lundi 27 juillet 2009

Janua Vera

Lundi vingt-sept juillet deux mille neuf. Treize heures huit. La fatigue commence à se faire sentir. Je persiste à me réveiller tôt, vers six heures vingt ce matin, et à bouquiner une ou deux heures avant de lancer le moteur de ma journée. Ce matin, j'ai commencé à lire Janua Vera, recueil de nouvelles dû à Jean-Philippe Jaworski. Cet ouvrage s'est apparemment bien vendu. Toutes les nouvelles se situent dans un même univers, et l'une d'entre elles sert d'incipit au roman Gagner la guerre, du même auteur, sorti il y a quelques mois.

Les Moutons Electriques ont publié les deux livres, et je les possède tous deux chez cet éditeur. Janua Vera a fait l'objet d'une publication en poche chez Folio SF, après adjonction d'une nouvelle supplémentaire; il faudra donc que je me procure cette édition. Pour le moment, j'ai lu la première nouvelle, et je suis en train de lire la seconde (il y en a cinq autres, et l'adjectif "second", qui sonne mieux que "deuxième", ne s'emploie pas exclusivement pour désigner le deuxième d'une série de deux, mais peut aussi se voir utiliser pour marquer le second degré d'une énumération plus longue, j'ai vérifié dans le dictionnaire, ça marche, ouf, parce que "second", je préfère, "deuxième", ça sonne un peu sec). Un conquérant blond, vaguement réminiscent d'Alexandre le Grand, a le sommeil troublé; un assassin professionnel, dans une ville d'eau évoquant Venise, se voit confier un contrat difficile. Et j'en suis là pour le moment.

Le retour au boulot s'est bien passé. J'ai été content de retrouver un univers désormais familier, la clientèle est majoritairement constituée d'habitués au commerce agréable, et pour le moment, je n'ai pas eu à trop souffrir du rythme trop intense de nos activités. Si je continue à ne dormir que quatre à six heures par nuit, je cours au devant d'une certaine irrascibilité, mais je devrais pouvoir me contrôler (et dormir tard certains matins, je négocierai ça dans le courant de la semaine avec mon frère). Soixante-dix heures de boulot par semaine, peu ou prou, très peu de temps pour moi, et des montagnes de livres dans mon studio, qui n'attendent que mes rares disponibilités pour se faire réduire.

Programme de la journée: tenir la boutique seul pendant une période indéterminée, assister au montage des étagères que mon frère est en train d'acheter avec l'aide de sa copine, ne pas m'endormir au gouvernail, boire un ou deux seaux de café (je me suis mis à boire du café, noir sans sucre, en grande quantité, quand j'étais au Japon il y a quinze jours, avant je n'en buvais pas, je n'aimais pas ça, je ne jurais que par le thé), manger mon sandwich maison saumon-brie, lire un peu si personne ne me voit faire. Après le retour de mon frère, poursuivre ma quête pour une réserve rangée, en exhumant les jeux enfouis, les figurines promotionnelles dues en lot pour un tournoi tenu en mon absence et que sais-je encore. Je dispose d'un plan secret, machiavélique, pour mieux organiser l'espace, mais pour ça, j'ai besoin de temps; le temps, l'espace, on en revient toujours aux éléments fondamentaux constitutifs de la réalité (qu'il faut sauvegarder, mais j'y reviendrai ultérieurement).

dimanche 26 juillet 2009

Overnight Sensation

Dimanche vingt-six juillet deux mille neuf. Dix-sept heures cinquante. Je me suis plus ou moins remis de mon jet-lag. J'en conserve une propension à me réveiller matin, dont je profite tant qu'il est temps; la saison estivale se laisse brosser dans le sens du poil, il fait jour tôt, et les heures à un chiffre sont propices à la lecture. Paisible, à l'occasion, tumultueux par ailleurs, mon quartier en été, pour ce que j'en vois, est intéressant à côtoyer.

Le matin, les envols de pigeons sous mes fenêtres occasionnent chez moi un léger agacement. Durant mon voyage au Japon, les intempéries, ou le mouvement de va et vient de mes volets malmenés par le vent, ont jeté à bas plus de la moitié des piques anti-pigeons ayant orné mes fenêtres. Un coup d'œil jeté à la dérobée sur les balconières de mes voisins m'a révélé l'universalité du phénomène; toujours est-il que, mon état des lieux mentionnant lesdites piques, j'en serai redevable à ma régie au moment d'en sortir, fût-ce le vent qui s'en soit rendu coupable.

