vendredi 16 mars 2018

Le Carnaval des Anti-Mots

Vendredi seize mars  deux mille dix-huit. Dix-huit heures quatorze (heure locale). Deux ou trois heures du matin (heure française).

Coincé au Nevada en pleine tempête de neige. Je passerai à l'aéroport dans cinq heures pour confirmer mon vol avec dix heures d'avance. La navette de l'hôtel s'arrête avant minuit. Ma tentative de sieste s'avère présentement infructueuse.

Je n'ai pas mis les pieds dehors depuis cinq jours. Les draps sont doux. La chambre rococo post-Vegas s'accommode bien de mon insomnie diurne.

Les quarante prochaines heures ne seront qu'une longue attente, d'aéroport en hall de gare, de siège en faux cuir en fauteuil incliné du voisin de devant comprimant un espace personnel déjà étriqué. Une lente déambulation de corridor en corridor, au détour des interminables dédales du transport aérien et ses fourmilières-mausolées. Le jet-lag est paraît-il plus impactant d'ouest en est. Mon dernier demi-globe remonte à huit ans et demi, à l'époque de mon tour en Asie. Cette fois-ci, c'est l'inverse. Une semaine en Amérique, pour le boulot bien sûr, mais aussi pour la parenthèse.

Quelqu'un est mort. Ça fait déjà quatre mois et demi. Je suis seul dans un appartement trop grand mais à l'étroit car trop plein, avec des livres en abondance, trois chats qui s'occupent comme ils peuvent à chacune de mes longues absences, et plein d'affaires qui ne sont pas à moi, mais m'appartiennent. Un tri s'opère, qui prendra encore plusieurs mois.

La vie continue.

lundi 29 juillet 2013

L'Assassin Chaussait du Quarante-Deux

Lundi vingt-neuf juillet deux mille treize, dix-neuf heures trente-sept. Petite incursion de ce côté-ci du vitrage, histoire de donner des nouvelles. Ou d'aligner quelques phrases, pour en admirer l'effet.

Long fut l'intervalle depuis ma dernière intervention. Il a été peuplé de choses ordinaires, de celles dont on tapisse le quotidien, et avec le temps le tapis roulant avance de plus en plus vite.

Je suis globalement heureux. J'ai trente-cinq ans, deux chats et j'ai emménagé avec mon amie il y a presqu'un an. La cohabitation se passe bien. Je ne m'étendrai pas sur mes sentiments, ils ne regardent que nous, mais je suis content. La vie suit un cours qui me convient, le confort et la compagnie composent un quotidien qui me comble.

Je suis toujours libraire, toujours dans la même ville, et je ne regrette pas un seul instant d'avoir quitté l'enseignement. D'autres en ont la vocation et s'y trouvent davantage à leur place que je ne le fus durant ma courte aventure. A présent que j'ai trouvé ma voie, je me laisse aller à un contentement de bon aloi. Le temps passe. J'ai deux chats. Enfin, j'ai un chat en garde partagée, et été adopté par un chat plus âgé qui était là avant moi. Le jeune chat est bicolore, roux à tendance blanchâtre, et comme tous les jeunes chats il est vif, parfois trop.

Aujourd'hui, je me suis acheté des chaussures neuves. J'ai commis l'exploit de les prendre trois pointures trop petites, et de ne m'en apercevoir qu'une fois chez moi, une fois défaits tous les emballages et jetées à la poubelle toutes les étiquettes. J'en suis donc pour ma poche de quinze euros. Si quelqu'un chausse du quarante et veut des chaussures neuves, j'en fais cadeau.

J'ai découvert un restaurant indien que je ne connaissais pas. Il est plus proche du boui-boui que du restaurant, est ouvert sept jours sur sept douze heures par jour, ce qui offre un éventail assez large pour s'y rendre et en consommer la nourriture. Il n'est pas cher, notamment leurs lassis. Je pense en faire une de mes nouvelles cantines.

J'ai trouvé le moyen, avant-hier, de me coincer la cheville dans la béquille d'un vélo public emprunté à la municipalité. Il a fallu l'intervention du restaurateur indien et d'un client pour me venir en aide et sauver mon extrémité de l'étau où elle se trouvait prise. Je m'en suis trouvé indemne, nonobstant quelques bleus, mais la foulure a été évitée.

Aujourd'hui, le plus vieux des deux chats m'a pris pour un tremplin, me griffant légèrement la main au passage. J'ai abondamment survécu à l'attaque. Le quotidien est parsemé d'aventures, d'exploits et d'incidents qui en font le charme. L'enchaînement des instants en fait des souvenirs qui demeurent à jamais gravés dans la mémoire des âges.

Programme de la soirée : seul ou accompagné, lire (je viens de terminer le dernier roman de Terry Pratchett et Stephen Baxter, The Long War, qui fait suite à The Long Earth et est globalement du même niveau, et je viens de commencer un vieux Robert J. Sawyer récupéré chez un bouquiniste de mes amis), regarder des séries (je me suis mis à en visionner d'abondance, sous l'influence de mon frère puis de mon amie, et je rattrape une partie du retard accumulé au fil des ans, tout en suivant les nouvelles séries au fur et à mesure de leur diffusion outre-Atlantique) et dîner (la fin de l'indien ou une raclette, selon l'humeur et le nombre de mangeurs).

lundi 28 mai 2012

La Compote de Pol Pot

Lundi vingt-huit mai deux mille douze. Seize heures quarante-sept. Une après-midi de travail, à tenir une boutique peu fréquentée par ce jour férié. Lundi de Pentecôte, descente du pigeon cosmique sur les disciples attablés. Glossolalie dans les rues de Jérusalem, point de départ de la course à la décapitation.

Depuis peu, je me suis remis à la bicyclette comme un de mes principaux moyens de transport. La communauté urbaine où je réside et travaille est relativement petite, on peut y effectuer tous ses déplacements en un temps minime. Il m'arrive aussi, certaines nuit d'insomnie ou quand la tempête gronde, de sortir faire une ballade, qui dure une à deux heures et me permet d'évacuer un peu de la tension accumulée. La ville de Lyon a mis au service de ses cyclistes, moyennant paiement, un système de vélos libres, qui sont bien commodes. La seule ombre au tableau est la difficulté, certains soirs, à trouver une place libre en bas de chez moi, il m'arrive de tourner quarante minutes durant, à la recherche d'une borne à vélos. Ca ne fait qu'accroître l'étendue de mes promenades.

Cela fait désormais trois ans et trois mois que je suis lyonnais, ou villeurbannais, si l'on s'en tient scrupuleusement aux étiquettes urbaines, la commune où je demeure étant cette grande banlieue dortoir de Lyon.  Je commence à mieux connaître la ville, sans être toutefois incollable sur son agencement, mais les noms de rues me disent souvent quelque chose, et je sais m'orienter quand je suis perdu. Je fréquente assez peu la partie ouest de la conurbation, de la presqu'île à la rive droite de la Saône, mais j'en viens petit à petit à être un habitant du lieu, et à l'apprécier.

Le temps court comme un sprinter jamaïcain. Il me reste deux heures à tirer, plus le temps de boucler ma journée. Dix-sept heures quarante-et-une. Programme de la soirée: cuire des légumes.

lundi 23 avril 2012

Du Rififi sur l'Asphalte

Lundi vingt-trois avril deux mille douze. Quatorze heures vingt-huit du matin. Je suis au boulot, mais je profite de ce que les passant se fassent rares, pour actualiser ce journal quelque peu délaissé. Il pleut. Il fait frais. Mais je suis en intérieur, donc qu'importe. Mon jour de congé hebdomadaire a été échangé avec mon collègue pour qu'il puisse passer la journée à rencontrer des fournisseurs. Ce faisant, je ne me suis pas autant reposé que j'aurais pu le vouloir, mais tout de même suffisamment pour être efficace au boulot. Les clients le sont moins.

J'ignore même de quand peut dater ma dernière entrée. Je sais que ça doit faire plusieurs mois, peut-être même date-t-elle de l'an passé. Le temps, il faut bien le dire, a tendance à passer très, très vite depuis quelque temps. Peut-être le passage de la trentaine, ou la découverte d'une situation un peu plus stable dans un contexte où je me sens davantage à ma place que dans une salle de classe, ont-ils facilité ma prise de position sur le tapis roulant de la chaîne de montage. Toujours est-il que les jours succèdent aux jours, les semaines aux semaines, les mois s'enchaînent et les années s'enchassent en une concaténation du vécu. Compression du réel.

Tandis que je néglige mon autobiographie virtuelle, la vie n'en demeure pas moins bien remplie. Par mon travail déjà, une douzaine d'heures quotidiennes en moyenne, cinq à six jours par semaine (le septième, ou plutôt le huitième, jour de chaque semaine est chômé, mon commerce ouvre, mais sans moi). Un travail qui me plaît, mais qui n'est pas facile, dans la mesure où il met à contribution toutes les forces vives que je possède. Même si le contexte est plaisant, le travail demeure du travail, et certaines journées atteignent les quinze ou dix-huit heures, repoussant sans cesse les limites de la fatigue et de l'endurance. Le repos, c'est pour les faibles.

