mardi 30 décembre 2008

La Mélopée des Briques

Mercredi trente-et-un décembre deux mille huit. Midi vingt-sept (heure française, cinq heures vingt-sept du matin). Une grosse semaine me sépare désormais de la libération; non que je vive véritablement l'enseignement comme un calvaire de tous les instants, mais ce métier puise en moi des forces vives qui mettent trop de temps à se reconstituer. J'y laisse de ma personne, et ce que j'en retire se résume, bien trop souvent, à une satisfaction passagère, un peu de frustration quand les tentatives n'aboutissent pas, et des souvenirs émus pour quand l'éloignement aura converti le quotidien en nostalgie.

Une dizaine de jours me séparent de la précédente entrée. Depuis, je n'ai fait qu'affermir ma résolution de quitter les lieux au plus vite, c'est-à-dire après le mariage du Sultan, voire du nouvel an chinois, qui tombe le vingt-six janvier, si je parviens à tenir jusque-là. Le superviseur des enseignants étrangers m'a, au nom du proviseur, demandé de reconsidérer ma décision, mais j'ai su rester inflexible. Il faut dire que ma vie, dans les mois à venir, ne doit pas être ici. Un an m'aura suffi à faire le tour du lieu, je puis donc partir sans regret.

La semaine dernière a été quelque peu mouvementée. Entre les leçons, l'effervescence de saison m'a sollicité pour animer le goûter de Noël d'une école privée donnant des cours d'anglais aux gosses de riches du coin. J'y suis allé deux fois, une avec le Sultan et une seconde seul, avec à chaque fois une centaine d'enfants âgés de cinq à douze ans, dans un pseudo-Kentucky Fried Chicken local (mais meilleur que l'original).

Ellipse. Il est désormais dix-sept heures quarante. Je rentre à l'instant du spectacle de Nouvel An organisé par le lycée: chants, danses et sketches humoristiques. J'y ai interprété, avec l'aide du Sultan pour les refrains, Yellow Submarine des Beatles, a capella, devant cinq mille élèves. C'est une chanson facile à chanter, facile à comprendre, pas trop longue, idéale pour un public jeune.

Aujourd'hui, j'ai reçu ma paie du mois. J'espère la conserver longtemps, rentrer en France avec quelques économies, histoire de voir venir. Il s'agira de ma dernière paie pleine, puisque mon contrat prend fin dans neuf jours. Le repos me fera le plus grand bien, je commence à saturer, niveau boulot. Je n'ose même pas imaginer comment les salariés ordinaires supportent le leur.

Programme de la journée, enfin de la soirée, puisque la nuit tombe: bouquiner au froid, avant de sortir manger quelque chose de chaud pour fêter le saut de l'an. Je suis depuis deux jours sur The Dain Curse, un Dashiel Hammett qui manquait à mon palmarès. Un Douglas Coupland s'apprête à en prendre le relais.

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