dimanche 26 juillet 2009

Overnight Sensation

Dimanche vingt-six juillet deux mille neuf. Dix-sept heures cinquante. Je me suis plus ou moins remis de mon jet-lag. J'en conserve une propension à me réveiller matin, dont je profite tant qu'il est temps; la saison estivale se laisse brosser dans le sens du poil, il fait jour tôt, et les heures à un chiffre sont propices à la lecture. Paisible, à l'occasion, tumultueux par ailleurs, mon quartier en été, pour ce que j'en vois, est intéressant à côtoyer.

Le matin, les envols de pigeons sous mes fenêtres occasionnent chez moi un léger agacement. Durant mon voyage au Japon, les intempéries, ou le mouvement de va et vient de mes volets malmenés par le vent, ont jeté à bas plus de la moitié des piques anti-pigeons ayant orné mes fenêtres. Un coup d'œil jeté à la dérobée sur les balconières de mes voisins m'a révélé l'universalité du phénomène; toujours est-il que, mon état des lieux mentionnant lesdites piques, j'en serai redevable à ma régie au moment d'en sortir, fût-ce le vent qui s'en soit rendu coupable.

Hier matin, vers sept heures, tandis que je lisais, allongé à même le sol sur mon matelas de fortune, un groupe d'hommes avinés, sans doute assemblés dans une cour voisine, ont trouvé amusant de faire sonner une corne de brume, à pleine puissance, pour le plaisir de la populace assoupie (qui, à de très rares exceptions, ne travaille pas, contrairement à moi, le samedi matin). Autre élément d'animation sous mes fenêtres, le ballet des chats du quartier, et la bêtise d'une de mes voisines qui, en plus de nourrir la vermine venue du ciel, à grand renfort de croûtons et de graînes, endosse la cuirasse de la croisée pour vider des bassines sur les félins tonitruants, lesquels se voient simultanément encourager, par mes soins, à choper les pigeons qui troublent ma quiétude.

Tel est le paysage estival dans les environs immédiats de mon domicile. Il fait trop chaud, mais comme mes fenêtres sont orientées plein sud, je n'en souffre qu'à partir de quatorze heures; le matin, je laisse grand ouverts mes carreaux, m'emplissant les poumons de l'air malsain des villes (l'air lyonnais est pollué, je l'ai testé, alors que même l'atmosphère de Tôkyô était, par comparaison, respirable, et les véhicules y roulant particulièrement silencieux). Les automobilistes lyonnais, ville typique du Midi de la France, sont des chauffards de la pire espèce: leur activité favorite est de remonter les rues en marche arrière, pas vus pas pris, et j'ose à peine imaginer leurs débordements en cas de victoire décisive de leur équipe ballipédestre locale.

Je me remets doucement au sport. J'ai de grandes ambitions pour la rentrée, mais j'attends mon heure pour me lancer dans la course aux inscriptions. J'ai repris la course à pieds la semaine dernière, piétinant de mes foulées penaudes deux circumambulations du Grand Canal mis à la disposition des joggers du Parc de Sceaux, dans les Hauts-de-Seine (mes parents crêchent à deux bornes dudit parc), couvrant une distance totale, et continue, égale à six virgule quatre kilomètres, à en croire mon petit frère, lequel a longtemps, et abondamment, fréquenté le même parcours, du temps de ma jeunesse (il habitait alors à huit cents mètres du lieu dit). Je commence à récupérer de l'excès. Je me réserve pour le déménagement de ce mardi, j'aurai cinquante cartons de livres, et quelques meubles, à monter jusqu'au quatrième étage où j'expie.

Je suis toujours à la recherche d'une piste d'athlétisme, ouverte au public, proche de chez moi, susceptible d'accueillir mes déprédations tôt le matin, dans les mois à venir. J'aimerais aussi reprendre le badminton, sur des bases régulières, dans un cadre associatif, à proximité de mon domicile, toujours. Et me mettre au triathlon, ce pourquoi il me faudra au préalable repérer une piscine ne brillant ni par son éloignement, ni par la tardivité de son ouverture matutinale. Parce que j'aime à penser que je conserverai longtemps ce rythme (je sais, je suis naïf).