Ma vie sentimentale, elle aussi, m'occupe, et je ne m'en plains pas. Les choses se poursuivent, avec ou sans complications, je n'entrerai pas dans le détail, mais je suis la plupart du temps heureux de ma situation. J'espère que les complications disparaîtront, mais je suis confiant en l'avenir, et je pense qu'il sera plus radieux encore que le présent. Depuis vingt-trois mois que ma vie a changé, je me sens épanoui, les moments difficiles sont minoritaires, les moments de bonheur dominant largement le paysage. Les nuits se suivent, et je dors mieux.

Les finances ne sont pas au beau fixe, aussi les voyages et les achats ont-ils quelque peu ralenti. Mais je ne désespère pas. J'ai pu récemment passer, en couple, deux ou trois jours en la belle ville de Montpellier, que je ne connaissais pas, et j'ai trouvé agréable ce séjour, si bref fût-il.

Et la machine s'emballe. Suite au prochain épisode.

vendredi 17 février 2012

Les Voyages Forment les Autruches

Vendredi dix-sept février deux mille douze. Vingt-deux heures dix-neuf. Température extérieure clémente. Température intérieure variable. Niveau de fatigue tolérable grâce aux boissons énergisantes. Départ imminent pour mon domicile. Reprise du travail, dans un peu plus de onze heures.

Du silence qui n'en est pas vraiment, depuis quelques mois. La vie a suivi son cours, plutôt positif. C'est une routine confortable, avec ses hauts et ses bas, ses joies et ses peines. C'est une solitude partagée, ou plutôt une négation de la solitude antérieure, puisque depuis un peu moins de deux ans (un an, huit mois et une bonne vingt-cinquaine de jours pour être précis), je ne suis plus seul, mais bel et bien deux. Cette dualité (enfin, cette union de deux individualités précédemment éparses) me fait globalement du bien. A noter que je n'ai ajouté "globalement" dans la phrase précédente que parce que j'aime bien les adverbes.

Je vais bien. C'est une impression d'ensemble qui me conforte dans les choix que j'ai faits. Les choses qui vont moins bien sont moins importantes à mes yeux que les choses qui vont bien. Je me comprends, mais surtout, je m'accepte, et je vis mon quotidien comme une bénédiction. Je suis plus heureux aujourd'hui que je ne l'étais il y a dix ans. Je suis plus heureux que je ne l'étais il y a quatre ans. Je m'épanouis dans ma vie personnelle et professionnelle. Le reste est secondaire, important par endroits, mais insuffisamment négatif, le cas échéant, pour ternir l'impression d'ensemble.

Je suis toujours à Lyon. Toujours libraire et vendeur de jeux spécialisés. Je connais de mieux en mieux mon rayon. Je me suis un peu mis au jeux de cartes magiques. J'ai peinturluré mes premières figurines. Je continue de lire beaucoup, dans plusieurs langues, beaucoup de science-fiction et de fantasy tant par penchant personnel que par obligation professionnelle. Je joue à des jeux de société parce que j'aime jouer, et j'aime être en bonne société.

J'ai beaucoup d'autres choses à dire. Mais elles attendront. Je dois marcher quarante minutes pour rejoindre mon domicile, ranger des choses, lire un peu et dormir, avant d'attaquer une nouvelle journée de travail. Plus qu'une et je serai en repos, le temps d'un dimanche à deux. Le travail n'est jamais fini. Le travail me rend plus heureux. Plus rapide, plus fort. Meilleur.

Lectures du moment, "The Fourth Wall", le tout nouveau roman de Walter Jon Williams, troisième du cycle entamé avec "This is not a Game" et poursuivi avec "Deep State". Du très bon WJW. En cours d'aspiration, le cycle des Dresden Files, de Jim Butcher. Le septième roman du cycle devrait être entamé d'ici demain matin. Le repos m'attend. Un peu de marche à la lumière des réverbères, selon l'itinéraire numéro quatre, celui qui longe la chute d'eau, contourne la grotte aux stalagmites enchiroptérées, coupe à travers la forêt millénaire d'Avicennes et me fait émerger dans le monde réel quelque part entre Londres et Tôkyô.

dimanche 1 mai 2011

A la Solde du Grand Capital

Dimanche premier mai deux mille onze. Dix-Sept heures trente-et-une. En bon social-traître, je travaille un premier mai, a fortiori s'il tombe un dimanche. Horaires allégés, passants émiettés, je travaille peu, mais je travaille. Comme je suis mon propre patron, je le fais parce que je le veux bien. Les transports en commun lyonnais ont, quant à eux, décidé qu'ils ne travailleraient pas; c'est apparemment une obligation religieuse parmi les classes laborieuses.

