jeudi 15 octobre 2009

Plus qu'Humain, mais moins qu'Humain, trop Humain

Jeudi quinze octobre deux mille neuf. Dix heures vingt du matin. Je suis, depuis une petite heure, sur mon lieu de travail, anticipant d'une bonne heure et demie l'heure d'ouverture dudit commerce. Je sais, je ne devrais pas, et si j'étais payé à l'heure, ça m'inquiéterait, heureusement, je fais ce que je veux de mon temps; l'avantage d'être travailleur indépendant. Je peux, si je veux, travailler quatre-vingts ou nonante heures la semaine, en étant payé moins que le salaire minimal, si je veux. Penser à remplir mon formulaire de demande d'aide au logement (qui traîne depuis mars).

Dans dix jours, je serai presque en Chine. D'après mes sources bien informées, il y fait encore bon, mes sources bien informées se promènent en t-shirt. J'irai squatter leur canapé. Ici, il fait froid, enfin, frais, pas vraiment froid. Le thermomètre près de la gare, ce matin, affichait quatre degrés centigrades, et mes mains confirment, elles rougissaient, gonflaient et s'engourdissaient, crispées sur le guidon du vélo, en attendant que je daigne les enfourner dans quelque cavité tiédasse, ou que je consente à parvenir à ma destination.

Compromis de saison, j'ai sorti l'écharpe du placard. Elle ne devrait plus guère me quitter d'ici au mois d'avril. Sauf s'il fait vraiment trop chaud en Chine, surtout en Chine du sud, où je prévois de m'échapper quelques jours, le temps d'un coucou au Sultan et à sa famille (le chien est mort, mais la cellule humaine prospère, youpla boum). Je n'ai pas encore sorti le pull, il ne fait même pas zéro. Mais, peut-être, demain les gants.

Je pianote inutilement sur ce clavier, en dépit du boulot qu'il me faudrait abattre, tel un tronc de séquoïa dans le grand nord canadien. Je dois notamment, d'ici onze heures, ouverture du magasin, avoir fait disparaître plusieurs mètres-cubes de livres empilés sur la table de déchargement, car les successeurs desdits livres attendent leur heure, quelque part entre le rideau métallique manifestant physiquement la fermeture du magasin, et les aléas des tournées de livraison des professionnels du déballage. Je les attends de pied ferme.

Programme de la journée: traîner sur le trône, en émerger régénéré, reprendre mes fonctions, activer mes servo-moteurs pour entonner une ode à l'escamotage de marchandises encombrantes. Ouvrir des cartons, suer sang et eaux, faire des pauses-café toutes les demi-heures, plonger sous terre, y aménager des canaux pour les rejetons infernaux du Styx et du Phlegeton, me gargariser des exploits avortés des cosmonautes défunts, bref. Tenir le gouvernail en attendant que le capitaine descende sur le pont.

Quelques lectures en vrac: "La Chambre des morts", un thriller de Franck Thilliez moyennement convaincant. Depuis cette nuit, "La Belle et les ténèbres", de Robert B. Parker, une série noire traduite par le polymorphe Michel Deutsch, avec des bouts de private eye dedans. Hollywood. Des belles pépés. Des dialogues au scalpel, des chapeaux mous et il est temps que je file. On m'attend dans une ruelle obscure, un katana à la main.

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