Programme de la journée: rester une heure environ à la boutique, que je tiens cet après-midi, jugulant tant bien que mal le flot continu du public avide de débourser ses sous dans mon établissement (quatre clients pour le moment, un par heure); en compagnie de Vertige, qui me rend visite pour le début de semaine, trouver un restaurant vietnamien ouvert, y déguster un pho ou, à défaut, dénicher un vendeur de kébab et consommer ses produits alimentaires. En soirée, dormir tôt, poursuivre mes lectures ou causer avec Vertige.

Ce matin, j'ai achevé la lecture, commencée avant-hier, de Glissements: une anthologie de troubles topographiques, ouvrage publié, en nombre limité, pour fêter les cinq ans d'existence des Moutons Electriques, une maison d'édition lyonnaise dont je suis particulièrement fan (j'ai entrepris d'acheter toutes leurs productions, y compris rétroactivement, dans la mesure du possible). Un recueil inégal, hélas bourré de coquilles, mais où quelques perles surnagent (les noms des contributeurs m'échappent, mais la nouvelle mettant en scène une série de demeures gigognes s'enfonçant sous la surface d'un lac gelé de dimension infinie m'a séduit par son aspect résolument borgésien, j'y ai goûté mes premières productions de Xavier Mauméjean et de Serge Lehmann, tous deux pourtant auteurs confirmés du paysage de l'imaginaire francophone, et je disséquerai plus avant la chose à tête reposée).

Ce matin toujours, car je me lève tôt, j'ai entamé, et presque achevé vu les dimensions de l'ouvrage, The Carpet People, premier roman de Terry Pratchett, initialement publié en septante-un, mais "amélioré" dans la présente édition, laquelle date du début des années nonante, par l'intervention d'un certain Terry Pratchett, romancier confirmé, ayant décidé d'arrondir les angles que son alter-ego de dix-sept ans avait laissés parfois saillir plus que de raison. Le produit final est agréable à lire, laisse entrevoir certains aspects des romans à venir, notamment du Discworld, mais demeure, n'en déplaise à l'afficionado du maître qui sommeille en moi, une œuvre de jeunesse, immature et parfois maladroite (mais tout ne tombe pas à plat, et j'apprécie cette lecture à la mesure de son mérite).

Toujours en chantier, Outlander, dont l'héroïne vient d'échapper au bûcher; La Horde du Contrevent, dont les protagonistes s'accordent une soirée de détente bien méritée à bord d'un voilier de passage; Renegade's Magic, l'avant-dernier roman de Robin Hobb (dont je lorgne sur le tout récent Dragon Keeper, sis dans le même univers et à la suite des trois trilogies publiées n'importe comment en français, impliquant un apprenti assassin, une bande de marins et un prophète pâle), que je n'ai laissé de côté il y a trois semaines que parce que ses dimensions en rendaient difficile l'embarquement dans mon sac de voyage pour le Japon.

Mardi prochain, dans deux jours donc, les deux ou trois mille livres présents dans mon studio se verront rejoindre par leurs collègues restés au pays, grâce aux volontés déménageantes de mes parents, grâces leur soient rendues. En soirée, un repas programmé dans un restaurant peu onéreux des environs, une sorte de répétition générale avant le grand banquet commémorant le quatrième anniversaire de l'ouverture, un vingt-cinq juillet, de la boutique où j'exerce dorénavant mes nombreux talents. C'est sans doute un effet de l'heure, mon estomac gargouille et j'ai peu dormi. Je vais de ce pas vider une fois de plus ma petite bouteille d'eau, quand il fait chaud, faut s'hydrater (de Lerne), manger un paquet de cookies fondus par le soleil, lire quelques pages et ne pas relancer la musique, entre la variété avariée, le jazz entrecoupé de sermons sur la vie et le heavy-metal par trop technique et compassé que les web-radios de ma fréquentation m'ont mis dans les esgourdes depuis ce matin, j'ai besoin d'une pause. Hop. Plus que trois-quarts d'heure et je lève le camp.

Aucun commentaire: