas. Les tortues se montrent pour mourir.

Ce matin, donc, il pleut, et je me sens l'âme lyrique. J'écoute le Velvet Underground. Depuis une heure que j'ai ouvert ma boutique, personne n'en a franchi le seuil. Les clients sont timides. Ou alors, il pleut. Les livreurs sont sans doute ralentis par l'élément liquide. D'autant plus qu'il pleut averse, eh oui. Comme vache qui pisse des hallebardes, c'est vous dire. Mes chaussures en font floc. Ce sont des baskets chinoises, achetées là-bas en janvier dernier. Elles m'ont bien servi, elles ont fait leur temps, et attendent pour expirer que j'ai acquis leur successeurs, que je compte choisir lors de mon prochain voyage en Chine. C'est-à-dire, dans un peu moins de trois semaines.

Ce soir, mes parents seront sur Lyon. Ils m'apportent la dernière fournée d'affaires m'appartenant, laissées chez eux entre deux voyages à l'autre bout de la planète (la Chine, le Japon, voire, plus loin encore, Orléans, ou encore Lyon). Je n'ai pas encore eu le temps de balayer le sol, mais j'ai fait quelques rangements qui rendent les lieux plus présentables. Un peu. Ils vont tout de même gueuler.

Programme de la journée: ouvrir les douze cartons que trois livreurs viennent de m'apporter pendant que je m'occupais des quatre clients qui sont passés dans les dix minutes écoulées. La journée commence sur les chapeaux de roues. Et les parapluies de Cherbourg. Lire un peu entre les gouttes. "La Cité des Crânes" de Thomas Day, sans doute le meilleur de ses romans lus à ce jour.

dimanche 4 octobre 2009

Et Regardait Cahin-Caha

Dimanche quatre octobre deux mille neuf. Treize heures cinquante. J'entame ma quatre-vingt-septième heure de travail de la semaine, et je ne suis pas frais. Certaines journées ont duré plus de seize heures, avec une nouvelle sortie magique, un achat de portable pour remplacer celui qu'on nous a volé la semaine passée. Et beaucoup, beaucoup de gens. Qui sont sympa, qui achètent des marchandises et font de ma vie au quotidien un beau feuilleton, je ne m'ennuie pas, c'est le jour et la nuit rapport à mon ancien taff, mais il m'arrive de vouloir être seul, chez moi, à lire mes bouquins qui s'entassent plus vite que de raison, voire dormir, car j'en manque.

Hop. Première ellipse de ce message. Quatorze heures quarante-quatre. Le tournoi magique du jour est lancé. Le tournoi de figurines miniatures du monde de l'art de la guerre n'aura pas lieu, les joueurs de plateau s'en donnent à cœur joie. Déjà plusieurs passages. Le travail de la boutique n'est pas facilité par l'imprimante, qui a décidé, depuis avant-hier, de ne plus reconnaître l'ordinateur, ou l'inverse, bref impossible d'imprimer mes journées. Je garde ça dans un coin de l'ordinateur pour le moment. Dans l'intervalle, je vaux l'entrée.

La fatigue en devient psychotrope. Cette semaine, je n'ai eu le temps de rien faire. Sacrifier aux nécessités hygiéniques (douches régulières, brossage de dents deux fois par jour, nettoyage de mains dix fois par jour, non par névrose, mais parce qu'alterner maniement de cartons sales et manipulation de livres susceptibles de ne pas être achetables s'ils se voient maculer d'empreintes digitales, rend indispensable la fréquente aspersion des extrémités caudales de mes bras pesants, en fait je ne paranoïse pas sur la grippe, épidémie mortelle qui a déjà, je n'en doute pas, rasé des villes, désertifié des nations entières et répandu sur l'occident, tant réel que fantasmé, le spectre de la peste noire d'antan, en emporte le vent). Je n'ai pas la télé.

Le reste du temps, j'ai marché, une heure vingt par jour en moyenne, pour faire l'aller et le retour de mon domicile à la boutique, et vice-versa. Certains soirs, des bonnes volontés m'ont déposé au seuil de mon logis, grâce aux voitures qu'ils conduisaient, avec moi dedans. Un matin, Mirgwael m'est venu prendre en bas dudit logis, pour aller acquérir un nouvel ordinateur escamotable par la volonté du tout-puissant. J'ai donc marché, selon mes caculs, entre cinq et six heures, depuis lundi. Comme il fait chaud, trop chaud, je suis toujours en short et t-shirt, à toute heure du jour et de la nuit, j'ai lu. Un recueil de nouvelles de Michael Chabon, un recueil de nouvelles de Corrine Guitteaud ("La Vague") et un roman de Philippe Tessier dans l'univers du jeu Polaris.

Depuis vingt-quatre heures, je suis sur le tout nouveau roman de Terry Pratchett, "Unseen Academicals", qui se trouve être le trente-septième du Discworld, on y traite de balle-au-pied, les protagonistes sont surtout le personnel de l'université de magie d'Ankh-Morpork, et la principale référence extérieure semble être à Shakespeare (Romeo and Juliet, to boot). Histoire d'amour. La prose de Pratchett reste intacte, en bonne forme, de fait. La maladie ne semble pas l'avoir, pour le moment, trop diminué dans sa fabrication d'univers fictifs. Hourra. Je l'aurais déjà fini si je ne travaillais pas, le fait est que je bosse seize heures par jour, donc il m'en reste la moitié.

Le commerce fructifie. L'espace est restreint. D'ici un à deux ans, nous aurons sans doute quitté nos locaux actuels pour rechercher plus grand. Mais nous n'y sommes pas. Cela fait déjà sept mois que je travaille ici. Ca me plaît bien. Je vais continuer. Je dois faire ma lessive depuis le début de la semaine, et je n'ai toujours pas trouvé l'heure de rab qui me permettrait d'aller squatter la laverie, revenir chez moi, étendre le linge et repartir. Je comptais le faire ce matin, mais j'ai dormi un peu, lu un peu, fait des courses, pris une douche avec shampooing, et déjà le temps avait filé. J'en suis à porter, en guise de sous-vêtements, le maillot de bain qu'un ami a laissé chez moi il y a trois mois. Il est temps que je prenne une matinée pour aller laver mon linge de corps. Mardi, selon toute vraisemblance.

Hier après-midi, un client s'est fait voler son vélo garé devant la boutique. Le panneau de signalisation auquel il avait attaché sa monture peut être sorti du sol, ce qui rend inutile toute forme d'antivol. Je n'ai pas fait de vélo depuis deux semaines, non par envie, mais comme ça j'ai économisé six euros. Et gagné du temps de lecture, puisque je lis en marchant.

Programme de la journée: tenir le fort encore cinq heures, avant de lever le camp. A moins que je ne pète la forme ce soir, je ne resterai pas jouer, mais irai m'étendre dès que mon devoir aura été accompli. Lire. Je finirai l'ouvrage dans la nuit, il n'est pas bien épais. Dormir? Ca ne serait pas de trop. Si je tombe du lit, je ferai sans doute ma lessive demain matin, sinon j'attendrai mardi. Dernier délai. Je la ferai demain, en fait. La laverie ouvre à sept heures, il faudra bien que je prenne le temps. En ne dormant que cinq heures, comme toutes les nuits depuis deux semaines, ça devrait se pouvoir faire. Eviv Bulgroz.