lundi 29 juin 2009

La Vérité en Salade

Lundi vingt-neuf juin deux mille neuf. Vingt-et-une heures quarante-trois. Température au sol, trente-et-un degrés, voire davantage en vase clos. Température stratosphérique, moins soixante degrés. Nombre d'heures de travail restant avant les vacances: quarante-quatre environ. Humeur du moment: en fait, non.

Les préparatifs de départ pour mon voyage de la semaine prochaine attendront le dernier moment, vendredi matin je remplirai mon sac à dos de livres et de vêtements, pour me rendre à Paris, le soir, directement, en train, après avoir travaillé tout le jour au magasin. Les jours se téléscopent, les nuits se succèdent et les mois œuvrés s'enchaînent à la vitesse de l'éclair. Je manque de temps pour tout.

Vendredi dernier, j'ai participé à ma première partie de jeu de rôle locale, depuis que je suis sur Lyon (j'avais, ponctuellement, continué de jouer avec mon groupe sur Massy, lors de retours épisodiques au pays, le temps d'un week-end ou deux). Hollow Earth Expedition (ambiance Bob Morane contre Flash Gordon). Expérience trop courte pour être pleinement appréciée. Suite des opérations demain soir.

La semaine dernière, j'ai lu, d'Ugo Bellagamba et Thomas Day, L'Ecole des assassins, un roman cyberpunk entre Hong-Kong et le Japon, dans les années deux mille quarante. Un bon rendu. Depuis deux jours, je me dépêtre de "Trading in Danger", premier volet du cycle space-op' "Vatta's War", de l'Américaine Elizabeth Moon. Une histoire intéressante, mais des personnages trop monolithiques.

Programme de la soirée: attendre la fin du tournoi magique du lundi soir, rentrer chez moi en marchant (ou à vélo), lire une partie de la nuit. Dans mon colimateur, Le Mythe d'Er, de Javier Negrete, qui pourrait être la suite, quoiqu'écrite avant, d'Alexandre le Grand et les aigles de Rome.

lundi 22 juin 2009

L'Assassin Habitait Sarcelles

Lundi vingt-deux juin deux mille neuf. Vingt heures quarante-six. Nous voici parvenus sur l'autre versant. Les jours décroissent. La lumière se fera de plus en plus rare, jusqu'au vingt-et-un décembre. Et re-belote. Pour l'heure, je tiens la boutique, seul à bord, en nocturne, tandis que se tient le tournoi magique du jour. Un peu de boisson énergétique pour me maintenir à flot. Un livre sous le coude. Mal au cou. Fatigue.

Hier, fête de la musique, mon seul jour de congé avant le quatre juillet, je n'ai rien fait. Suis resté chez moi, mon nouveau chez moi depuis bientôt quatre mois, à lire. "Espaces Insécables", assez chouette recueil de nouvelles dues à Sylvie Lainé (rencontrée par ailleurs ce samedi, à l'occasion d'une séance de dédicace ayant déplacé Thomas Day et Catherine Dufour, turnout décevant au final, mais bonne ambiance générale, j'aime à le croire), dont la rédaction s'est étalée entre le milieu des années quatre-vingts et maintenant.

Le gros bloc de caviar de la semaine, en matière de lecture, aura été "Alexandre le Grand et les aigles de Rome", sorte d'uchronie: Alexandre n'est pas mort en trois cent vingt-trois avant notre ère, mais a survécu grâce à l'intervention providentielle d'un médecin venu de nulle part. Il réforme son régime alimentaire, rejoint la Macédoine, mâte les révoltes domestiques en Grèce, et tourne son regard vers l'occident. Sur sa route se dressera un certain Caius Julius César, anachronistiquement déplacé d'un ou deux siècles.

Le vrai héros est un médecin amnésique, Nestor (sans doute un voyageur temporel ou dimensionnel égaré, voire missionné), qui sauve Alexandre, devient un de ses familiers et passera quelques semaines à Rome avant que le différend entre les deux puissances ne se règle définitivement, sur le champ de bataille, au pied du Vésuve.