Hier matin, vers sept heures, tandis que je lisais, allongé à même le sol sur mon matelas de fortune, un groupe d'hommes avinés, sans doute assemblés dans une cour voisine, ont trouvé amusant de faire sonner une corne de brume, à pleine puissance, pour le plaisir de la populace assoupie (qui, à de très rares exceptions, ne travaille pas, contrairement à moi, le samedi matin). Autre élément d'animation sous mes fenêtres, le ballet des chats du quartier, et la bêtise d'une de mes voisines qui, en plus de nourrir la vermine venue du ciel, à grand renfort de croûtons et de graînes, endosse la cuirasse de la croisée pour vider des bassines sur les félins tonitruants, lesquels se voient simultanément encourager, par mes soins, à choper les pigeons qui troublent ma quiétude.

Tel est le paysage estival dans les environs immédiats de mon domicile. Il fait trop chaud, mais comme mes fenêtres sont orientées plein sud, je n'en souffre qu'à partir de quatorze heures; le matin, je laisse grand ouverts mes carreaux, m'emplissant les poumons de l'air malsain des villes (l'air lyonnais est pollué, je l'ai testé, alors que même l'atmosphère de Tôkyô était, par comparaison, respirable, et les véhicules y roulant particulièrement silencieux). Les automobilistes lyonnais, ville typique du Midi de la France, sont des chauffards de la pire espèce: leur activité favorite est de remonter les rues en marche arrière, pas vus pas pris, et j'ose à peine imaginer leurs débordements en cas de victoire décisive de leur équipe ballipédestre locale.

Je me remets doucement au sport. J'ai de grandes ambitions pour la rentrée, mais j'attends mon heure pour me lancer dans la course aux inscriptions. J'ai repris la course à pieds la semaine dernière, piétinant de mes foulées penaudes deux circumambulations du Grand Canal mis à la disposition des joggers du Parc de Sceaux, dans les Hauts-de-Seine (mes parents crêchent à deux bornes dudit parc), couvrant une distance totale, et continue, égale à six virgule quatre kilomètres, à en croire mon petit frère, lequel a longtemps, et abondamment, fréquenté le même parcours, du temps de ma jeunesse (il habitait alors à huit cents mètres du lieu dit). Je commence à récupérer de l'excès. Je me réserve pour le déménagement de ce mardi, j'aurai cinquante cartons de livres, et quelques meubles, à monter jusqu'au quatrième étage où j'expie.

Je suis toujours à la recherche d'une piste d'athlétisme, ouverte au public, proche de chez moi, susceptible d'accueillir mes déprédations tôt le matin, dans les mois à venir. J'aimerais aussi reprendre le badminton, sur des bases régulières, dans un cadre associatif, à proximité de mon domicile, toujours. Et me mettre au triathlon, ce pourquoi il me faudra au préalable repérer une piscine ne brillant ni par son éloignement, ni par la tardivité de son ouverture matutinale. Parce que j'aime à penser que je conserverai longtemps ce rythme (je sais, je suis naïf).

Programme de la journée: rester une heure environ à la boutique, que je tiens cet après-midi, jugulant tant bien que mal le flot continu du public avide de débourser ses sous dans mon établissement (quatre clients pour le moment, un par heure); en compagnie de Vertige, qui me rend visite pour le début de semaine, trouver un restaurant vietnamien ouvert, y déguster un pho ou, à défaut, dénicher un vendeur de kébab et consommer ses produits alimentaires. En soirée, dormir tôt, poursuivre mes lectures ou causer avec Vertige.

Ce matin, j'ai achevé la lecture, commencée avant-hier, de Glissements: une anthologie de troubles topographiques, ouvrage publié, en nombre limité, pour fêter les cinq ans d'existence des Moutons Electriques, une maison d'édition lyonnaise dont je suis particulièrement fan (j'ai entrepris d'acheter toutes leurs productions, y compris rétroactivement, dans la mesure du possible). Un recueil inégal, hélas bourré de coquilles, mais où quelques perles surnagent (les noms des contributeurs m'échappent, mais la nouvelle mettant en scène une série de demeures gigognes s'enfonçant sous la surface d'un lac gelé de dimension infinie m'a séduit par son aspect résolument borgésien, j'y ai goûté mes premières productions de Xavier Mauméjean et de Serge Lehmann, tous deux pourtant auteurs confirmés du paysage de l'imaginaire francophone, et je disséquerai plus avant la chose à tête reposée).

