samedi 13 décembre 2008

Pentecôte pour un Pangolin

Dimanche quatorze décembre deux mille huit. Quinze heures vingt (heure française, huit heures vingt du même matin). Il est des jours qui filent à la vitesse de l'éclair. Il en est d'autres qui se traînent à la vitesse d'un limaçon apathique. Aujourd'hui reste suspendu quelque part entre les deux. Quant au défilement des jours, des mois et des semaines, il appartient décidément à la seconde catégorie.

Aujourd'hui, je trouve le temps long à moyen terme, et trop bref à court terme. Je peine à trouver comment meubler les cent cinquante-six heures de cours qu'il me reste à dispenser d'ici au vingt-trois janvier, date officielle de mes vacances. Six semaines m'en séparent. Pour demain et les quatre jours suivants, je prévois une thématique de saison (expliquer à mes ouailles, qui ne fêtent pas Noël, comment on la célébre de mon côté du Rideau d'Argent). Pour la suite, mystère... Quant au contenu précis du cours de la semaine, je m'en occuperai sans doute demain matin.

Depuis deux jours, je n'ai pu me rendre sur internet, mon ordinateur personnel, ou plutôt le système d'exploitation tournant dessus, Windows XP version piratée officielle chinoise, ayant subitement décidé de rendre l'âme. Combustion spontanée. Mon PC n'était plus qu'un gros presse-papier où seul marchait encore mon lecteur de livres électroniques stockés sur mes disques durs externes.

Sur les conseils du Sultan, et avec ma bénédiction, je viens de me faire installer Ubuntu, une plateforme Linux, qui a le mérite d'être officiellement gratuite (pas uniquement en Chine, mais dans le monde entier, y compris chez mon père). Je tâtonne depuis ce matin pour me familiariser avec l'engin, mais je constate d'ores et déjà que ma bécane tourne beaucoup plus vite, et que je peux, enfin, écouter de la musique en même temps que tourne une autre application. Je croise les doigts en attendant que soit confirmé dans mon cœur l'impact immense qu'y constitue la révolution Linux.

Comme l'ordinateur ne tournait plus, et que j'étais officiellement en week-end, j'ai fait marcher cette autre pompe à temps qu'est la lecture. J'ai neutralisé la menace présentée par Douglas Coupland et son très fluide JPod (avec des foutages de gueule comme l'insertion d'une trentaine de pages contenant les cent mille premières décimales de Pi). Lecture agréable, dans la lignée de ses précédents ouvrages. Il me reste son dernier roman en date, The Gum Thief, quelque part sur mes étagères.

J'ai enchaîné prestement avec Rafles sur la ville, un roman policier d'Auguste le Breton datant de mille neuf cent cinquante-six, que je viens de finir. Lecture délectable. Le Breton et moi, c'est une histoire d'amour pas vieille, mais intense. Je n'ai lu que quatre ou cinq de ses romans, notamment tirés de la série des Rififi (terme dont il est l'inventeur et le possesseur légal), mais j'en garde un souvenir intense et le désir d'en lire davantage. Chaque chose en son temps. Une fois de retour au pays, je tâcherai d'engloutir une partie de mes économies dans tous les livres qui me font baver (ou je m'inscrirai dans une bibliothèque municipale).

Dans Rafles sur la ville, Le Breton abandonne le point-de-vue des truands et autres affranchis, coutumier de ses romans, pour adopter celui des flics, habituels antagonistes. Une brigade parisienne tente tout pour coincer un tueur ayant liquidé l'un des leurs. Mais tout n'est pas tranché noir sur blanc, certains policiers comportant leur part d'ombre, tandis que les gangsters de Paname renferment leurs côtés humains. Avec de l'argot policier qui sonne vrai, dans le Paris d'il y a cinquante ans.

Pour les dix ou douze prochains jours, je m'apprête à attaquer de front l'iceberg Ayn Rand, avec la lecture d'Atlas Shrugged, son grand-œuvre, si je ne m'abuse. Auteur évadée d'une Union Soviétique qu'elle dénigrera d'autant plus qu'elle débarque dans l'Amérique maccarthiste des années cinquante (notons au passage que je n'ai pas vérifié les détails de sa biographie, et que je me trompe sans doute sur la date exacte de son arrivée aux Etats-Unis, mais que la parution du roman remonte bel et bien cinquante-sept), Ayn Rand reste aussi bien adulée que controversée outre-Atlantique. Je n'ai jamais rien lu d'elle, donc j'en pourrai dire davantage d'ici mille deux cents pages imprimées tout petit, au secours, mes pauvres yeux.

Ces derniers temps, pour masquer mon vernis d'activité intellectuelle sous une épaisse couche d'exercices physiques, je m'adonne davantage au tennis de table, depuis que le badminton devient difficile à pratiquer étant donnés mes horaires de travail, l'oblicité plongeante des rayons solaires quand je quitte ma salle de classe et la mauvaise volonté des praticiens locaux à se plier à mes habitudes déviant de la norme chinoise. Ils demeurent surpris que je ne dîne pas à dix-sept heures pétantes, et ferment la salle de badminton vers dix-huit heures, quand bien même je me suis tout juste échauffé.

Comme il fait nuit de plus en plus tôt, je ne cours plus guère, n'ayant que très modérément envie de me fouler la cheville dans le noir, comme cela m'est déjà arrivé depuis ma venue en Chine. Quant à mon objectif de courir dix kilomètres d'affilée en moins d'une heure d'ici fin deux mille huit, j'ai bien peur que... A moins de m'y mettre tout de suite...

Programme de la journée: d'ici une vingtaine de minutes, sortir pour aller courir comme un con autour du stade. Objectif, trois à cinq kilomètres en petites foulés. Si je ne suis pas mort à l'arrivée, me diriger vers la salle de badminton pour aller mesurer mes tendinites à l'aune des raquetteux du coin. Si le badminton se refuse à moi, opter pour le ping-pong, voire la douche, selon mon état de fatigue.

En soirée, recevoir les instructions du Sultan pour nourir et sortir son chien les trois prochains jours, qu'il devrait passer à Wuhan aux prises avec l'administration franco-chinoise (objectif, se marier le mois prochain, dans les parages, avec une fille des environs, qui le lui rend bien). Préparer mollement mon cours de demain. Lire à m'en user les yeux. Dormir tard, car j'ai bu trop de thé, ou tôt, car je serai rincé par ma Longue Marche dans la poussière (à laquelle je retournerai, mais c'est une autre histoire).

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