Très bonne impression dans l'ensemble. Javier Negrete s'affirme décidément comme une valeur sûre de la fantasy espagnole (c'est aussi le seul auteur espagnol de science-fiction que je connaisse un tant soit peu). J'avais déjà lu son Seigneurs de l'Olympe en avril, dont les héros n'étaient autres que les dieux grecs en personne. Il me faudra lire Le Mythe d'Er, ou le dernier voyage d'Alexandre le Grand (titre exact ou paraphrasé), dont la parution en France remonte à cinq ou six ans, mais dont les événements pourraient se situer après celui des Aigles de Rome, avec les mêmes personnages, pour ceux qui ont survécu.

Le livre du jour, c'est Tales of the City, d'Armistead Maupin, premier volume dans sa série de chroniques consacrées à San Francisco, dans les années soixante-dix pour le moment. Lecture agréable, une ironie mordante, une bonne peinture des communautés post-hippies, du microcosme gay et des aspirations d'une génération en perte de repères. Et tout ça. Ca se lit très vite, d'un œil distrait. Si je dure ce soir, je m'attaquerai sans doute à du Thierry Jonquet que j'ai sous le coude.

Programme de la soirée: attendre que le capitaine remette les pieds sur la passerelle, en lisant Maupin et en surfouillant sur la Toile. Si le feu sacré revient, finir la soirée devant la fin de la première saison de Battlestar Galactica. Demain matin, je fais la grasse matinée pendant que mon frère ouvrira le magasin (de l'avantage d'être deux au boulot). Dans deux semaines, je serai dans l'avion pour Tôkyô.

mardi 16 juin 2009

Contredanse avec les Loups

Mardi seize juin deux mille neuf. Vingt-deux heures trente-cinq du matin. Il fait trop chaud. Je viens de déclarer mes revenus sur l'année deux mille huit.

Programme de la soirée: jouer un peu à Ninja Rope avant de rentrer chez moi. Poursuivre ma lecture d'Alexandre le Grand et les Aigles de Rome. M'écrouler comme un sac de paille sur ma couche. Sombrer dans des songes sans fond.

lundi 8 juin 2009

Mon Tracteur est Riche

Lundi huit juin deux mille neuf. Vingt-et-une heures quarante-cinq du matin. En Chine, il pleut aussi. Ma journée de travail s'achève, après seulement onze heures de présence à la boutique. Aujourd'hui, ma principale tâche a été de trouver où stocker trois cent soixante litres de coca-cola livrés par notre fournisseur de boissons (un service que nous rendons à nos habitués en les empêchant de mourir de soif quand ils viennent jouer au magasin). Mon nerf sciatique n'est pas content. Si je me réveille demain matin sans lumbago, je serai chanceux.

Ma journée a consisté en un transfert, dans un sens puis dans l'autre, de piles de cartons, d'amoncellements de plateaux remplis de cannettes, de boîtes et de cartons. Pirouette, cacahuète. J'ai mangé un sandwich au thon. J'ai bu du thé à la pêche. Glacé. Et du thé chaud, pas bon mais chaud, avec de la théine dedans. Ma vie est passionnante, mais presque.

Hier, je me suis lu un roman de Thomas Day et Ugo Bellagamba, Le Double Corps du Roi, sis dans une Grèce antique alternative, avec de la magie, une technologie ancienne passant pour de la magie, une civilisation crétoise hybride végétale, un poète-escrimeur sodomite, une jeune femme au lourd destin, un contrebandier nommé Johan Solon (si ça vous rappelle quelque chose, c'est, à mon avis, voulu). De la baston, du sexe, des affrontements politiques. Du voyage, du pathos. Un exosquelette en quartz à mémoire résiduelle. Bonne expérience.

Depuis hier, il pleut. Ou depuis samedi. Vendredi? Il pleut. Samedi, j'étais à vélo, sur le chemin de mon domocile à sol facile à cirer, mais que je ne balaie pas par flemme (idem pour mon régime de boîtes de cassoulet non réchauffées mais je songe à modifier mon alimentation dans les semaines à venir, il faudrait que j'exhume ma casserolle du carton où elle attend, patiemment, que je m'achète un vaisselier pour l'y stocker), lorsque je me suis fait saucer par une franche averse. Mes chaussures en sont encore mouillées et donc, par conséquent, mes pieds (qui s'y trouvent, par une coïncidence cocasse, présentement stockés).