Ce matin toujours, car je me lève tôt, j'ai entamé, et presque achevé vu les dimensions de l'ouvrage, The Carpet People, premier roman de Terry Pratchett, initialement publié en septante-un, mais "amélioré" dans la présente édition, laquelle date du début des années nonante, par l'intervention d'un certain Terry Pratchett, romancier confirmé, ayant décidé d'arrondir les angles que son alter-ego de dix-sept ans avait laissés parfois saillir plus que de raison. Le produit final est agréable à lire, laisse entrevoir certains aspects des romans à venir, notamment du Discworld, mais demeure, n'en déplaise à l'afficionado du maître qui sommeille en moi, une œuvre de jeunesse, immature et parfois maladroite (mais tout ne tombe pas à plat, et j'apprécie cette lecture à la mesure de son mérite).

Toujours en chantier, Outlander, dont l'héroïne vient d'échapper au bûcher; La Horde du Contrevent, dont les protagonistes s'accordent une soirée de détente bien méritée à bord d'un voilier de passage; Renegade's Magic, l'avant-dernier roman de Robin Hobb (dont je lorgne sur le tout récent Dragon Keeper, sis dans le même univers et à la suite des trois trilogies publiées n'importe comment en français, impliquant un apprenti assassin, une bande de marins et un prophète pâle), que je n'ai laissé de côté il y a trois semaines que parce que ses dimensions en rendaient difficile l'embarquement dans mon sac de voyage pour le Japon.

Mardi prochain, dans deux jours donc, les deux ou trois mille livres présents dans mon studio se verront rejoindre par leurs collègues restés au pays, grâce aux volontés déménageantes de mes parents, grâces leur soient rendues. En soirée, un repas programmé dans un restaurant peu onéreux des environs, une sorte de répétition générale avant le grand banquet commémorant le quatrième anniversaire de l'ouverture, un vingt-cinq juillet, de la boutique où j'exerce dorénavant mes nombreux talents. C'est sans doute un effet de l'heure, mon estomac gargouille et j'ai peu dormi. Je vais de ce pas vider une fois de plus ma petite bouteille d'eau, quand il fait chaud, faut s'hydrater (de Lerne), manger un paquet de cookies fondus par le soleil, lire quelques pages et ne pas relancer la musique, entre la variété avariée, le jazz entrecoupé de sermons sur la vie et le heavy-metal par trop technique et compassé que les web-radios de ma fréquentation m'ont mis dans les esgourdes depuis ce matin, j'ai besoin d'une pause. Hop. Plus que trois-quarts d'heure et je lève le camp.

mercredi 22 juillet 2009

La Randonnée du Bout du Monde

Jeudi vingt-trois juillet deux mille neuf. Six heures trente-deux du matin (heure japonaise, treize heures trente-deux du même matin). De retour sur le plancher des vaches à cornes depuis une petite trentaine d'heures, je ne suis pas encore pleinement recalé sur le faisceau horaire de Paris, mais à force d'épuisement et de matinées blanches, on devrait y parvenir. Le séjour japonais s'est bien passé.

Quatre jours à Tôkyô, trois jours à Yonezawa, petite ville du nord avec la Mer de Chine pour dernier terrain vague (en fait, non, mais je voulais voir quelle gueule aurait cette phrase sur le plasma, pardon à Brel), pour un mariage traditionnel réussi (la nourriture était bonne, et même le reste était bien). Brève escale à Nagano, trois jours dans les montagnes, randonnée sous la pluie, fuite nocturne dans ma tente, deux jours à Osaka, crochet par Kyôto, retour sur Tôkyô, capsule-hotel les deux dernières nuits, vingt-quatre heures d'avion, train plus escale, beaucoup de train, croisé Doctor Doom à Helsinki, et Zubaydi à Shibuya, écouté les BeeGees dans l'avion, Tragedy.

Je suis en train de lire Outlander, un roman romantique avec du sentiment dedans, de Diana Gabaldon. Une infirmière récemment réunie avec son mari, un jeune professeur d'université, au cours d'une seconde lune-de-miel en Ecosse, disparaît mystérieusement à travers un cercle de pierres pour se retrouver projetée dans le passé, où elle rencontre l'ancêtre de son mari (un Anglais très méchant, capitaine de l'armée d'invasion) et un jeune guerrier écossais, qu'elle épouse dans des circonstances euh arrangées pour les besoins de l'histoire. Ils s'aiment, se prennent dans toutes les positions au milieu de la fraîche et riante campagne des Highlands, se donnent des coups de ceinture et se compliquent la vie. Triangle amoureux, voyage dans le temps.

Dévoré pendant le train et les nuits blanches au Japon, Perdido Street Station, gros roman de China Miéville, aurait pu être écrit par Tim Powers au mieux de sa forme, ou Michael Chabon s'il plaçait ses histoires dans un univers inventé. Ca m'a aussi rappelé le Moorcock du Pyatt Quartet, ou le Stephenson du Baroque Cycle, ou encore le Difference Engine de Gibson et Sterling. Bref, un roman formidable qui flirte avec plein d'autres auteurs qui me font vibrer, tout en ayant suffisamment d'originalité en soi pour qu'on ne pense pas à le comparer au-delà d'une simple pêche aux idées. Le style est foisonnant, l'intrigue part dans tous les sens, les personnages son bien campés, l'univers original et addictif. Bref, que du bonheur.

