lundi 5 janvier 2009

Synchronisation des Monstres

Lundi cinq janvier deux mille neuf. Dix-huit heures onze (heure française, onze heures onze du matin). Mon imminent retour sur le plancher des vaches fromagères se précise. J'ai pu faire avancer mon avion, moyennant un supplément de mille cent dollars hong-kongais que je paierai au comptoir, entre deux demis, avant de prendre mon envol, le jour même. Si la haute finance internationale n'a pas trop merdé depuis mai dernier, ça devrait faire dans les cent euros.

Pour parvenir à cet exploit communicationnel, j'ai dû, dans un premier temps, accéder au site de ma compagnie aérienne, mystérieusement bloqué par le Great Firewall of China. Puis, naviguant en sous-marin sur ce site mal agencé, j'ai mis des plombes avant de trouver quels numéros appeler, depuis la France ou la Baie des Parfums (aucun numéro en Chine continentale, pas de bol). Nouvelle recherche laborieuse pour trouver l'indicatif téléphonique à composer pour joindre Hong-Kong depuis la Chine. En définitive, impossible d'appeler internationnalement sur mon poste fixe, allez savoir pourquoi.

C'est un ami en France qui s'est chargé de la démarche téléphonique. Je quitterai, donc, Hong-Kong le mardi trois février sur les coups de minuit, pour arriver sur Paris vers neuf heures le mercredi quatre au matin. Dans l'intervalle, il me reste quatre petites semaines à passer en Chine, dont quatre jours de cours, après quoi je serai officiellement démis de mes fonctions (puisque je renonce à renouveler mon contrat un troisième semestre). Je sens que les derniers jours d'enseignement seront difficiles.

Première difficulté, ma voix. Pour une raison mal élucidée (sans doute liée à la crève qui traîne dans ma gorge depuis quelques jours, le froid ambiant n'y est sans doute pas pour rien non plus), j'étais, aujourd'hui, au bord de l'extinction de voix. J'ai pu assurer mes cinq heures de cours, mais j'ai peur pour demain. On verra si la nuit me portera chance. Je compte me coucher tôt, rester au chaud sous la couette et boire beaucoup. On verra bien au matin, si je suis d'attaque.

Le plan de cours de la semaine repose sur deux axes, un "petit bac" (ce jeu où les concurrents doivent trouver des mots entrant dans des catégories pré-définies, commençant tous par la même lettre initiale déterminée par le meneur de jeu) qui a fait ses preuves, et une excursion dans la musique moderne qui a vite montré ses limites (hier, dimanche, j'ai constaté que la plupart de mes élèves, âgés de quinze ans en moyenne, n'appréciaient que la soupe variétoche guimauve chinoise, plus quelques tubes immortels comme les chansons des Back Street Boys ou des Carpenters que les haut-parleurs du lycée nous assènent plusieurs fois par jour).

L'aphonie risque de nuire à mon jeu. Elle pourrait aussi compromettre les activités d'ameublement visant à compenser mon manque de préparation. En ultime recours, il faudrait que je trouve un film, ou dessin animé à diffuser aux gamins, en cas de grand silence. Ou mimer mes mots. Les écrire au tableau. Je sens vite venir des configurations comiques un brin gênantes. Enfin, bon. On verra demain si je tiens le coup vocalement.

Il me reste quatre jours de cours, donc, soit vingt-et-une classes, plus deux périodes de conversations en petit comité sur thèmes libres. J'ai commencé à dire adieu, à mes cinq meilleures classes dans un premier temps (c'était aujourd'hui), aux vingt-et-une autres dans un second mouvement de balayage. Je leur donne collectivement mon adresse électronique, mais je sais que peu d'entre eux prendront la peine de m'écrire; du moins ceux qui désirent garder le contact en auront-ils la possibilité.

Programme de la soirée: d'ici vingt minutes environ, sortir manger une soupe de poulet, sans doute suivie de riz cantonais. Ou de nouilles. Quel dilemme. Ma vie est trépidante. Une fois de retour ici, lecture sous la couette. J'ai terminé ce matin un roman de Serge Brussolo, Ma vie chez les morts, et je viens d'entamer Stranger in a Strange Land, de Robert A. Heinlein, qui démarre sur les chapeaux de roues. Dormir au moins huit heures, m'hydrater, me lever trop tôt. Dans un peu moins de quatre-vingt-quinze heures, mon sacerdoce prendra fin.

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