Hier soir, insomniant migraineusement, mi-raisin, j'ai entamé le tout nouveau roman du Canadien Robert J. Sawyer, WWW: Wake, premier volume d'une trilogie. Pour le moment (je suis rendu au milieu de l'ouvrage, qui ne devrait, logiquement, pas survivre à l'insomnie de ce soir), une adolescente aveugle, douée pour les maths, est entrée en contact visuel (via un implant expérimental visant à lui donner la vue) avec la conscience, toute récente, à laquelle s'est éveillé l'Internet, suite aux manipulations communicationnelles du président chinois. Un peintre chimpanzée et un paléontologue chinois dissident ne devraient pas tarder à s'unir contre Hu Jingtao et le zoo d'Atlanta. Pour le moment, la lecture est plutôt prenante, la structure bien tramée, les personnages attachants et la police d'écriture reposante pour les yeux.

Programme de la soirée: boucler la journée comptable de la boutique, fermer icelle, uriner dans l'urgence, marcher sous la pluie, ou y faire du vélo. Manger un kébab, si j'en trouve un d'ouvert. Lire trois ou quatre heures. Dormir peu, mais au matin, faire la grasse matinée, si mon lumbago ne s'en mêle pas, avant de rejoindre mon frère au magasin pour de nouvelles aventures.

mercredi 3 juin 2009

Le Parti Pris des Hyènes

Mercredi trois juin deux mille neuf. Vingt heures vingt-et-une du matin. A quelques jours près, cela fait trois mois que je suis venu m'établir en la riante ville de Lyon (ou sa banlieue-dortoir, Villeurbanne, inséparable, niveau tissu urbain, de la maison-mère qui la couvre). Je m'y plais plutôt. Je dois avouer que je m'y sens plus épanoui qu'ailleurs, où j'ai traîné mes guêtres, ces quarante-cinq mois écoulés.

Ces deux dernières années, depuis que mes études ont pris fin, je suis passé d'un statut d'étudiant préparateur de concours mou en série (zéro heure de travail rémunéré par semaine), à celui de professeur-stagiaire inadapté parachuté dans un bon lycée du centre-ville d'Orléans (huit heures de cours d'anglais hebdomadaires à donner, en plus de deux journées de formation sans intérêt), puis professeur d'anglais oral dans un gros lycée rural chinois (trente heures de labeur par semaine), avant de finir par m'échouer à Lyon, comme libraire/vendeur de produits culturels à caractère ludique (soixante à quatre-vingts heures d'occupation des lieux, à géométrie variable). Je suis gagnant au change.

L'expérience orléanaise ne m'a pas été inutile, outre l'enfer éducatif (mes élèves pâtissaient d'avoir écopé d'un prof peu motivé, gentil mais visiblement paumé), j'ai pu fréquenter mes pairs, et me lancer pour la première fois dans une autonomie domiciliaire plus ou moins bien vécue. Sans parler de l'indépendance financière, qui a surtout des bons côtés, malgré la nécessité de se rationner dans les pulsions d'achat (ce qui était déjà le cas du temps où j'étais étudiant, avec un budget fixe mensuel, et des petits jobs occasionnels venant améliorer l'ordinaire, mais rien d'à la fois constant et substantiel, et puis j'avais encore le porte-avion parental pour me repêcher en cas de semi-noyade).

Quand j'étais sur Orléans, je touchais, grosso modo, treize cents euros mensuels. Je vivais confortablement avec, je payais quelques chose comme trois cent quatre-vingt euros par mois, charges comprises (moins l'électricité), pour un trente mètres carrés de deux pièces. Après six mois sur Orléans, je suis resté deux semaines chez mes parents, avant de partir inopinément pour la République Populaire de Chine, ou des amis d'amis avaient des contacts qui cherchaient quelqu'un pour, et de fil en aiguille je me suis retrouvé au milieu de nulle part, après avoir démissionné de l'Education Nationale française, à persévérer dans l'enseignement, plus pour m'occuper que par vocation. Bon.

En Chine, je disposais d'un cinquante ou soixante mètres carrés, de fonction donc à l'œil, où je logeais, dans l'enceinte du lycée, au contact quotidien de mes élèves et collègues. Le métier n'était heureusement pas le même, et ma condition d'étranger visiblement différent me conférait une aura propre à rendre l'expérience d'enseignant résolument différente. Je touchais, peu ou prou selon les hoquettements du change, six cents euros par mois, et en vivant comme un prince peu dépensier, je mettais de côté quatre cents euros par mois.