Actuellement en chantier, La Horde du Contre-vent, un roman euh expérimental d'Alain Damasio, un véritable tour-de-force dans lequel j'ai du mal à rentrer. C'est une bande de types qui rampent dans un univers mal défini, ils cherchent à remonter le vent, qui souffle et détruit tout selon une partition nébuleuse, ça fait huit siècles qu'ils piétinent dans la poussière en prenant des grands airs. L'écriture est ampoulée, l'auteur a décidé de nous faire vivre en alternance l'intériorité des vingt-trois pékins, nous sommes dans la lourdeur et l'ennui. Mais, bon. Je vais m'accrocher, je n'ai lu qu'une centaine de pages, essentiellement pendant ma nuit blanche au camping inondé, donc l'impression du moment n'est peut-être due qu'aux circonstances. Pour le moment, j'ai l'impression de lire une version chiantissime des Annales de la Compagnie Noire, ou de La Compagnie des Glaces, le tout dans un bac à sable, avec des trips à la Mondes Engloutis. A reprendre à tête reposée.

Programme de la journée: prendre un petit déjeuner, faire des cartons (second round de mon déménagement, mardi prochain), prendre un train pour Lyon, où je ferai du rangement, passerai le balai et tenterai de me recaler dans l'espace et le temps. Demain, reprise du boulot, avec rattrapage du retard sur les dernières nouveautés, lancement d'une formation-éclair sur la gestion de la compta et des commandes, avant de m'occuper seul de la boutique ce week-end, en avant-goût du mois d'août, pendant lequel mon frère prendra, à son tour, des vacances bien méritées.

mercredi 8 juillet 2009

Attaque de la Tempura Géante

Mercredi huit juillet deux mille neuf. Minuit vingt-six (heure française, dix-sept heures vingt-six). Je suis au Japon depuis une quarantaine d'heures. Les invités du mariage de Piotr sont tous arrivés (nous sommes quatre, dont deux filles et un joueur de cornemuse, qui partage ma chambre d'hôtel). Pour le moment, j'ai mangé un katsudon, deux bols de ramen, une assiette de gyôza, bu une bouteille de saké, un café glacé, une Guinness, acheté deux livres de poche et dormi quatorze heures (la nuit dernière).

J'ai pris l'avion lundi matin, avec escale à Helsinki, où le Doctor Doom est venu me rendre visite pendant mon transit, autour d'une bière et d'un donut. Une dizaine d'heures plus tard, j'étais à Narita, où j'attendis Piotr et Grandbignou, en compagnie desquels je pris le train pour Tôkyô, où je demeure (un hôtel de grand standing près de Ginza, généreusement financé par le fomenteur du mariage). Peu de sommeil en vol. Beaucoup depuis, voire trop.

Tôkyô n'a guère changé depuis mon dernier passage (il y a quatorze ans moins un mois), mais moi, oui. Je suis vite lassé de l'effervescence, des débordements stylistiques sévissant à Shibuya comme du désordre des néons dans le ciel de Shinjuku. J'aspire à respirer l'air de la campagne. Foules ordonnées, politesse omniprésente, métropole propre et bien rangée, Tôkyô ne m'excite plus guère. Surtout après un an en Chine, où l'essor d'une nation tout entière génère une dynamique sociale, dans l'orgueil et la démesure. Le Japon est un vieux pays.

Programme de la soirée: m'aller coucher (vingt-deux degrés avec la climatisation, contre une trentaine dehors, avec un important pourcentage d'humidité, mais après Hong-Kong en août, je rigole mollement), lire un peu, tenter de dormir, ne pas y arriver, lire jusque vers cinq heures du matin, décalage horaire raté. Suis en train de lire Perdido Street Station, de Chine Miéville, un roman foisonnant, avec une grande ville aux allures victoriennes, de la magie, des peuples divers. Un excellent style, des ambiances dignes de Michael Chabon ou du Gloriana de Michael Moorcock. D'autres analogies m'ont percuté tout le jour, mais elles me laissent en paix une fois le clavier sous mes doigts. Demain, Ueno, Shinjuku, palais impérial et yakitori.

dimanche 5 juillet 2009

En Route pour la Joie

Lundi six juillet deux mille neuf. Cinq heures cinquante-trois du matin. Dans cinq heures, je m'envole pour le Japon. Je suis en retard, ma valise n'est pas prête.