Du temps a passé depuis ma dernière intervention. Nulle raison précise à ce long silence, sinon la vie quotidienne qui s'immisce dans les interstices du réel pour plaquer sur le défilement des jours un filtre de monotonie. Le tapis roulant s'accélère avec les années, toujours plus près du terme du voyage, le bout de la route se fait plus proche, et la trame du réel plus friable. Mais je tiens bon.

Je viens de franchir le cap de mon tiers de siècle extra-utérin. A mon âge, Jésus était mort (et nécro-animé). Il me reste encore deux tiers de siècle, et j'attaquerai le second (je ne pense pas qu'il y en aura un troisième). Pour le moment, la machine tourne encore, malgré quelques raideurs dans les articulations, et ma maladresse qui persiste malgré les points d'expérience que j'investis pour compenser ma pénalité initiale. Il faudrait que je reprenne une activité physique plus régulière, le badminton une heure par semaine (reprise le neuf mai), de la course à pied (j'ai découvert un parc, et peut-être un stade, à un jet de pierre de chez mon aimée), de la bicyclette (regonfler la mienne et filer comme le vent).

Ma journée touche à son terme. Je me serais plus étendu si l'ennui avait été au rendez-vous, mais il m'a déçu. J'ai eu des clients, des passants, des amis et ma mère. J'ai tout de même pu avancer ma lecture ("Le Dernier Vœu", d'Andrzej Sapkowski), que je devrais achever ce soir. Je suis aussi en train de me lire l'avant-dernier roman de Michael Connelly. Et de boire du jus de fruits.

Programme de la soirée: une fois que le tournoi de cartes que j'héberge sera terminé, manger quelque chose, me retirer pour la nuit dans l'une ou l'autre de mes résidences perpétuelles, lire et dormir. Demain, un affrontement futuriste sur une table, une promenade et un repas. En bonne compagnie. Et de la lecture, si j'en ai le temps.

mardi 1 mars 2011

La Forge des Enfers

Mardi premier mars deux mille onze. Vingt heures trente-huit du matin. La journée de travail touche à sa fin. Il me reste encore quelques heures de boulot à abattre avant de pouvoir quitter mon lieu d'asservissement. Je suis mon propre patron, mais il arrive que je trouve les journées un peu longues. Je bosse sans interruption depuis un peu plus de dix heures. Je compte mettre les voiles dans trois heures environ. Dans l'intervalle, j'aurai encore pas mal de choses à accomplir, et je sais que je n'aurai pas le temps de tout faire. Ni la stamina.

Cela fait trois bons mois que je n'ai rien dit. Non qu'il ne se passe rien, mais le temps manque pour passer sur cet espace, les choses à vivre ne sont pas systématiquement des choses à dire, et s'exprimer ici relève de l'utilisation de temps libre, une commodité qui depuis quelques mois me fait cruellement défaut (ou que je consacre à des choses plus vitales). Dans ma vie, un peu de la même chose, dans des proportions variables. Je ne pense pas avoir radicalement changé de mode de vie, même si les choix quotidiens ne sont plus les mêmes dès lors qu'on est en couple. Il y a des concessions à faire, que je n'aurais pas envisagées il y a un an. Les aspects négatifs de la relation ne sont dus qu'aux circonstances qui entourent mon amie, qui en ce moment, n'est pas à la fête. Je la soutiens, des amis, communs ou qui lui sont propres, la soutiennent aussi. Il faut tenir bon.

L'hiver est passé comme un rêve. Je suis resté dans une logique de fatigue intense, sans vraiment pouvoir me reposer, et la coupure d'une semaine que je m'étais accordée il y a deux semaines, la première depuis un an et demi, n'a pas été aussi reposante que prévu, la faute aux problème mécaniques, de santé, de moral, bref, aux circonstances extérieures. Malgré tout, je demeure un éternel optimiste, et je ne peux m'empêcher de voir du positif en toute circonstance.

Je suis en train de lire un roman de K. J. Parker, en français dans la traduction, par commodité vu que je n'avais que cette édition là sous la main, "Les Couleurs de l'Acier". Un escrimeur avocat est victime d'une malédiction. Un univers baroque intéressant, une fantasy moins gnangnan que la moyenne.

Je suis en train de lire. Un roman de Richard Morgan, "Woken Furies", qui est le prolongement de "Altered Carbon" et "Broken Angels". Du cyberpunk post-humain. Avec des vrais morceaux de choses bien dedans.

Je suis en train de travailler. C'est le programme de la soirée, après un éventuel passage dans la salle de jeu. Pour jouer, ou déplorer l'évolution des choses. Ou me féliciter. Ou me plaindre. Ou profiter du temps qui passe pour unir ma complainte à celle du sentier.