dimanche 9 août 2009

Freewheel Burning

Dimanche neuf août deux mille neuf. Quinze heures quarante-trois. Dimanche est sans doute le jour de la semaine où je préfère travailler. Déjà, je commence à quatorze heures au lieu de onze heures du matin, ce qui me fait arriver vers midi plutôt que neuf ou dix heures, surtout en cette période de remaniement du tissu espace-temps. Ensuite, les clients sont rares, donc j'ai le temps de faire ces petites choses qui, les autres jours, s'entassent et se rappellent à mon attention, le soir, lorsque, au terme de quinze heures consécutives de travail, je rentre me coucher, par lâcheté, plutôt que de m'y atteler. J'aime le dimanche.

Cette première semaine sans mon frère s'achève de manière plutôt positive. Les ventes sont bonnes, les fournisseurs en vacances n'ont pas posé de problèmes, j'ai réussi à passer quelques commandes, et Mirgwael est venu me suppléer aux bons moments, quand je commençais à m'effondrer et que mon épiderme desséché menaçait de se fendiller, répandant sur le parquet sale de la boutique mes entrailles malmenées par la privation et le déséquilibre de mon régime alimentaire. J'avais besoin de repos, Mirgwael m'a remplacé certains soirs, épaulé certains matins, il a su faire de la comptabilité et lessiver le carrelage quand l'énergie m'en manquait. J'aime le travail en équipe.

Puisque nous en sommes à parler des choses que j'aime, mentionnons la lecture, ou la littérature ou les livres, pour peu qu'il y ait une différence entre les trois. Certains livres ont des images, d'autres sont snobés par une partie du public, qui rechigne à leur accorder le nom de littérature, mais les vrais amis des livres s'en tapent, qu'il s'agisse de revues, de volumes en poche ou de grand format, ils engrangent et avoinent à tout va. En ce moment, j'engrange plus que je n'avoine, mais un jour viendra... J'ai compromis la solidité financière de mon foyer en confiant mes économies au libraire SF d'occasion que je connais sur Lyon. Je suis reparti avec deux grands sacs pleins de livres. Il fait même du comic book, en anglais, avec du super-hero dedans. Comment résister?

Les moustiques ont apparemment fini par découvrir le chemin de mon quatrième étage sans ascenseur. Ils viennent pousser la chansonnette dans mes oreilles aux petit matin, boire quelques pintes de mon sang primé, et décorer mes murs blancs par les taches écarlates qui viennent s'y imprimer quand sonne leur dernière heure, à grand renfort de pantoufle. Il faudra que je pense à nettoyer les murs. Quant à savoir comment ils ont fait pour s'introduire dans mon domicile, je pencherais pour les fenêtres grand ouvertes une partie de la nuit, mais j'attendrai les résultats finaux de l'enquête officielle avant de me prononcer.

Mes fenêtres restent ouvertes, on s'en sera douté, du fait des grands chaleurs qui sévissent présentement en notre belle ville de Lyon. Le mercure doit osciller, au plus fort du cagnard journalier, entre trente et trente-cinq degrés, avec des pointes proches de quarante. A mon avis. Je n'ai pas de thermomètre, et je suis équipé, au boulot, d'un ventilateur spécialisé en rhumes, donc je ne suis pas le mieux placé pour connaître la réalité empirique du temps qu'il fait, mais comme je bosse derrière un comptoir, les gens qui viennent m'acheter à boire se sentent obligés de me faire des confidences. Et puis, avouons-le, comme je passe l'essentiel de mes journées courbé en deux sous le poids des livres ou des packs de bouteilles, ou des plateaux de cannettes, ou des cartons livrés pour moi en rémission des péchés, je la connais, en fait, la chaleur, et ce, quelle que soit la saison. Alors, bon. Le mercure peut bien monter, descendre, je suerai toute l'année. Bénies soient mes douches froides quotidiennes.

Programme de la journée: tout en guettant le chaland, traîner sur l'entretoile tout en rangeant ma boutique. Dans un peu plus de trois heures, à la fermeture, je poursuivrai mes efforts afin de débarquer, demain matin, dans un environnement favorablement débarassé de tout ce qui l'encombre. En soirée, je regarderai un disque digital polyvalent, avant de me plonger dans les aventures illustrées, quoiqu'en noir et blanc dans la réédition bon marché acquise ce jeudi, de Luke Cage, héros à louer, alias Power Man pour les extimes. La réponse du comic-book anti-balles aux tropes de la blackploitation mise au goût du jour par le cinéma populaire des early seventies (car la BD en question est d'époque).

Dormir, avant l'aube, pour revenir au magasin. Mon frère rentre vendredi. J'aurai, d'ici là, achevé mes rangements et accumulé un retard conséquent dans la gestion quotidienne du commerce; à moins que, d'ici là, je ne prenne le coup de main et ne parvienne à tout gérer de front, en un temps record, sans erreur et sans stress. Mais j'en doute. Grâce à Mirgwael, ma semaine de travail est descendue de quatre-vingt-dix à quatre-vingts heures, et encore, je n'ai pas eu le temps de tout faire. Dans un an, peut-être, mon expérience de tous les aspects du métier sera suffisante pour me permettre de tout abattre simultanément, à la perfection et dans l'allégresse, mais en l'état, je poursuis mon apprentissage. Et mon sandwich à la rosette.

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