Depuis que je suis sur Lyon, je gagne, en gros, mille cent euros par mois, et j'occupe un trente mètres carrés, que je paie quatre cent sept euros par mois, charges comprises (sans l'eau ni l'électricité). Je suis donc dans une situation grosso modo comparable à celle d'Orléans, niveau dépenses incompressibles et entrées d'argent. Ca me va bien. Je ne suis pas dépensier, même si l'argent me brûle les doigts.

Je ne suis pas fasciné par ces questions d'argent, de revenus et de loyer, mais il me semblait intéressant de dresser un bilan de mes trois premiers mois ici. Le travail me plaît, je bosse avec mon frère dans une librairie, et le plus dur est encore de ne pas craquer en achetant trop de marchandises. Il faut aussi manger. Je ne consomme pas assez de fruits, ni suffisamment de légumes, mais je tâcherai d'y remédier. La quantité d'aliments ingérés me maintient en vie, plutôt en forme.

Je me suis arrangé pour ne pas habiter juste à côté de mon lieu de travail. Quand j'étais en région parisienne, j'habitais en banlieue sud, et je devais, selon les années, rester une à trois heures par jour dans les transports en commun (réseau express régional, métropolitain, bus), ou me farcir grosso modo la même durée quotidienne à vélo. Une fois sur Orléans, j'avais élu domicile à trente minutes de mon lieu de travail, trente minutes à pied, et j'avais une distance comparable à parcourir pour rejoindre l'institut universitaire de formation des maîtres. En Chine, il me fallait entre trois et quatre minutes pour arriver en classe. Ici, j'ai quarante minutes de marche à effectuer le matin, autant le soir, ou quinze minutes de vélo aller, quinze minutes de vélo retour, pour couvrir la distance. Ca me fait une sorte de sas de décompression entre l'univers domestique et le milieu carcéral.

Ces derniers temps, je me suis fendu de quelques soirées de lecture pour venir à bout d'un roman récent, de fantasy urbaine, dû à Greg van Eekhout, intitulé Norse Code. Ragnarök en Californie. Les héros sont Hermod, un obscur fils d'Odin passé maître dans l'art du vagabondage, et Mist, une valkyrie renégate, bien déterminés à empêcher la destruction des neuf mondes. Mais quelqu'un, en Asgard et sur Terre, mettra tout en œuvre pour prévenir leur immixtion dans ses plans. Ecriture agréable, à mi-chemin entre la farce et l'épique sentencieux, mélange par ailleurs souvent raté (y compris dans le cas présent, sauf quand il est réussi). C'est un premier roman.

Je suis actuellement plongé dans Forest Mage, second tome de The Soldier Son Trilogy, de Robin Hobb (quatrième trilogie publiée sous le principal pseudonyme de l'auteur, indépendante des trois précédentes, qui se suivent et partagent un même univers). Dans la lignée de Shaman's Crossing, le premier roman du triptyque. J'y passe plusieurs heures par jour, et je subodore qu'il ne survivra pas à mes longues nuits de lecture.

Ce week-end, j'ai réglé son sort à Outrage et Rébellion, dernier roman en date de Catherine Dufour. Ce roman se situe dans le prolongement du Goût de l'Immortalité, que j'avais moins apprécié. Celui-ci se présente sous la forme d'un compte-rendu écrit de documentaire polyphonique, ayant pour thème un mouvement, ou plutôt une série de mouvements, musicaux et donc sociaux, parmi la jeunesse trafiquée d'une Chine troglodyte du vint-quatrième siècle. Pas grand chose à reprocher à ce roman, alors que le précédent m'avait beaucoup fait sourciller. J'analyserai plus en profondeur cet ouvrage si le temps s'en présente.

Programme de la soirée: continuer de tenir la boutique en nocturne, tout en coordonnant le tournoi magique de la soirée. Quand les joueurs en auront fini, regagner mon domicile, à pied ou à bicyclette. Manger quelque chose de froid, par exemple la boîte de saucisses aux lentilles qui m'attend au frigo. Lire jusque vers deux heures du matin, à moins que je ne persévère dans mon visionnage de Battlestar Galactica. Demain matin, dormir tard, rendre visite à un collègue bouquiniste pour y renouveler mon stock de polars. Le midi, manger des nouilles déshydratées achetées un euro trente-cinq chez mon épicier chinois. Ma vie n'en finit pas de trépider.